On peut être "relaxé"... mais coupable quand même (à propos des poursuites pour injures contre un ancien ministre)
Par Michel Huyette (1)
La cour d'appel de Paris vient de rendre une décision qui peut prêter à confusion en ce qu'elle a été qualifiée de "relaxe" par les medias.
Il s'agit des poursuites engagées pour injures envers un ancien ministre. Celui-ci avait été cité devant le tribunal correctionnel par une association anti-raciste, et pour le délit d'injures publiques. Le tribunal l'a déclaré coupable et l'a condamné.
La cour d'appel, saisie du dossier, vient d'adopter une autre position qui mérite quelques éclaircissements afin qu'il n'y ait pas de malentendu.
Dans son arrêt (décision ici), la cour d'appel retient que :
- L'injure est définie dans la loi comme "toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait" (c'est l'une des différences avec la diffamation), et elle est plus sévèrement punie quand elle est destinée à un groupe en fonction de l'ethnie ou la religion,
- En considérant toutes les personnes arabes comme pratiquant la religion musulmane l'ancien ministre "témoigne d'un évident manque de culture" et "s'offre un malheureux trait d'humour"
- L'affirmation, à propos des arabes, que "quand il y en a un ça va c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes" (2) est outrageante et méprisante à l'égard des personnes arabes, ce qui rend les propos pénalement punissables.
Mais la cour relève un problème procédural. En effet, si une association anti-raciste peut porter une afaire en justice, cela ne lui est permis que quand les faits constituent un délit, mais non s'il ne s'agit que d'une contravention.
Or, à la différence du tribunal, la cour considère, après avoir examiné les circonstances dans lesquelles les propos ont été tenus, c'est à dire un petit groupe de militant autour de l'ancien ministre, que les propos n'ont pas été tenus "publiquement", ce qui fait que l'infraction d'injure, suffisamment caractérisée, n'est pas un délit mais une simple contravention : injures non publiques. Pour le délit les propos doivent avoir été tenus en public, pas pour la contravention.
Dès lors, en présence d'une contravention et non d'un délit, l'association anti-raciste ne pouvait pas saisir le tribunal.
Résumons tout cela : l'ancien ministre s'est bien rendu coupable d'injures au sens pénal (comme l'avait déjà dit le tribunal), il a commis une infraction sanctionnable qui est une contravention, mais la procédure suivie n'était pas bonne et ne pouvait pas aboutir.
Il en aurait été autrement si le ministère public avait lui même renvoyé l'ancien ministre devant la justice, ce qui n'a pas été le cas.
C'es pourquoi, quand bien même les medias ont annoncé l'intéressé "relaxé", terme utilisé improprement, il ne s'agit pas d'une décision le déclarant innocent, bien au contraire.
Sous réserve de l'appréciation de la cour de cassation qui apparemment va être saisie, il s'agit d'une décision qui confirme l'acte délinquant, et en des termes sévères.
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1. Cet article a été mis en ligne une première fois puis supprimé à cause d'une mauvaise manipulation. Le texte a donc été de nouveau écrit, d'où des différences avec la première version...
2. Video accessible ici.