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Publié par Parolesdejuges

 

Comme chaque année, le Conseil Supérieur de la Magistrature (son site) vient de publier son rapport annuel pour l'année 2014 (téléchargement ici).

Dans ce document de 456 pages, 183 pages (dans la partie Annexe) présentent les décisions et avis du CSM en matière de discipline des magistrats (1).

Si le nombre de dossiers est réduit, 16 affaires ayant été traitées (10 par la formation compétente pour les magistrats du siège et 6 par la formation compétente pour les magistrats du parquet), le nombre de pages s'explique par la minutie avec laquelle le CSM motive ses décisions. Cela permet de bien comprendre son raisonnement et la raison d'être de sa décision finale.

Les décisions prises pour les magistrats du siège sont :

- 20 mars 2014 : dit n’y avoir lieu au prononcé d’une sanction (un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision)
- 27 mars 2014 : blâme avec inscription au dossier (un pourvoi en cassation a été formé par le magistrat poursuivi)
- 30 avril 2014 : blâme avec inscription au dossier
- 24 juillet 2014 : admission à cesser ses fonctions (un pourvoi en cassation a été formé par le magistrat poursuivi)
- 30 juillet 2014 : dit n’y avoir lieu au prononcé d’une sanction
- 25 septembre 2014 : admission à cesser ses fonctions
- 23 octobre 2014 (S216) : blâme avec inscription au dossier
- 6 novembre 2014 (S217) : dit n’y avoir lieu au prononcé d’une sanction
- 4 décembre 2014 (S218) : blâme avec inscription au dossier
- 19 décembre 2014 (S219) : rétrogradation

Les avis émis pour les magistrats du parquet ont été :

- 28 janvier 2014 : non-lieu au prononcé d’une sanction
- 28 janvier 2014 : révocation
- 29 avril 2014 : déplacement d’office
- 24 juin 2014 : révocation
- 30 septembre 2014 : refus de l’honorariat
- 19 décembre 2014 : déplacement d’office

Le CSM fait ensuite la liste (et détaille) les manquements constatés au cours de l'année 2014, en faisant un bilan de toute sa jurisprudence passée. Et parmi ceux-ci  :

- Abus de fonction, notamment eu égard à l’interdiction absolue pour tout magistrat de s’immiscer dans une procédure dont il n’a pas la charge, notamment au regard des obligations de loyauté et de délicatesse que tout magistrat doit adopter à l’égard de ses collègues et des auxiliaires de justice.

- Retards injustifés dans le traitement des procédures, en tenant compte du nombre de procédures dans lesquelles les retards sont constatés, de la permanence ou récurrence de ces retards, de la réaction de la hiérarchie et de ses mises en garde ainsi que de la charge du magistrat.

- Comportement inacceptable avant l'entrée dans la magistrature découvert seulement postérieurement.

- Comportement inacceptable dans la vie privée.

- Propos des magistrats, en cabinet ou à l'audience, avec notamment la problématique de la limite de la liberté de parole des parquetiers.

- Absentéisme

- Usage de réseaux sociaux (et notamment de twitter pendant une audience, entre deux magistrats y siégeant, l'un au siège l'autre au parquet, le CSM précisant que "le prétendu anonymat qu’apporteraient certains réseaux sociaux ne saurait affranchir le magistrat des devoirs de son état, en particulier de son obligation de réserve".)

- Mauvaises relations avec les auxiliaires de justice.

- Manquement à l'obligation de réserve, notamment lors de déclarations publiques.

Au-delà de son action, le CSM estime, à propos des avertissements que peuvent donner les chefs de cour : "On peut regretter qu’il ne soit pas fait davantage usage par les chefs de cour d’appel de cette mesure infra-disciplinaire et à visée pédagogique et préventive. En effet, complétant l’évaluation du magistrat en ce qu’il souligne des insuffisances professionnelles graves ou des dérives de son comportement personnel, l’avertissement a l’avantage de ne subsister que temporairement à son dossier (pendant une durée de trois ans) et de constituer une mise en garde solennelle"

 

Le rapport analyse de nouveau le mécanisme des plaintes adressées directement par les justiciables. (lire également ici, ici, ici, ici)   Et les constats sont proches de ceux des années antérieures. Le CSM écrit, notamment :

