Le niqab (ou la burqua) et le droit
Par Michel Huyette
Je dois vous prévenir tout de suite : après avoir pris connaissance du titre de cet article, vous allez probablement être déçus par son contenu ! En effet, le sujet est tellement vaste et complexe qu'il est impossible de donner un avis motivé en quelques paragraphes. C'est pourquoi dans ce qui suit vous ne trouverez que des fragments de réflexion, à compléter par bien d'autres.
Mettons nous dès à présent d'accord sur la terminologie, telle qu'elle nous est habituellement expliquée. Le niqab est ce très long voile qui couvre le visage et l'ensemble du corps, et qui laisse seulement apparaître les yeux à travers une mince fente. C'est un vêtement que l'on rencontre dans certains pays arabes. Proche de lui, la burqa est un vêtement qui couvre également tout le corps, mais les femmes ne peuvent voir qu'à travers un espace grillagé à l'emplacement des yeux. Et le hijab est le voile simple, qui couvre le dessus et l'arrière du visage, mais non sa face avant. (1)
Une réflexion sur le port du niqab en France est particulièrement délicate car s'emmêlent des considération tenant à la religion, aux vêtements, à la liberté, et ne l'oublions pas à la femme. Or quand il est question du corps des femmes, l'inconscient est souvent en grand état d'agitation. Et les analyses théoriques sont rarement le reflet de tous les enjeux.
Essayons alors de tracer quelques pistes de réflexion au regard du droit (d'où le classement de cet article dans la rubrtique justice et droits de l'homme...et de la femme), à supposer que le droit puisse suffisamment appréhender de telles situations.
1. Le vêtement
En France chacun est libre de porter le vêtement qu'il veut. Le choix de l'habit relève a priori de la sphère privée et le droit d'ingérence de l'autorité publique est réduit. Les limites principales sont d'abord le respect des moeurs. Par exemple, si le monokini des femmes est accepté sur la plage il ne l'est pas (encore ?) en dans les piscines et en centre ville. Ensuite, le respect de la laïcité en dehors de la sphère privée. C'est ce qui a généré tout le débat sur le port du voile dans les écoles ou sur les photos des pièces d'identité.
S'agissant des moeurs, on ne voit pas bien auxquelles il serait porté atteinte par le fait d'avoir la vision d'une femme recouverte d'un voile intégral.
Au demeurant, il ne serait pas inutile d'en profiter pour se demander si la vision de plus en plus fréquente de la nudité de la femme (plage, cinéma, publicités etc..) est sans aucun doute possible le signe d'une société qui progresse. Autrement dit, si le fait de recouvrir largement le corps de la femme nous semble instinctivement archaïque, il serait bon de se demander si l'inverse est un évident signe de progrès, en premier lieu pour les femmes considérées dans de nombreuses cirocnstances d'abord comme des objets sexuels.
Pour ce qui concerne cette laïcité, le débat autour du niqab n'est pas fondamentalement différent de celui qui a eu lieu autour du hijab. Le principe de l'interdiction de son port au moins pour la partie qui couvre le visage, quand la personne privée fait une démarche publique, doit être appliqué de la même façon. A l'inverse, il ne semble pas y avoir de raison théorique pour, dans la spère privée, autoriser des femmes à porter un hijab et interdire le port du niqab.
La mise en oeuvre du principe de laïcité est parfois redoutablement délicate. Dans certaines communes les maires racontent les difficultés auxquelles ils doivent faire face quand des femmes revêtues du voile intégral refusent, par exemple, de l'enlever à l'occasion de leur mariage. Et des enseignants racontent à leur tour qu'ils sont à la peine quand ils souhaitent s'assurer que la personne qui vient chercher un jeune enfant à la sortie de l'école maternelle ou primaire est bien sa mère, par hypothèse non reconnaissable du fat de son visage entièrement dissimulé. Et ce ne sont pas les seules difficultés rencontrées. Mais, encore une fois, le problème tient à chaque fois au seul fait que le devant du visage n'est pas visible, et non au port du vêtement dans son ensemble.
Pourtant, même admis le principe que chacun a le droit de porter les vêtements qu'il veut, il nous est difficile de franchir l'obstacle de la réprobation instinctive. Ce long voile nous choque à lui seul, avant même que l'on s'interroge sur sa raison d'être et la situation des femmes qui le portent. Il est tellement à l'opposé de ce que nous avons l'habitude de voir qu'il nous est difficile, immédiatement, d'en accepter la vision.
Pour atténuer l'impact négatif du niqab, on pourrait se dire que les femmes portent parfois des vêtements qui cachent le bas de leur corps (pantalons, longues jupes, robes) et une grande partie du haut (tout vêtement qui couvre le cou et la partie haute du corps). Et quand s'ajoutent à ces vêtements un foulard, un bonnet, ou un chapeau, elles ne laissent finalement apparaître que l'ovale de leur visage. éventuellement une partie de leur cou.
Mais notre réaction hostile découle du fait que le niqab est fait d'une seule pièce de tissu, en plus d'une seule couleur, ce qui donne cette impression forte de l'enfermement de la totalité du corps. Et puis il s'agit d'un vêtement que les femmes concernées portent en permanence en dehors de leur domicile, et en toute saison. Cela fait une grande différence.
