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Publié par Parolesdejuges

Cet article a été mis en ligne le 11 avril 2025.

La dernière mise à jour est en date du 22 avril 2025

 

Deux évènements récents, l’un étant la suite de l’autre, attirent l’attention et méritent une pluralité d’analyses et de commentaires.

Au début d’avril 2025, le comédien Gérard Depardieu, aujourd’hui âgé de plus de 70 ans, a comparu devant le tribunal correctionnel à la suite de dénonciations d’agressions sexuelles par plusieurs plaignantes.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas le fond de l’affaire, mais le comportement à l’audience de l’avocat du comédien (lire aussi ici).

Les médias ont mentionné « les outrances sans limite » de l’avocat (article ici),  une « méthode de l’avocat en débat » (article ici), une « défense d’un autre temps » (article ici).

De fait, s’adressant aux avocates qui assistaient les plaignantes il leur a lancé : « abject », « ignoble », « stupide », « allez pleurer », « c’est insupportable votre voix », (article ici), et il a parlé du « rire hystérique » de l’une d’elles (article ici).

Ceci a entraîné la publication dans le journal Le Monde d’une tribune signée par de très nombreux avocats, hommes et femmes, intitulée : « Le sexisme contre les avocates ne doit plus avoir sa place en audience » (article ici).

Dans cette tribune, les signataires écrivent notamment : « Viser de manière répétée des consœurs car femmes, adopter une stratégie clairement sexiste, porter atteinte au respect de la robe qui leur est dû en attaquant leur sexe et/ou leur genre, ne doit plus avoir sa place, jamais, dans une enceinte judiciaire française ».

L’avocat concerné s’en est aussi pris violemment aux plaignantes, en des termes qui ont choqué les observateurs.

Il nous faut regarder d’abord les règles juridiques qui encadrent les débats dans une audience pénale, afin de savoir quelle place il peut ou non y avoir pour des comportements déviants.

Mais l’essentiel n’étant pas là, il nous faudra nous interroger ensuite sur ce qui justifie, ou à défaut explique, de tels comportements déviants à l’audience.

Le cadre juridique

Les obligations déontologiques des avocats

C’est le Règlement Intérieur National de la profession (RIN) qui contient le socle de la déontologie commune des avocats (doc. intégral ici).

Il est écrit dans l’article 1er intitulé « Les principes essentiels de la profession d’avocat » : « Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l’avocat en toutes circonstances. L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, d'égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. »

La conséquence d’une violation d’une des obligations déontologiques suit, en ces termes : « La méconnaissance d’un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue en application de l’article 183 du décret du 27 novembre 1991 une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire. »

Cet article 183 (doc intégral ici) est rédigé ainsi : « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184. »

Le fait qu’il soit indiqué que ces principes essentiels de la déontologie s’appliquent « en toutes circonstances » incite à penser qu’ils s’appliquent pendant les débats judiciaires. De fait, on imagine difficilement que plus aucune règle déontologique ne s’applique à l’audience, et que pendant les procès les avocats puissent adopter sans aucun risque les comportements les plus aberrants, et entre autres soient autorisés à insulter les magistrats, les autres avocats, la personne poursuivie, ou la partie civile (1).

Il a été mentionné dans la tribune précitée (cf. ici) qu’un membre de l’ordre des avocats était présent au procès du comédien, mais qu’il n’a réagi à aucun moment. Il faudra observer, dans les semaines qui viennent, si l’ordre des avocats est officiellement saisi de plaintes pour non-respect de la déontologie. Ou si, même sans plainte, il émet un avis général sur les comportements interdits à l’audience. Cela permettra de mesurer l’importance que les barreaux accordent au respect des obligations déontologiques.

A noter que la volonté de s’affranchir des règles, notamment dans les procès pour viol, n’est pas nouvelle chez les avocats (lire ici).

Il est essentiel de souligner que les obligations déontologiques de dignité modération délicatesse courtoisie et confraternité ne sont aucunement un frein au débat contradictoire et à la possibilité de développer tous les arguments ou de poser toutes les questions utiles. Imposer le respect des interlocuteurs n’a jamais été un frein à la liberté de s’exprimer. Au demeurant, la majorité des avocats pénalistes, qui pourtant font remarquablement bien leur travail, ne haussent jamais la voix et n’invectivent jamais personne.

En tous cas, ces obligations déontologiques semblent bien interdire certains des propos et comportements constatés au cours du procès du comédien.

Les règles du débat judiciaire

Le code de procédure pénale mentionne à plusieurs reprises l’expression « sérénité des débats ». (2)

Pour ce qui concerne le tribunal correctionnel, devant lequel le comédien a comparu, c’est l’article 400 de ce code (article ici) qui souligne la nécessité de préserver la « sérénité des débats et la dignité de la personne ».

L’un des conditions pour que les débats soient dignes et sereins est que chaque protagoniste respecte les autres, et qu’il n’y ait aucune forme d’agressivité ou de vulgarité.

Les obligations déontologiques des magistrats en lien avec les débats

Le Conseil supérieur de la magistrature (son site) a rédigé un « Recueil des obligations déontologiques des magistrats (texte intégral ici). Ce document comporte plusieurs mentions en lien avec notre sujet.

