Une nouvelle étape dans le débat autour de la présence de l'avocat en garde à vue
Par Michel Huyette
Les lecteurs de ce blog le savent, aborder la problématique de la garde à vue n'est pas un long fleuve tranquille. Résumons très brièvement les épisodes précédents (pour plus de détails cf. la rubrique "garde à vue" et les articles publiés) :
Pendant longtemps une personne gardée à vue pouvait seulement rencontrer un avocat pendant trente minutes, sans aucune autre forme d'aide de la part de ce dernier. En 2008 la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a dit qu'un gardé à vue devait bénéficier beaucoup plus largement de l'assistance d'un avocat y compris pendant les interrogatoires. Le Conseil Constitutionnel a ensuite dit notre droit procédural contraire à la constitution et donné au gouvernement jusqu'en juillet 2011 pour le modifier. Le gouvernement a tardé à agir ce qui fait que la loi réformant la garde à vue n'a malheureusement pas été soumise au Conseil Constitutionnel. Entre temps la cour de cassation a, en deux étapes, dit le droit en vigueur contraire à la convention européenne et octroyé immédiatement, avant même l'entrée en vigueur de la loi, le droit à tout justiciable de contester le déroulement de sa garde à vue sur le fondement de l'absence d'avocat. Ouf.
Mais aussitôt un nouveau chantier a été ouvert. En effet la loi nouvelle, si elle élargit fortement le périmètre d'intervention des avocats (articles 63-3-1 et svts, ici), ne les autorise pas à prendre connaissance des éléments factuels récoltés par les policiers, par exemple le contenu des auditions d'autres personnes entendues. La question a donc une nouvelle fois été posée de la conformité du nouveau texte avec les normes supérieures que sont la constitution française et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (lire ici).
Le Conseil Constitutionnel vient d'être saisi de cette nouvelle problématique, d'abord par le Conseil d'Etat, ensuite par la cour de cassation (cf. ici). Cette dernière a considéré que "les griefs formulés concernent le régime de l’assistance effective du suspect par un avocat (..); ces questions présentent un caractère sérieux, en ce qu’elles portent sur les conditions et modalités de l’exercice des droits de la défense et leur conformité aux principes affirmés par la décision n̊ 2010-14/22 QPC en date du 30 juillet 2010 du Conseil constitutionnel".
Dans quelques semaines le Conseil Constitutionnel mettra donc un point - sans doute - final au débat sur la garde à vue. Mais rien n'interdira à des justiciables de soutenir que les règles françaises ne sont toujours pas conformes aux normes européennes.
Nous n'en sommes donc qu'à l'avant dernier chapitre de ce - trop - long livre.