Notre réflexion, en France, est également parasitée par ce que nous apprenons de l'origine de ces vêtements. Il semblerait qu'il s'agisse de traditions anciennes de certains pays orientaux, autour de la notion de purdah, c'est à dire d'une profonde ségrégation entre les hommes et les femmes. Celle-ci se traduit non seulement par le port de vêtements cachant les secondes au regard des premiers, mais tout autant par un enferment fréquent dans le domicile. Au-delà, on voit de nos jours en Afghanistan l'interdiction faite aux jeunes filles d'aller à l'école, sous peine de sanctions violentes. Sans parler de ces pays où l'on violente les femmes qui refusent de se plier aux exigences y compris sexuelles des hommes. Enfin, dans la burqa, le voile qui comporte un espace de vision recouvert d'un grillage de tissu fait inéluctablement penser aux bareaux d'une prison.
Dès lors, si la forme du vêtement ne semble pas pouvoir être, à elle seule, un motif d'interdiction de son port dans un pays ou la liberté de choisir sa façon de s'habiller est large et le droit d'intervention de l'autorité publique réduit, la réflexion ne peut pas s'arrêter là.
2. La liberté de choix du vêtement
Tout aussi instinctivement, nous ne pouvons nous empêcher de penser dès que nous voyons une femme ainsi recouverte que le port du niqab lui est forcément imposé. Ce vêtement représente pour nous enfermement inéluctablement nuisible, et nous en concluons aussitôt que aucune femme ne peut réellement vouloir être ainsi emprisonnée ainsi dans un morceau de tissu.
Mais ce n'est peut-être pas aussi simple que cela.
Ce qui surprend c'est ce que disent certaines jeunes femmes, nées en France, parfaitement assimilées socialement et intellectuellement, qui portent le niqab, et qui affirment haut et fort qu'il s'agit d'un choix personnel raisonné. Récemment deux jeunes femmes portant ce vêtement, s'exprimant dans un français parfait et avec un vocabulaire démontrant un bon niveau d'études, expliquaient même à un journaliste de télévision qu'elles avaient fait ce choix contre l'avis de leur parents qui ne souhaitent pas qu'elles s'habillent ainsi.
Certains seront tentés d'affirmer aussitôt que bien entendu il ne s'agit que de mots qui cachent une autre réalité, de fait une contrainte qui ne dit pas son nom, soit parce qu'elle est dissimulée (gêne, peur de parler..), soit parce qu'elle n'est pas consciente. Cest tout à fait possible. Mais est-ce forcément toujours le cas ?
Est-il absolument inconcevable que certaines femmes, à un moment donné de leur vie (et qui changeront peut-être de point de vue plus tard), puissent choisir un vêtement qui les recouvre aussi librement que d'autres femmes choisissent de se vêtir très peu ? En quoi le chois libre et conscient de se dévêtir pourrait-il exister, et non celui de se vêtir ?
Il n'empêche qu'il est difficile de savoir ce qui, sous un discours exprimé de libre arbitre, correspond réellement à un choix personnel. La comparaison avec les sectes est alors utile. Chacun sait qu'à l'intérieur de certains groupes, sous des apparences de propos libres, se cachent des discours conditionnés, mécaniquement répétés par des individus qui ont perdu leur capacité d'analyse critique.
En tous cas, dans une démocratie, chaque citoyen qui fait des choix doit être a priori considéré comme les ayant fait librement. C'est à l'autorité publique de démontrer que tel n'est pas le cas si la réalité est contraire. Ce n'est donc pas aux femmes qui s'habillent d'un voile intégral de prouver qu'elles le font volontairement, mais à ceux qui contestent la pratique de rapporter la preuve qu'elles sont contraintes et que certains de leurs droits fondamentaux sont bafoués.
Préciser sur qui pèse la charge de la preuve est la première démarche des juristes, avant même d'entrer dans l'examen des faits.
3. L'emprisonnement du corps ou (et) de l'esprit
Ceux qui sont le plus au contact des femmes voilées le disent et le répètent : ce qui les menace surtout ce n'est pas tant l'enfermement du corps que celui de l'esprit. Le voile n'est souvent que la partie visible d'un emprisonnement beaucoup plus vaste. En effet, la pratique du port du voile intégral n'est que l'une des composantes d'une doctrine religieuse qui assigne à la femme une place de second ordre, et qui leur impose des contacts extrêmement limités avec le monde extérieur.
En France, notre législation et les textes internationaux (au premer rang desquels la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme) reconnaissent à tout individu le droit à la liberté de penser, à la liberté de se déplacer, à l'accès à l'information, à la connaissance, à la vie sociale, et au travail. Or nous savons que dans un grand nombre de cas les femmes qui portent un niqab sont privées de la quasi totalité de ces droits tant elles sont confinées sous le contrôle des hommes dans un espace très réduit. Elles ne sortent quasiment jamais de chez elles, si elles le font elles ne sont jamais seules, elles ne peuvent jamais s'exprimer de façon autonome, ni prendre de décisions importantes. Elles sont isolées du monde extérieur et en permanence soumises au bon vouloir des hommes de la maison.
Sur le terrain du droit, les tenants du port du voile intégral vont avoir quelques difficultés à nous démontrer que ces femmes ont, en conscience et véritablement librement, fait le choix de vivre recluses dans leur logement et de n'avoir aucun contact réel avec personne. Une seule femme au monde peut-elle avoir comme souhait de n'être que l'ombre de son mari, de n'avoir aucun droit, au final de ne pas avoir d'existence propre ?
C'est pour cela que le droit doit reprendre le dessus. Cela a pour conséquence que, sauf à démontrer que ces femmes ont librement choisi de passer leur vie enfermées dans une cage, l'autorité publique française est en droit d'intervenir pour leur assurer, autant que possible, l'accès à leurs droits fondamentaux. Et une prétendue liberté religieuse ne saurait être brandie pour servir de paravent à l'anéantissement des libertés les plus essentielles des femmes.
