Une QPC à propos de la définition de l'inceste dans le code pénal
Par Michel Huyette
Comme nous l'avions signalé sur ce blog (lire ici), le Parlement est intervenu par une loi de février 2010 pour ajouter dans le code pénal, après la définition du viol, un article 222-31-1 du code pénal spécifique à l'inceste (texte ici), qui est rédigé ainsi :
"Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait".
Comme cela a déjà été souligné dans le précédent article auquel il est renvoyé, la définition retenue dans cet article va bien au-delà de la définition juridique habituelle de l'inceste.
Mais en plus, et c'est ce qui nous intéresse aujourd'hui, le nouvel article 222-31-1 ne fixe pas les limites de la notion de "famille", puisqu'il mentionne un vaste "toute autre personne" ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait.
Mais de qui est composée une "famille" ? On constate en se plongeant dans les dictionnaires que la plupart d'entre eux en proposent plusieurs définitions, de la plus restrictive à la plus large. Il ne semble pas exister une unique définition de la famille pouvant servir de repère fiable aux lecteurs du texte.
La "famille" visée à cet article comprend au moins les parents et les grands-parents, qui sont les "ascendants", ainsi que la fratrie que forment les frères et soeurs. Il faut donc aller chercher au-delà de ce premier cercle qui sont les "autres personnes".
La "famille" au sens de 222-31-1 comprend probablement les oncles et les tantes qui sont les plus proches du premier cercle, ainsi que les neveux et les nièces.
Mais la "famille" est-elle plus large que cela ? Les cousins issus de germain (les descendants des cousins) en font-ils partie ? Et les frères et soeurs des grands-parents, sont-ils dedans ? Et la fratrie des oncles et des tantes ? Et d'autres plus éloignés encore, avec qui les parents peuvent avoir des relations amicales même s'ils ne sont pas dans le premier cercle généalogique, et à qui il peut arriver qu'ils confient ponctuellement l'un de leurs enfants ?
Un homme condamné pour un viol qualifié d'incestueux a formé un pouvoir en cassation après la décision d'une cour d'assises d'appel. Il a en plus formulé une QPC motivée ainsi :
"L'article 222-31-1 du code pénal est-il contraire au articles 5, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution ainsi qu'aux principes de clarté de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique en ce qu'il qualifie les viols et agressions sexuelles comme incestueux dès lors qu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ?"
Dans une décision en date du 22 juin 2011 (lire ici) la cour de cassation a décidé de transmettre cette QPC au Conseil Constitutionnel en retenant que cette question "est sérieuse au regard du principe de légalité des délits et des peines dès lors que la famille au sein de laquelle doivent être commis les actes incestueux, dont la qualification se superpose à celles de viols et agressions sexuelles, n'est pas définie avec suffisamment de précision pour exclure l'arbitraire".
Nous saurons donc dans quelques mois ce qu'en pense le Conseil Constitutionnel. Mais il est certain qu'une quelconque clarification sera bienvenue.