Le dernier avis du contrôleur des lieux de privation de liberté
Par Michel Huyette
Décidément, il semble que rien n'y fasse et que, quoi qu'il arrive, les gouvernants soient dans l'incapacité de tirer les conséquences des situations et erreurs qu'eux-même dénoncent avec la plus grande virulence... mais dont ils sont pour partie à l'origine.
Tout le monde le sait pourtant, et en premier lieu les professionnels. Quand un individu subit des conditions de garde à vue, de détention ou de comparution devant un juge qui affaiblissent ses capacités physiques, morales et intellectuelles, le risque est grand qu'il fasse des déclarations non conformes à la réalité, notamment des "aveux" qui n'en sont pas, afin de pouvoir mettre fin au plus vite à une situation excessivement pénible.
Cela peut mener à une mauvaise appréciation de l'affaire par les magistrats qui ne connaissent pas toujours l'état des commissariats et des prisons, et par voie de conséquence à des décisions inappropriées. Et le terme est faible quand des personnes sont déclarées coupables et condamnées sur la base de déclarations, les faux aveux, obtenues à cause de la façon dont elles ont été traitées.
Cela est aussi de nature à permettre à ceux qui ont fait des déclarations sincères de prétendre ensuite qu'elles ne l'étaient pas, en mettant en avant les circonstances de leur garde à vue, de leur détention, ou de leur comparution devant le juge.
Personne n'est gagnant dans une telle configuration.
Dans son dernier avis publié au journal officiel du 3 juin 2009, le contrôleur des lieux de privation de liberté écrit à propos d'un commissariat :
"Les conditions d'hygiène sont indignes pour les personnes placées en garde à vue et celles placées en dégrisement : les toilettes « à la turque » débordent dans les chambres de sûreté, une odeur nauséabonde saisit toute personne pénétrant dans une cellule même inoccupée, les murs sont recouverts d'inscriptions et de matières diverses. L'entretien courant est totalement défaillant. De ce fait, il s'ensuit aussi des conditions de travail que les personnels ne devraient pas avoir à supporter. Des travaux doivent être entrepris sur-le-champ. Faute d'amélioration immédiate, les cellules de garde à vue et de dégrisement ne sauraient être utilisées."
Il ajoute un peu plus loin une remarque essentielle :
"Toute personne doit pouvoir comparaître dignement devant un juge, un procureur et un officier de police judiciaire ; cette exigence rejoint celle des droits de la défense. La situation actuelle ne l'autorise pas :
a) Aucune installation ne permet au gardé à vue de faire sa toilette le matin ;
b) Le rasage et le brossage des dents sont impossibles et le commissariat ne dispose d'aucun kit d'hygiène ;
c) Les conditions de couchage ne sont pas réunies pour accueillir les personnes y passant la nuit en vue des auditions à venir : le matelas et la couverture sont attachés à la cellule et ne sont pas renouvelés avec l'arrivée d'une nouvelle personne gardée à vue ; il n'y a pas de matelas dans les chambres de sûreté."
Cela correspond à ce que je soulignais dans le précédent article. Au-delà de que ce qu'écrit Mr Delarue, il faut rappeler que traiter des personnes dans de telles conditions ne permet plus de respecter les conditions du "procès équitable" comme l'exige la convention européenne des droits de l'homme.
Ne nous trompons pas d'analyse. Il ne s'agit pas de veiller à ce que certaines personnes qui ont réellement commis des délits ou crimes graves bénéficient d'un confort auquel d'autres citoyens qui vivent dans la précarité n'ont pas droit. Le sujet n'est pas là.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est impossible, sans se placer dans une contradiction fondamentale et insoluble, d'une part de continuer à traiter des gens comme le souligne le contrôleur et comme vient de le sanctionner le tribunal de Paris, et d'autre part de dénoncer des "erreurs judiciaires" quand la décision des magistrats repose sur des aveux ou plus largement sur des déclarations reçus dans des conditions qui, quand elles sont connues, peuvent faire douter de la volonté des intéressés de reconnaître véritablement les faits qui leur sont reprochés.
Enfin, et c'est peut être le plus inacceptable et le plus préoccupant pour l'avenir en terme d'évolution des pratiques, on constate que ceux qui dénoncent les "erreurs judiciaires", c'est à dire les élus et les gouvernants, sont les mêmes qui choisissent de laisser perdurer des conditions de garde à vue ou de détention qui ouvrent la porte à de telles erreurs.
Si une chose est bien indiscutable, c'est que le commissaire de police qui dirige un commissariat sait dans quelles conditions se déroulent les gardes à vue, que le préfet du département le sait tout autant, et que le constat remonte inéluctablement au ministre de l'intérieur qui n'ignore rien de l'état des locaux de police.
De ce fait, ne pas agir pour faire disparaître une situation manifestement inacceptable, cela veut dire la tolérer, l'accepter.
Ce qui rassure sans doute les élus et explique qu'ils se dispensent d'agir plus efficacement, c'est qu'ils savent parfaitement bien que quand des erreurs ou des fautes sont commises, seuls les autres "doivent payer".
Jamais eux.