"Entre l’entrée en vigueur de la procédure, le jour de l’installation du Conseil le 3 février 2011, et le 31 décembre 2014 (soit 3 ans et 11 mois), ont été enregistrées 1278 plaintes (soit en moyenne 28 plaintes par mois). 924 visaient exclusivement un ou des magistrats du siège, et 198 un ou des magistrats du parquet, soit 1122 plaintes. Les 156 autres plaintes (dites « mixtes ») étaient dirigées, dans le même temps, contre plusieurs magistrats, l’un ou les uns du siège et l’autre ou les autres du parquet, hypothèse qui n’est pas envisagée par les textes. Il apparaît donc que, si l’on exclut les plaintes mixtes qui par hypothèse visent siège et parquet, 82 % des plaintes sont dirigées contre un ou des magistrats du siège, et 18 % contre un ou des magistrats du parquet.

À la date du 31 décembre 2014, ces 1278 plaintes, soumises à l’examen des commissions d’admission des requêtes, ont donné lieu aux types de décisions suivants :

– irrecevables ou manifestement irrecevables : 980 plaintes
– manifestement infondées : 263 plaintes
– recevables : 29 (dont 4 en cours)
– en cours : 6 (outre 4 déclarées recevables)

(..) l’étude des plaintes déclarées irrecevables montre que le motif principal d’irrecevabilité tient, dans 67 % des cas, au fait que n’est pas dénoncé le comportement d’un magistrat, mais qu’est en réalité contestée une décision de justice, sans qu’aucun comportement du magistrat ne soit dénoncé, hors le fait d’avoir pris ladite décision. Or, si le fait de prendre une décision pour des motifs extérieurs à la procédure peut constituer une faute disciplinaire, encore faut-il qu’un plaignant, à l’appui d’accusations en ce sens, s’il n’apporte des preuves, décrive à tout le moins des circonstances pouvant laisser suspecter que la décision contestée a été sciemment biaisée du fait du magistrat. Or, de manière générale, tel n’est pas le cas.

Il est donc possible d’affirmer que le taux élevé d’irrecevabilité découle, non pas de ce que la procédure est fondamentalement défaillante ou mal mise en oeuvre, mais du fait de son incompréhension par les justiciables. Incompréhension somme toute explicable, par le fait que les justiciables, qui ne sont pas par nature des organes de contrôle de la déontologie des magistrats, et ne se vivent pas comme tels, n’ont en général pour préoccupation, de manière bien légitime, que le sort de la procédure qui les concerne. Il est en effet possible de concevoir qu’un justiciable, qui constaterait un comportement défaillant d’un magistrat, mais obtiendrait de lui une décision favorable, ne prendrait pas la peine de saisir le Conseil. Par hypothèse, le Conseil est essentiellement saisi par des justiciables n’ayant pas eu gain de cause en justice, et qui, ne comprenant pas ou n’admettant pas la décision qui leur a été défavorable, peuvent en toute bonne foi imaginer que des motifs occultes expliquent leur insuccès.

(..) Il ressort clairement de l’analyse des 25 dossiers regroupant les 29 plaintes recevables (un même magistrat ayant été visé par cinq plaintes regroupées en un seul dossier), que leur thème principal est celui de l’atteinte à l’impartialité objective, entendue dans un sens assez large, qui peut être considérée comme le motif principal de 16 dossiers.

Ces plaintes visant les magistrats du siège critiquent des comportements qui démontreraient leur partialité, au motif qu’ils auraient tenu des propos agressifs à l’encontre du plaignant, montré des signes de connivence avec l’avocat de l’adversaire, ou de complaisance à l’égard de l’adversaire ou de ses témoins. L’instruction menée à la suite de décisions de recevabilité n’a jamais confirmé l’existence d’une quelconque partialité des magistrats dénoncés.

(..) Trois plaintes dénoncent une supposée influence sur la procédure des liens de famille du magistrat, s’agissant de soupçons liés au fait que deux époux ont joué un rôle dans la même procédure à deux stades distincts, qu’une juge a connu d’affaire dans lesquelles intervenait l’avocat associé de son mari, ou que le juge portait le même nom que la partie adverse. Dans ces hypothèses, l’instruction a révélé que les soupçons étaient infondés, mais a confirmé que les
apparences étaient insatisfaisantes, pouvant effectivement laisser suspecter un biais, en fait inexistant.