Ce n'est donc pas tant le vêtement en lui même qui pose problème, que les conséquences sur le quotidien des femmes des conceptions religieuses qui conduisent à son port. D'où la conclusion que voter une loi interdisant le port d'un tel vêtement, à supposer qu'elle soit constitutionnelle, n'aurait probablement qu'un effet limité puisqu'elle ne serait sans doute pas un réel obstacle à la domination d'hommes indifférents au devenir de leurs compagnes.
4. Vivre ici avec les droits - limités - d'ailleurs
Ceux qui en France veulent imposer aux femmes le port du voile intégral sont plongés dans une contradiction permanente. Issus de familles venues de pays étrangers, ils ont fait le choix de s'installer en France tout en connaissant parfaitement les règles du pays. Et ils viennent ensuite contester le fait que leur pays d'accueil n'accepte pas d'entorse à ses principes les plus fondamentaux. Pourtant, plutôt que d'aller à l'affrontement avec les autorités du pays d'accueil, il serait autrement plus cohérent de leur part de choisir de s'installer dans un pays qui tolère leur pratique religieuse et n'y voit aucune atteinte à un quelconque droit des femmes. Mais la vie y serait sans doute, pour eux, moins agréable.
C'est pour cela qu'en France le respect de ce qui est considéré comme les droits fondamentaux et inaliénables des femmes peut et doit être garanti sans culpabilité, même si ces droits heurtent des conceptions religieuses. Nous sommes un pays de droit, qui possède ses valeurs propres, et qui peut légitimement imposer à tous ceux qui choisissent de les respecter.
Le droit tel que nous l'entendons ne doit donc pas avoir peur de la religion. Dans une démocratie laïque, le premier doit toujours prévaloir sur la seconde. A charge pour ceux qui veulent faire prévaloir leurs conceptions religieuses de s'installer là où leurs choix ne seront pas brimés.
Mais ce raisonnement comporte un terrible piège. En effet, si en France le débat est publiquement ouvert sur les pratiques religieuses et les droits des femmes, contraindre les familles (celles bien sur qui n'ont pas la nationalité française) ne voulant pas accepter nos valeurs à quitter le pays et à partir vivre là où l'obscurantisme est toléré, c'est supprimer le peu d'espoir qui existe d'influencer les comportements et de faire évoluer certains hommes vers plus de tolérance. Autrement dit, en France il est peut être possible d'entrouvrir la cage dans laquelle certaines femmes sont enfermées. Dans d'autres pays elles n'auront aucun espoir en ce sens.
Il n'est toutefois pas exclu que la crainte d'un départ forcé avec en conséquence la perte des avantages offerts en France dans de nombreux domaines puisse faire hésiter ceux qui seront menacés d'expulsion...
5. Les droits fondamentaux des femmes. Oui mais pas tous
Le port du voile intégral nous fait réfléchir sur la place de la femme dans nos sociétés occidentales et sur le périmètre de ses droits. C'est bien.
Ce qui surprend toutefois, c'est que chez nous certaines situations proches, même moins excessives, nous laissent habituellement indifférents.
Tout le monde connaît la situation de ces femmes plutôt âgées, originaires de pays musulmans, qui sont venues en France contre leur gré, qui certes ne portent pas de voile intégral mais qui ne se sont pas insérées, qui passent une grande partie de leur temps dans le logement familial, ne parlent pas ou très mal le français, bref qui sont complètement marginalisées à chaque instant de leur vie quotidienne. Parler à leur égard de liberté de penser, de se déplacer, de vivre leur religion comme bon leur semble, apparaît manifestement déplacé, tant elles sont privées de fait de toutes ces libertés érigées en principes fondamentaux.
Pourtant personne ne s'en émeut. Notamment parce qu'elles sortent très peu de chez elles et donc que leur enfermement social, intellectuel, religieux et social ne s'étale pas sous nos yeux. Ainsi donc, cela pourrait signifier que nous ne réagissons vis à vis des femmes portant le niqab que parce qu'elles osent déambuler sous nos yeux et que nous ne sommes pas en mesure de faire comme si le problème n'existait pas. Nous sommes moins réactifs quand ces femmes restent enfermées chez elles et qu'elles ne nous dérangent pas.
Dans le même ordre d'idées, il est assez troublant de lire dans le même journal, le même jour, d'une part qu'un groupe de parlementaires étudie la problématique du voile intégral, et d'autre part que le gouvernement s'inquiète à propos des entreprises françaises qui ne respectent pas les règles d'égalité de traitement homme-femmes.
On sait depuis une éternité que dans de très nombreuses entreprises, à égalité de compétence et de poste, les femmes gagnent moins que les hommes. Il s'agit là d'une atteinte à leurs droits connue de tous. Mais, bizarrement, ce système perdure sans que jamais, au delà d'un discours de façade, il n'existe de réelle volonté politique d'y mettre fin. Il serait utile que nos élus mettent autant d'enthousiasme à protéger les milliers de femmes victimes de discriminations quotidiennes au travail qu'ils semblent vouloir en mettre à protéger la poignée de femmes qui porte un niqab. Tant qu'à vouloir protéger les droits des femmes, pourquoi ne pas les protéger tous ?