C'est ce que l'on appelle l'irresponsabilité.
Décidément, il semble que rien n'y fasse et que, quoi qu'il arrive, les gouvernants soient dans l'incapacité de tirer les conséquences des situations et erreurs qu'eux-même dénoncent avec la plus grande virulence... mais dont ils sont pour partie à l'origine.
Tout le monde le sait pourtant, et en premier lieu les professionnels. Quand un individu subit des conditions de garde à vue, de détention ou de comparution devant un juge qui affaiblissent ses capacités physiques, morales et intellectuelles, le risque est grand qu'il fasse des déclarations non conformes à la réalité, notamment des "aveux" qui n'en sont pas, afin de pouvoir mettre fin au plus vite à une situation excessivement pénible.
Cela peut mener à une mauvaise appréciation de l'affaire par les magistrats qui ne connaissent pas toujours l'état des commissariats et des prisons, et par voie de conséquence à des décisions inappropriées. Et le terme est faible quand des personnes sont déclarées coupables et condamnées sur la base de déclarations, les faux aveux, obtenues à cause de la façon dont elles ont été traitées.
Cela est aussi de nature à permettre à ceux qui ont fait des déclarations sincères de prétendre ensuite qu'elles ne l'étaient pas, en mettant en avant les circonstances de leur garde à vue, de leur détention, ou de leur comparution devant le juge.
Personne n'est gagnant dans une telle configuration.
Dans son dernier avis publié au journal officiel du 3 juin 2009, le contrôleur des lieux de privation de liberté écrit à propos d'un commissariat :
"Les conditions d'hygiène sont indignes pour les personnes placées en garde à vue et celles placées en dégrisement : les toilettes « à la turque » débordent dans les chambres de sûreté, une odeur nauséabonde saisit toute personne pénétrant dans une cellule même inoccupée, les murs sont recouverts d'inscriptions et de matières diverses. L'entretien courant est totalement défaillant. De ce fait, il s'ensuit aussi des conditions de travail que les personnels ne devraient pas avoir à supporter. Des travaux doivent être entrepris sur-le-champ. Faute d'amélioration immédiate, les cellules de garde à vue et de dégrisement ne sauraient être utilisées."
Il ajoute un peu plus loin une remarque essentielle :
"Toute personne doit pouvoir comparaître dignement devant un juge, un procureur et un officier de police judiciaire ; cette exigence rejoint celle des droits de la défense. La situation actuelle ne l'autorise pas :
a) Aucune installation ne permet au gardé à vue de faire sa toilette le matin ;
b) Le rasage et le brossage des dents sont impossibles et le commissariat ne dispose d'aucun kit d'hygiène ;
c) Les conditions de couchage ne sont pas réunies pour accueillir les personnes y passant la nuit en vue des auditions à venir : le matelas et la couverture sont attachés à la cellule et ne sont pas renouvelés avec l'arrivée d'une nouvelle personne gardée à vue ; il n'y a pas de matelas dans les chambres de sûreté."
Cela correspond à ce que je soulignais dans le précédent article. Au-delà de que ce qu'écrit Mr Delarue, il faut rappeler que traiter des personnes dans de telles conditions ne permet plus de respecter les conditions du "procès équitable" comme l'exige la convention européenne des droits de l'homme.
Ne nous trompons pas d'analyse. Il ne s'agit pas de veiller à ce que certaines personnes qui ont réellement commis des délits ou crimes graves bénéficient d'un confort auquel d'autres citoyens qui vivent dans la précarité n'ont pas droit. Le sujet n'est pas là.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est impossible, sans se placer dans une contradiction fondamentale et insoluble, d'une part de continuer à traiter des gens comme le souligne le contrôleur et comme vient de le sanctionner le tribunal de Paris, et d'autre part de dénoncer des "erreurs judiciaires" quand la décision des magistrats repose sur des aveux ou plus largement sur des déclarations reçus dans des conditions qui, quand elles sont connues, peuvent faire douter de la volonté des intéressés de reconnaître véritablement les faits qui leur sont reprochés.
Enfin, et c'est peut être le plus inacceptable et le plus préoccupant pour l'avenir en terme d'évolution des pratiques, on constate que ceux qui dénoncent les "erreurs judiciaires", c'est à dire les élus et les gouvernants, sont les mêmes qui choisissent de laisser perdurer des conditions de garde à vue ou de détention qui ouvrent la porte à de telles erreurs.
Si une chose est bien indiscutable, c'est que le commissaire de police qui dirige un commissariat sait dans quelles conditions se déroulent les gardes à vue, que le préfet du département le sait tout autant, et que le constat remonte inéluctablement au ministre de l'intérieur qui n'ignore rien de l'état des locaux de police.
De ce fait, ne pas agir pour faire disparaître une situation manifestement inacceptable, cela veut dire la tolérer, l'accepter.
Ce qui rassure sans doute les élus et explique qu'ils se dispensent d'agir plus efficacement, c'est qu'ils savent parfaitement bien que quand des erreurs ou des fautes sont commises, seuls les autres "doivent payer".
Jamais eux.
C'est ce que l'on appelle l'irresponsabilité.