Trois plaintes, toutes dirigées, de manière symptomatique, contre des magistrats du parquet, leur reprochent en substance d’avoir utilisé leurs pouvoirs de manière à perturber la vie politique, en nuisant à un camp ou en favorisant un autre. L’une de ces plaintes a donné lieu à un renvoi devant la formation disciplinaire, qui a estimé qu’il n’y avait pas lieu à sanction. Une autre a établi que l’ancien procureur d’un ressort, de manière maladroite, avait, après sa mutation, posté des commentaires sur un réseau social, relativement à des affaires de son ancien ressort concernant des élus. La commission a estimé qu’aucune faute disciplinaire n’était caractérisée, mais que le comportement était inadapté du point de vue déontologique, et pouvait relever d’un avertissement du chef de cour.

(..) Quelques procédures concernent la motivation de décisions, jugée injurieuse ou méprisante. L’une a donné lieu à un classement avec demande de rappel déontologique, s’agissant de propos déplacés relatifs à la profession du justiciable, exerçant un ministère religieux. Une autre n’a pas confirmé le caractère discriminatoire du comportement reproché, le magistrat s’étant borné à vérifier l’identité d’une femme qui comparaissait à l’audience le visage dissimulé par un foulard."

Il est probable que des conclusions semblables se retrouvent dans le rapport de l'an prochain.

 

Enfin, et cela est très important, le CSM explique qu'il a entamé la mise en place d'un Collège consultatif de déontologie de la magistrature".

J'avais déjà, en 2007 et en 2008 souligné l'importance et l'absolue nécessité de créer une telle structure au sein du CSM (lire ici et ici). L'idée a depuis fait son chemin.

Dans son rapport de 2013 le CSM avait écrit :

"En complément à ce Recueil, le Conseil a estimé indispensable d’offrir aux magistrats la possibilité de consulter un service en matière déontologique, tant il est convaincu que les interrogations en ce domaine sont nombreuses et que des initiatives en matière de prévention et de soutien sont attendues par les magistrats."

Aujourd'hui, le CSM écrit :

"Le précédent rapport annuel a mis en évidence la nécessité de compléter l’appropriation par chaque magistrat de ses obligations déontologiques, déclinées dans le recueil des obligations déontologiques, par la mise à sa disposition d’une structure de consultation destinée à répondre, de manière préventive, aux questionnements qui peuvent être les siens en cette matière. Ce collège consultatif de déontologie de la magistrature, dont la création était voulue par le CSM actuel avant la fin de son mandat, doit être conçue, dans un premier temps, à titre expérimental, de façon très souple, sans texte dédié. Bien qu’implanté dans les locaux du Conseil supérieur de la magistrature en charge de pourvoir à ses besoins matériels, cette structure sera totalement indépendante de celui-ci et ne pourra admettre en son sein aucun de ses membres en exercice. Le recrutement des personnalités qui composeront cet organe, lesquelles ne devront pas être des magistrats en activité, sera effectué par le Conseil supérieur
de la magistrature, notamment parmi ses anciens membres. Ce collège pourra au besoin recourir à des consultations techniques auprès de professionnels extérieurs, en considération de leur compétence spécifique.

(..) La saisine de ce service de consultation déontologique s’effectuera sans forme et devra répondre à tout impératif d’urgence. À cette fin, un numéro d’appel téléphonique et une boite électronique dédiés seront mis à la disposition des magistrats.

Chaque demande sera transmise au président ou au membre désigné par lui pour le suppléer en cas d’urgence. Le président ou son suppléant appréciera si la question soumise par le magistrat peut directement recevoir une réponse de sa part (question simple ou à laquelle il déjà été répondu) ou s’il convient de provoquer une délibération collégiale. Sous réserve de leur anonymisation, des avis formulés pourront faire l’objet d’une diffusion, notamment au sein du corps judiciaire, afin de nourrir la réflexion sur l’éthique et la déontologie et de faire oeuvre utile de prévention. Le collège établira un rapport annuel, à destination du CSM, sur son activité."

Si les magistrats s'approprient cette possibilité nouvelle, qui leur est enfin offerte, cela pourrait entraîner de considérables boulevrsements au sein de l'institution judiciaire.

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1. Le rapport nous indique également que au 1er octobre 2014 l'effectif global des magistrats était de 8356, dont 7726 en juridiction (1919 au Parquet et 5807 au siège), 283 en administration centrale, 220 en détachement, d'autres pouvant être dans diverses situations (congé parental, disponibilité, maladie..).

Les femmes représentent 63 % des effectifs (elles étaient 61,6 % en 2013) et les hommes 37 %.

 

 

 

 

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