De la même façon, tout le monde sait que les pays occidentaux sont depuis longtemps les producteurs et diffuseurs de la pornographie la plus dégradante. Bizarrement, alors que l'on veut pourchasser l'adolescent qui télécharge quelques mp3 de son groupe préféré, rien n'est fait dans aucun pays pour atténuer efficacement cette déferlante pornographique. De fait, on se préoccupe de la femme qui passe voilée devant un magasin, mais on laisse ce magasin proposer à la location ou à la vente des films montrant des femmes violées, abusées, ou pire encore. Sans parler de ce que enfants et adolescents trouvent sur internet, et qui aboutit, comme le décrivent de nombreux travailleurs sociaux, à des sexualités perverties dont de très jeunes femmes sont victimes quand des garçons à peine plus âgés qu'elles veulent les traiter comme dans les films pornographiques. Apparemment ce libre accès à la pornographie, dont les femmes sont quotidiennement victimes, ne gêne aucun de nos élus.
C'est pourquoi cette soudaine préoccupation pour les femmes voilées génère un certain malaise. Mais il est peut-être plus simple, et utilement déculpabilisant, de se préoccuper d'une problématique encore anecdotique quand on ne veut pas trouver des solutions efficaces à des problématiques d'une toute autre en ampleur.
6. Le regard des hommes
L'observateur ne peut manquer de relever que ceux qui veulent imposer aux femmes le port du voile intégral sont tous.... des hommes. Rien ne semble donc évoluer. Depuis la nuit des temps les femmes ont été contraintes de s'habiller selon les humeurs des messieurs. Couvertes un jour, découvertes un autre, corsetées quand il le fallait, les femmes ont toujours été considérées comme des objets modelables par l'homme (2).
Par ailleurs, il est parfois expliqué, à propos du voile intégral musulman, que sa raison d'être est de les protéger de la convoitise des hommes. On croit rêver. Si vous faites un régime pour perdre du poids, allez vous imposer à tous les boulangers qui se trouvent sur votre trajet quotidien de fermer leur boutique pour que leur gâteaux ne soient plus l'objet de votre convoitise ? Ne serait-il pas plus efficace de demander aux hommes (si cela est possible...?) de considérer les femmes autrement que comme des objets sexuels ? Non, on les enferme. Pour que les hommes n'aient aucun effort à faire. Etonnant, non ?
7. Imposer ou convaincre ?
Interdire le port du niqab, à supposer même que cela soit légalement possible, serait faire semblant de régler le problème. En effet, la dissimulation du corps de la femme n'est que la manifestation extérieure de l'enfermement qui lui est imposé dans tous les acpects de la vie. Ce n'est d'une certaine façon que la manifestation en façade d'un mal beaucoup plus profond. C'est pourquoi interdire à une femme de porter un niqab (et par ricochet à un homme de lui imposer) ne suffira certainement pas à faire éclater le carcan qui l'étouffe.
Il est donc indispensable que nos valeurs soient publiquement rappelées, de la façon la plus juridique possible, en terme de droits fondamentaux inaliénables, afin d'ôter aux tenants du voile la possibilité de se plaindre d'une atteinte illégitime, et spécifiquement française, à leurs croyances religieuses. Ces rappels doivent être faits dans tous les lieux où se colportent les idées et les pratiques qui heurtent profondément notre droit. Il peut y avoir une certaine puissance de conviction dans le discours des responsables politiques. En tout cas ce discours doit exister et être fort.
Et s'agissant d'étrangers, notamment des prêcheurs, il pourrait être envisagé, au travers du trouble manifeste à notre ordre public qui découle des pratiques imposées, d'envisager, dans le cadre légal, de mettre fin à leur présence sur notre territoire.
Il faut savoir aussi que quand il s'agit de mineures, il est tout à fait possible de considérer, si la preuve est suffisamment rapportée par les enquêteurs sociaux, que l'enfermement qui leur est imposé constitue un danger au sens de l'article 375 du code civil, qui justifie l'intervention du juge des enfants.
8. Que conclure (provisoirement) ?
Il me semble indispensable d'abord de ne pas assimiler globalement port de la niqab et islam. Nombreux ont été ces derniers jours les représentants du culte musulman à expliquer que le port d'un tel voile n'est pas rendu obligatoire par leurs textes fondateurs.
Il ne faut pas non plus se lancer dans une quelconque croisade en se contentant de lancer à la va-vite quelques anathèmes cinglants. Le première façon d'agir efficacement est de présenter de façon claire et transparente, en termes de droits fondamentaux des femmes, en quoi les pratiques qui violent leurs libertés essentielles ne pourront jamais être tolérées en France.
Il faut ensuite faire la part des choses entre les femmes, s'il en existe, qui portent ce vêtement après une réflexion personnelle suffisamment libre, qui par ailleurs n'ont aucune restriction dans leur liberté d'aller et venir et ont accès à toutes les composantes de la vie sociale, et celles , probablement en plus grand nombre, à qui cela a été manifestement imposé. Au premières il suffit de rappeler la règle de la laïcité et ses conéquences.
Les responsables des communautés musulmanes devraient sans doute être alertés sur les risques qu'ils prennent personnellement en véhiculant une idéologie qui viole de plein fouet nos valeurs les plus essentielles.
Dans un second temps, l'arsenal judiciaire, administratif, civil et pénal, pourrait être utilisé contre ceux qui continuent à traiter les femmes comme si elles n'étaient pas de véritables êtres humains (3).
---------
(1) Il existe apparemment quelques incertitudes sur la terminologie exacte. C'est pourquoi j'ai précisé le sens donné aux mots dans cet article, même si pour certains les définitions pourront n'être pas totalement exactes.
