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Publié par Parolesdejuges

Juré sous influence (Bibliographie)

 

Les partisans de la cour d'assises le répètent en boucle à longueur d'année : les jurés sont formidables et font de la cour d'assises la juridiction parfaite. Même s'ils deviennent rapidement bien moins parfaits quand ils rendent des décisions défavorables aux criminels (lire not. ici).

Un livre récent nous permet d'approfondir les limites de la présence des jurés.

Les éditions des équateurs (leur site) ont publié un livre écrit par Carole Sterlé et intitulé (page dédiée) :

Juré sous influence

Sur le site de l'éditeur le livre est présenté de la façon suivante :

"Tout commence par un « classique » trafic de drogue. Un chargement de 80 kg d’herbe (600 000 €) en provenance d’Espagne disparaît dans la nature. Le convoyeur, « Petit-père », un homme de 45 ans, père de famille et toxicomane explique aux commanditaires s’être fait braqué son camion par un commando armé. Personne ne le croit. Enlevé, séquestré et torturé pendant 36 h, il est finalement libéré en échange de son silence. Il se terre apeuré dans un cagibi de jardin avant de se volatiliser loin de chez lui et des siens.
Quatre mois plus tard il dénonce le réseau qui sévit entre l'Espagne, l'Ile-de-France et la Bretagne, à l’Octris. Les têtes tombent, parmi lesquels des récidivistes condamnés en France ou en Italie qui prennent jusqu’à sept ans ferme. Petit-Père est dispensé de peine et le procès pour sa séquestration doit se tenir aux assises. Après avoir été renvoyé une première fois, faute de jurés (personne ne veut juger des criminels connus dans le département), le procès se tient quelques mois plus tard. 
La grande mascarade reprend alors de plus belle : des proches des accusés n'hésitent pas à s'asseoir près de la partie civile pour l’intimider ; à peine arrivé à l’audience, un juré demande à être récusé parce qu’il reconnaît des voisins dans la salle et le verdict aboutissant à seulement deux condamnations et trois acquittements fuite avant même la fin du délibéré, alors que les discussions sont toujours en cours. Il y donc eu un contact entre la cour et l’extérieur... Les jurés ont-ils été forcés à voter ces acquittements ? Les trafiquants étaient-ils si puissants qu’ils pouvaient mettre la justice au pas ? Dans les annales judiciaires, on n'avait vu ça que dans le banditisme corse. Dans un document interne (qui sera dévoilé ici pour la première fois dans son intégralité), le président de la cour d’assises dénonce des acquittements infondés et la difficulté de juger les criminels en Seine Saint-Denis. Un récit aussi fascinant qu'inquiétant sur les dessous de la justice, les zones de non-droits que semblent être devenus les territoires, villes, quartiers gangrenés par le trafic de drogue et une Institution judiciaire à leur merci."

Le livre mélange donc deux récits. D'une part celui d'une affaire de trafic de drogue ayant évolué vers des violences multiples et extrêmes, et d'autre part celui de contacts entre des tiers proches des protagonistes et des jurés.

Mais avant cela il y a la peur plus générale de certains jurés de participer au jugement de personnes particulièrement dangereuses. Ce qui, comme le raconte Carole Sterlé, aboutit parfois, et ce fût le cas dans cette affaire particulière, à de nombreuses défaillances de jurés en début de session. Or le code de procédure pénale impose la présence d'au moins 20 jurés en première instance et de 23 jurés en appel (texte ici) sur les 45 initialement tirés au sort pour chaque session. Et au début du premier procès d'assises il n'y en avait plus que 16. Ce qui a contraint au renvoi à une autre date. Et en dit long sur les frayeurs profondes de certains jurés.

Carole Sterlé raconte comment se sont mis en place les contacts entre des tiers et des jurés, procédé découvert notamment grâce à des écoutes téléphoniques, la transmission de l'info sur le projet de contact donné à l'avocate générale et au président de la cour d'assises alors que le procès était en cours, puis la décision du président de poursuivre.

La suite est un message envoyé par un juré pendant le délibéré, informant des tiers des décisions de la cour d'assises, notamment des acquittements. Message que découvrent des avocats de l'affaire avant le retour de la cour d'assises dans la salle d'audience. Puis une fois l'audience reprise un avocat prend la parole pour faire état de ce message.

Une nouvelle enquête est lancée qui aboutira à l'identification des tiers et des jurés approchés.

Peu après le président de la cour d'assises rédigera une note "sur la difficulté de juger les criminels en Seine Saint Denis".

Tout ceci est le point de départ de réflexions indispensables sur la limite de la présence des jurés dont les comportements négatifs peuvent aboutir à des décisions aberrantes, même si les criminels qui en bénéficient et ceux qui les entourent s'en réjouissent.

Les questions posées sont alors multiples et parmi celles-ci : comment le président peut-il rendre compte d'un délibéré tronqué si tel est le cas alors que ce délibéré est soumis au secret le plus absolu ? Pour la même raison des jurés peuvent-ils, comme cela a été fait dans cette affaire, être entendus sur le déroulement du délibéré et mentionner les avis des uns et des autres ? Le président doit-il interrompre les débats ou remplacer un juré à partir de simples suspicions ? Que faire quand des jurés expriment leur peur en cours de procès ? Faut-il exclure les jurés des affaires impliquant des personnes dangereuses en s'appuyant sur la qualification des faits, par exemple la bande organisée ? Faut-il plutôt délocaliser ces affaires pour mettre de la distance de terrain entre protagonistes et jurés ? Car sinon le soir les jurés rentrent chez eux, un chez eux qui pour certains est géographiquement proche de celui des accusés et du milieu dans lequel ils gravitent.

Secondairement et plus largement, il y a comme le souligne aussi Carole Sterlé la difficulté de certains jurés à appréhender et analyser des affaires complexes.

En tous cas, ce livre est le point de départ de nombreuses réflexions utiles sur les limites de l'implication des citoyens dans le jugement de criminels particulièrement dangereux.

Aux antipodes des slogans simplistes et caricaturaux sur les jurés formidables.

 

 

 

 

 

 

 

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