(2) Ayons en passant une pensée pour ces milliers de femmes chinoises d'autrefois, aux pieds bandés et meurtris, parce que leur façon de marcher était alors plus "adorable" pour les hommes qui les regardaient... et qui voulaient limiter leur possibilité de se déplacer.
(3) A lire aussi : Peut-on conduire avec un niqab ?
Mettons nous dès à présent d'accord sur la terminologie, telle qu'elle nous est habituellement expliquée. Le niqab est ce très long voile qui couvre le visage et l'ensemble du corps, et qui laisse seulement apparaître les yeux à travers une mince fente. C'est un vêtement que l'on rencontre dans certains pays arabes. Proche de lui, la burqa est un vêtement qui couvre également tout le corps, mais les femmes ne peuvent voir qu'à travers un espace grillagé à l'emplacement des yeux. Et le hijab est le voile simple, qui couvre le dessus et l'arrière du visage, mais non sa face avant. (1)
Une réflexion sur le port du niqab en France est particulièrement délicate car s'emmêlent des considération tenant à la religion, aux vêtements, à la liberté, et ne l'oublions pas à la femme. Or quand il est question du corps des femmes, l'inconscient est souvent en grand état d'agitation. Et les analyses théoriques sont rarement le reflet de tous les enjeux.
Essayons alors de tracer quelques pistes de réflexion au regard du droit (d'où le classement de cet article dans la rubrtique justice et droits de l'homme...et de la femme), à supposer que le droit puisse suffisamment appréhender de telles situations.
1. Le vêtement
En France chacun est libre de porter le vêtement qu'il veut. Le choix de l'habit relève a priori de la sphère privée et le droit d'ingérence de l'autorité publique est réduit. Les limites principales sont d'abord le respect des moeurs. Par exemple, si le monokini des femmes est accepté sur la plage il ne l'est pas (encore ?) en dans les piscines et en centre ville. Ensuite, le respect de la laïcité en dehors de la sphère privée. C'est ce qui a généré tout le débat sur le port du voile dans les écoles ou sur les photos des pièces d'identité.
S'agissant des moeurs, on ne voit pas bien auxquelles il serait porté atteinte par le fait d'avoir la vision d'une femme recouverte d'un voile intégral.
Au demeurant, il ne serait pas inutile d'en profiter pour se demander si la vision de plus en plus fréquente de la nudité de la femme (plage, cinéma, publicités etc..) est sans aucun doute possible le signe d'une société qui progresse. Autrement dit, si le fait de recouvrir largement le corps de la femme nous semble instinctivement archaïque, il serait bon de se demander si l'inverse est un évident signe de progrès, en premier lieu pour les femmes considérées dans de nombreuses cirocnstances d'abord comme des objets sexuels.
Pour ce qui concerne cette laïcité, le débat autour du niqab n'est pas fondamentalement différent de celui qui a eu lieu autour du hijab. Le principe de l'interdiction de son port au moins pour la partie qui couvre le visage, quand la personne privée fait une démarche publique, doit être appliqué de la même façon. A l'inverse, il ne semble pas y avoir de raison théorique pour, dans la spère privée, autoriser des femmes à porter un hijab et interdire le port du niqab.
La mise en oeuvre du principe de laïcité est parfois redoutablement délicate. Dans certaines communes les maires racontent les difficultés auxquelles ils doivent faire face quand des femmes revêtues du voile intégral refusent, par exemple, de l'enlever à l'occasion de leur mariage. Et des enseignants racontent à leur tour qu'ils sont à la peine quand ils souhaitent s'assurer que la personne qui vient chercher un jeune enfant à la sortie de l'école maternelle ou primaire est bien sa mère, par hypothèse non reconnaissable du fat de son visage entièrement dissimulé. Et ce ne sont pas les seules difficultés rencontrées. Mais, encore une fois, le problème tient à chaque fois au seul fait que le devant du visage n'est pas visible, et non au port du vêtement dans son ensemble.
Pourtant, même admis le principe que chacun a le droit de porter les vêtements qu'il veut, il nous est difficile de franchir l'obstacle de la réprobation instinctive. Ce long voile nous choque à lui seul, avant même que l'on s'interroge sur sa raison d'être et la situation des femmes qui le portent. Il est tellement à l'opposé de ce que nous avons l'habitude de voir qu'il nous est difficile, immédiatement, d'en accepter la vision.
Pour atténuer l'impact négatif du niqab, on pourrait se dire que les femmes portent parfois des vêtements qui cachent le bas de leur corps (pantalons, longues jupes, robes) et une grande partie du haut (tout vêtement qui couvre le cou et la partie haute du corps). Et quand s'ajoutent à ces vêtements un foulard, un bonnet, ou un chapeau, elles ne laissent finalement apparaître que l'ovale de leur visage. éventuellement une partie de leur cou.
Mais notre réaction hostile découle du fait que le niqab est fait d'une seule pièce de tissu, en plus d'une seule couleur, ce qui donne cette impression forte de l'enfermement de la totalité du corps. Et puis il s'agit d'un vêtement que les femmes concernées portent en permanence en dehors de leur domicile, et en toute saison. Cela fait une grande différence.
Notre réflexion, en France, est également parasitée par ce que nous apprenons de l'origine de ces vêtements. Il semblerait qu'il s'agisse de traditions anciennes de certains pays orientaux, autour de la notion de purdah, c'est à dire d'une profonde ségrégation entre les hommes et les femmes. Celle-ci se traduit non seulement par le port de vêtements cachant les secondes au regard des premiers, mais tout autant par un enferment fréquent dans le domicile. Au-delà, on voit de nos jours en Afghanistan l'interdiction faite aux jeunes filles d'aller à l'école, sous peine de sanctions violentes. Sans parler de ces pays où l'on violente les femmes qui refusent de se plier aux exigences y compris sexuelles des hommes. Enfin, dans la burqa, le voile qui comporte un espace de vision recouvert d'un grillage de tissu fait inéluctablement penser aux bareaux d'une prison.
Dès lors, si la forme du vêtement ne semble pas pouvoir être, à elle seule, un motif d'interdiction de son port dans un pays ou la liberté de choisir sa façon de s'habiller est large et le droit d'intervention de l'autorité publique réduit, la réflexion ne peut pas s'arrêter là.
2. La liberté de choix du vêtement
Tout aussi instinctivement, nous ne pouvons nous empêcher de penser dès que nous voyons une femme ainsi recouverte que le port du niqab lui est forcément imposé. Ce vêtement représente pour nous enfermement inéluctablement nuisible, et nous en concluons aussitôt que aucune femme ne peut réellement vouloir être ainsi emprisonnée ainsi dans un morceau de tissu.
Mais ce n'est peut-être pas aussi simple que cela.
Ce qui surprend c'est ce que disent certaines jeunes femmes, nées en France, parfaitement assimilées socialement et intellectuellement, qui portent le niqab, et qui affirment haut et fort qu'il s'agit d'un choix personnel raisonné. Récemment deux jeunes femmes portant ce vêtement, s'exprimant dans un français parfait et avec un vocabulaire démontrant un bon niveau d'études, expliquaient même à un journaliste de télévision qu'elles avaient fait ce choix contre l'avis de leur parents qui ne souhaitent pas qu'elles s'habillent ainsi.
Certains seront tentés d'affirmer aussitôt que bien entendu il ne s'agit que de mots qui cachent une autre réalité, de fait une contrainte qui ne dit pas son nom, soit parce qu'elle est dissimulée (gêne, peur de parler..), soit parce qu'elle n'est pas consciente. Cest tout à fait possible. Mais est-ce forcément toujours le cas ?
Est-il absolument inconcevable que certaines femmes, à un moment donné de leur vie (et qui changeront peut-être de point de vue plus tard), puissent choisir un vêtement qui les recouvre aussi librement que d'autres femmes choisissent de se vêtir très peu ? En quoi le chois libre et conscient de se dévêtir pourrait-il exister, et non celui de se vêtir ?
Il n'empêche qu'il est difficile de savoir ce qui, sous un discours exprimé de libre arbitre, correspond réellement à un choix personnel. La comparaison avec les sectes est alors utile. Chacun sait qu'à l'intérieur de certains groupes, sous des apparences de propos libres, se cachent des discours conditionnés, mécaniquement répétés par des individus qui ont perdu leur capacité d'analyse critique.
En tous cas, dans une démocratie, chaque citoyen qui fait des choix doit être a priori considéré comme les ayant fait librement. C'est à l'autorité publique de démontrer que tel n'est pas le cas si la réalité est contraire. Ce n'est donc pas aux femmes qui s'habillent d'un voile intégral de prouver qu'elles le font volontairement, mais à ceux qui contestent la pratique de rapporter la preuve qu'elles sont contraintes et que certains de leurs droits fondamentaux sont bafoués.
Préciser sur qui pèse la charge de la preuve est la première démarche des juristes, avant même d'entrer dans l'examen des faits.
3. L'emprisonnement du corps ou (et) de l'esprit
Ceux qui sont le plus au contact des femmes voilées le disent et le répètent : ce qui les menace surtout ce n'est pas tant l'enfermement du corps que celui de l'esprit. Le voile n'est souvent que la partie visible d'un emprisonnement beaucoup plus vaste. En effet, la pratique du port du voile intégral n'est que l'une des composantes d'une doctrine religieuse qui assigne à la femme une place de second ordre, et qui leur impose des contacts extrêmement limités avec le monde extérieur.
En France, notre législation et les textes internationaux (au premer rang desquels la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme) reconnaissent à tout individu le droit à la liberté de penser, à la liberté de se déplacer, à l'accès à l'information, à la connaissance, à la vie sociale, et au travail. Or nous savons que dans un grand nombre de cas les femmes qui portent un niqab sont privées de la quasi totalité de ces droits tant elles sont confinées sous le contrôle des hommes dans un espace très réduit. Elles ne sortent quasiment jamais de chez elles, si elles le font elles ne sont jamais seules, elles ne peuvent jamais s'exprimer de façon autonome, ni prendre de décisions importantes. Elles sont isolées du monde extérieur et en permanence soumises au bon vouloir des hommes de la maison.
Sur le terrain du droit, les tenants du port du voile intégral vont avoir quelques difficultés à nous démontrer que ces femmes ont, en conscience et véritablement librement, fait le choix de vivre recluses dans leur logement et de n'avoir aucun contact réel avec personne. Une seule femme au monde peut-elle avoir comme souhait de n'être que l'ombre de son mari, de n'avoir aucun droit, au final de ne pas avoir d'existence propre ?
C'est pour cela que le droit doit reprendre le dessus. Cela a pour conséquence que, sauf à démontrer que ces femmes ont librement choisi de passer leur vie enfermées dans une cage, l'autorité publique française est en droit d'intervenir pour leur assurer, autant que possible, l'accès à leurs droits fondamentaux. Et une prétendue liberté religieuse ne saurait être brandie pour servir de paravent à l'anéantissement des libertés les plus essentielles des femmes.
Ce n'est donc pas tant le vêtement en lui même qui pose problème, que les conséquences sur le quotidien des femmes des conceptions religieuses qui conduisent à son port. D'où la conclusion que voter une loi interdisant le port d'un tel vêtement, à supposer qu'elle soit constitutionnelle, n'aurait probablement qu'un effet limité puisqu'elle ne serait sans doute pas un réel obstacle à la domination d'hommes indifférents au devenir de leurs compagnes.
4. Vivre ici avec les droits - limités - d'ailleurs
Ceux qui en France veulent imposer aux femmes le port du voile intégral sont plongés dans une contradiction permanente. Issus de familles venues de pays étrangers, ils ont fait le choix de s'installer en France tout en connaissant parfaitement les règles du pays. Et ils viennent ensuite contester le fait que leur pays d'accueil n'accepte pas d'entorse à ses principes les plus fondamentaux. Pourtant, plutôt que d'aller à l'affrontement avec les autorités du pays d'accueil, il serait autrement plus cohérent de leur part de choisir de s'installer dans un pays qui tolère leur pratique religieuse et n'y voit aucune atteinte à un quelconque droit des femmes. Mais la vie y serait sans doute, pour eux, moins agréable.
C'est pour cela qu'en France le respect de ce qui est considéré comme les droits fondamentaux et inaliénables des femmes peut et doit être garanti sans culpabilité, même si ces droits heurtent des conceptions religieuses. Nous sommes un pays de droit, qui possède ses valeurs propres, et qui peut légitimement imposer à tous ceux qui choisissent de les respecter.
Le droit tel que nous l'entendons ne doit donc pas avoir peur de la religion. Dans une démocratie laïque, le premier doit toujours prévaloir sur la seconde. A charge pour ceux qui veulent faire prévaloir leurs conceptions religieuses de s'installer là où leurs choix ne seront pas brimés.
Mais ce raisonnement comporte un terrible piège. En effet, si en France le débat est publiquement ouvert sur les pratiques religieuses et les droits des femmes, contraindre les familles (celles bien sur qui n'ont pas la nationalité française) ne voulant pas accepter nos valeurs à quitter le pays et à partir vivre là où l'obscurantisme est toléré, c'est supprimer le peu d'espoir qui existe d'influencer les comportements et de faire évoluer certains hommes vers plus de tolérance. Autrement dit, en France il est peut être possible d'entrouvrir la cage dans laquelle certaines femmes sont enfermées. Dans d'autres pays elles n'auront aucun espoir en ce sens.
Il n'est toutefois pas exclu que la crainte d'un départ forcé avec en conséquence la perte des avantages offerts en France dans de nombreux domaines puisse faire hésiter ceux qui seront menacés d'expulsion...
5. Les droits fondamentaux des femmes. Oui mais pas tous
Le port du voile intégral nous fait réfléchir sur la place de la femme dans nos sociétés occidentales et sur le périmètre de ses droits. C'est bien.
Ce qui surprend toutefois, c'est que chez nous certaines situations proches, même moins excessives, nous laissent habituellement indifférents.
Tout le monde connaît la situation de ces femmes plutôt âgées, originaires de pays musulmans, qui sont venues en France contre leur gré, qui certes ne portent pas de voile intégral mais qui ne se sont pas insérées, qui passent une grande partie de leur temps dans le logement familial, ne parlent pas ou très mal le français, bref qui sont complètement marginalisées à chaque instant de leur vie quotidienne. Parler à leur égard de liberté de penser, de se déplacer, de vivre leur religion comme bon leur semble, apparaît manifestement déplacé, tant elles sont privées de fait de toutes ces libertés érigées en principes fondamentaux.
Pourtant personne ne s'en émeut. Notamment parce qu'elles sortent très peu de chez elles et donc que leur enfermement social, intellectuel, religieux et social ne s'étale pas sous nos yeux. Ainsi donc, cela pourrait signifier que nous ne réagissons vis à vis des femmes portant le niqab que parce qu'elles osent déambuler sous nos yeux et que nous ne sommes pas en mesure de faire comme si le problème n'existait pas. Nous sommes moins réactifs quand ces femmes restent enfermées chez elles et qu'elles ne nous dérangent pas.
Dans le même ordre d'idées, il est assez troublant de lire dans le même journal, le même jour, d'une part qu'un groupe de parlementaires étudie la problématique du voile intégral, et d'autre part que le gouvernement s'inquiète à propos des entreprises françaises qui ne respectent pas les règles d'égalité de traitement homme-femmes.
On sait depuis une éternité que dans de très nombreuses entreprises, à égalité de compétence et de poste, les femmes gagnent moins que les hommes. Il s'agit là d'une atteinte à leurs droits connue de tous. Mais, bizarrement, ce système perdure sans que jamais, au delà d'un discours de façade, il n'existe de réelle volonté politique d'y mettre fin. Il serait utile que nos élus mettent autant d'enthousiasme à protéger les milliers de femmes victimes de discriminations quotidiennes au travail qu'ils semblent vouloir en mettre à protéger la poignée de femmes qui porte un niqab. Tant qu'à vouloir protéger les droits des femmes, pourquoi ne pas les protéger tous ?
De la même façon, tout le monde sait que les pays occidentaux sont depuis longtemps les producteurs et diffuseurs de la pornographie la plus dégradante. Bizarrement, alors que l'on veut pourchasser l'adolescent qui télécharge quelques mp3 de son groupe préféré, rien n'est fait dans aucun pays pour atténuer efficacement cette déferlante pornographique. De fait, on se préoccupe de la femme qui passe voilée devant un magasin, mais on laisse ce magasin proposer à la location ou à la vente des films montrant des femmes violées, abusées, ou pire encore. Sans parler de ce que enfants et adolescents trouvent sur internet, et qui aboutit, comme le décrivent de nombreux travailleurs sociaux, à des sexualités perverties dont de très jeunes femmes sont victimes quand des garçons à peine plus âgés qu'elles veulent les traiter comme dans les films pornographiques. Apparemment ce libre accès à la pornographie, dont les femmes sont quotidiennement victimes, ne gêne aucun de nos élus.
C'est pourquoi cette soudaine préoccupation pour les femmes voilées génère un certain malaise. Mais il est peut-être plus simple, et utilement déculpabilisant, de se préoccuper d'une problématique encore anecdotique quand on ne veut pas trouver des solutions efficaces à des problématiques d'une toute autre en ampleur.
6. Le regard des hommes
L'observateur ne peut manquer de relever que ceux qui veulent imposer aux femmes le port du voile intégral sont tous.... des hommes. Rien ne semble donc évoluer. Depuis la nuit des temps les femmes ont été contraintes de s'habiller selon les humeurs des messieurs. Couvertes un jour, découvertes un autre, corsetées quand il le fallait, les femmes ont toujours été considérées comme des objets modelables par l'homme (2).
Par ailleurs, il est parfois expliqué, à propos du voile intégral musulman, que sa raison d'être est de les protéger de la convoitise des hommes. On croit rêver. Si vous faites un régime pour perdre du poids, allez vous imposer à tous les boulangers qui se trouvent sur votre trajet quotidien de fermer leur boutique pour que leur gâteaux ne soient plus l'objet de votre convoitise ? Ne serait-il pas plus efficace de demander aux hommes (si cela est possible...?) de considérer les femmes autrement que comme des objets sexuels ? Non, on les enferme. Pour que les hommes n'aient aucun effort à faire. Etonnant, non ?
7. Imposer ou convaincre ?
Interdire le port du niqab, à supposer même que cela soit légalement possible, serait faire semblant de régler le problème. En effet, la dissimulation du corps de la femme n'est que la manifestation extérieure de l'enfermement qui lui est imposé dans tous les acpects de la vie. Ce n'est d'une certaine façon que la manifestation en façade d'un mal beaucoup plus profond. C'est pourquoi interdire à une femme de porter un niqab (et par ricochet à un homme de lui imposer) ne suffira certainement pas à faire éclater le carcan qui l'étouffe.
Il est donc indispensable que nos valeurs soient publiquement rappelées, de la façon la plus juridique possible, en terme de droits fondamentaux inaliénables, afin d'ôter aux tenants du voile la possibilité de se plaindre d'une atteinte illégitime, et spécifiquement française, à leurs croyances religieuses. Ces rappels doivent être faits dans tous les lieux où se colportent les idées et les pratiques qui heurtent profondément notre droit. Il peut y avoir une certaine puissance de conviction dans le discours des responsables politiques. En tout cas ce discours doit exister et être fort.
Et s'agissant d'étrangers, notamment des prêcheurs, il pourrait être envisagé, au travers du trouble manifeste à notre ordre public qui découle des pratiques imposées, d'envisager, dans le cadre légal, de mettre fin à leur présence sur notre territoire.
Il faut savoir aussi que quand il s'agit de mineures, il est tout à fait possible de considérer, si la preuve est suffisamment rapportée par les enquêteurs sociaux, que l'enfermement qui leur est imposé constitue un danger au sens de l'article 375 du code civil, qui justifie l'intervention du juge des enfants.
8. Que conclure (provisoirement) ?
Il me semble indispensable d'abord de ne pas assimiler globalement port de la niqab et islam. Nombreux ont été ces derniers jours les représentants du culte musulman à expliquer que le port d'un tel voile n'est pas rendu obligatoire par leurs textes fondateurs.
Il ne faut pas non plus se lancer dans une quelconque croisade en se contentant de lancer à la va-vite quelques anathèmes cinglants. Le première façon d'agir efficacement est de présenter de façon claire et transparente, en termes de droits fondamentaux des femmes, en quoi les pratiques qui violent leurs libertés essentielles ne pourront jamais être tolérées en France.
Il faut ensuite faire la part des choses entre les femmes, s'il en existe, qui portent ce vêtement après une réflexion personnelle suffisamment libre, qui par ailleurs n'ont aucune restriction dans leur liberté d'aller et venir et ont accès à toutes les composantes de la vie sociale, et celles , probablement en plus grand nombre, à qui cela a été manifestement imposé. Au premières il suffit de rappeler la règle de la laïcité et ses conéquences.
Les responsables des communautés musulmanes devraient sans doute être alertés sur les risques qu'ils prennent personnellement en véhiculant une idéologie qui viole de plein fouet nos valeurs les plus essentielles.
Dans un second temps, l'arsenal judiciaire, administratif, civil et pénal, pourrait être utilisé contre ceux qui continuent à traiter les femmes comme si elles n'étaient pas de véritables êtres humains (3).
---------
(1) Il existe apparemment quelques incertitudes sur la terminologie exacte. C'est pourquoi j'ai précisé le sens donné aux mots dans cet article, même si pour certains les définitions pourront n'être pas totalement exactes.
(2) Ayons en passant une pensée pour ces milliers de femmes chinoises d'autrefois, aux pieds bandés et meurtris, parce que leur façon de marcher était alors plus "adorable" pour les hommes qui les regardaient... et qui voulaient limiter leur possibilité de se déplacer.
(3) A lire aussi : Peut-on conduire avec un niqab ?