A la page 54 est énoncé un principe très important : « La liberté des parties et de leurs conseils de choisir un mode de défense trouve toutefois sa limite dans l’obligation qui incombe au magistrat de veiller, avec impartialité, au respect des personnes et à la dignité du débat judiciaire. »

A côté de garantie de la dignité des débats le Recueil mentionne aussi (p. 100, cf. plus loin) la dignité des personnes.

Il est écrit page 53 : « Un magistrat, témoin à l’audience de propos discriminatoires et/ou pénalement répréhensibles, les fait cesser »

Cela répond, en l’invalidant de la même façon que les obligations déontologiques des avocats rappelées plus haut, à l’argument selon lequel à l’audience la liberté de parole des avocats n’a pas de limite et que peu importent les effets des prises de parole et des comportements.

Il est aussi écrit à propos de l’audience (p. 100) : « Durant l’audience, le respect du justiciable commande aussi le choix des mots et le ton sur lequel ils sont prononcés. »

Il est écrit page 102, dans un paragraphe relatif aux magistrats du Parquet : « la liberté de parole n’autorise ni les insultes ni la vulgarité. » « Les magistrats s’abstiennent de tout comportement ou propos portant atteinte à la dignité de la partie civile, du prévenu ou de l’accusé, des témoins ainsi que toute expression à caractère discriminant au regard de l’appartenance de l’intéressé à un groupe ou une communauté. »

Si ces expressions ne se retrouvent pas à l’identique dans les règles déontologiques des avocats, elles sont, sauf à les vider de leur sens, implicitement contenues dans les mots dignité, modération, délicatesse et courtoisie.

La protection des plaignantes à l’audience

Au cours du procès du comédien son avocat, selon les propos rapportés par les médias, a employé notamment ces expressions pour parler des parties civiles : « mythomane qui veut plaire à tout le monde en tant que victime » (cf. ici; « fausse victime », « menteuse décérébrée », « elles sont très heureuses d’avoir ce mur de caméras devant elles c’est ridicule » (cf. ici), « féministes enragées », « agitées du bocal » « X.. (une plaignante) ne lit pas Le Monde parce que c’est trop compliqué », « menteuses, hystériques, allez pleurer » (cf. ici).

Ici encore sans aucunement remettre en question le droit inaliénable de se défendre et de faire valoir ses arguments en réponse à des dénonciations, le cadre juridique ne permet pas de maltraiter une partie civile à l’audience. Cette maltraitance est qualifiée aujourd’hui de victimisation secondaire, et pour plus de détails le lecteur est renvoyé à l’article déjà mis en ligne sur ce sujet (lire ici).

Il est écrit dans la directive européenne de 2024, mentionnée dans le précédent article, que : « Les Etats membres sont invités à veiller à ce que les victimes soient traitées de façon respectueuse et à ce que les procédures soient menées de telle sorte à éviter une victimisation secondaire ou répétée. »

Au regard des termes utilisés lors du procès commenté, il semble bien que l’on soit dans un processus délibéré de victimisation secondaire de plaignantes qui doivent être protégées.

La police des débats par le président

Dans la tribune précitée, les auteurs écrivent aussi : « L’égalité et le respect dû aux représentants et représentantes de toutes les professions de justice doivent être au cœur de la police de l’audience, quels que soient les problèmes de calendrier ou les risques d’incident (un événement procédural suspendant une audience) que les juridictions ne prennent pas si souvent soin d’éviter (..) Une justice qui tolère le sexisme, sans rien dire, pour des raisons de gestion comptable ou administrative n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. ». Il y a la une remise en cause directe de la passivité du magistrat qui a présidé l’audience.

A la page 100 du Recueil des obligations déontologiques des magistrats il est écrit : « La tension liée à la nature d’une affaire comme la charge importante ou la durée excessive d’une audience conduisent le magistrat à une vigilance toute particulière pour respecter et faire respecter la dignité des personnes. »

En lien avec les autres passages mentionnés plus haut, il est indiscutable que le président d’audience a l’obligation d’assurer la sérénité et la dignité des débats, et par voie de conséquence d’empêcher, autant qu’il le peut, tout ce qui y porte atteinte.

Mais si le cadre juridique est aussi clair que simple, sa mise en œuvre est autrement plus compliquée.

Le président d’audience sait bien que dans l’absolu il doit intervenir. Mais il craint souvent que s’il exige qu’un avocat modère ses gestes ou ses propos et qu’il le lui fait savoir publiquement, celui-ci réagisse encore plus violemment et dénonce avec virulence une atteinte à la libre expression même si ce n’est pas le cas. Avec un risque de multiplication des incidents et des pertes de temps. Et parfois l’intimidation fonctionne bien.

C’est pourquoi l’une des obligations impératives pour le président est, au moins, d’agir comme cela est mentionné page 53 du Recueil : « Un magistrat, témoin à l’audience de propos discriminatoires et/ou pénalement répréhensibles, les fait cesser et les fait consigner, afin que toutes les conséquences nécessaires puissent en être tirées. »

Concrètement, le président doit impérativement demander au greffier de reproduire dans le procès-verbal des débats toutes les expressions susceptibles de violer les règles légales et déontologiques précitées.

Certes cela ne résout pas le problème pendant l’audience. Mais d‘une part la consigne de mention des propos tenus dans la note d’audience rédigée par le greffier peut, éventuellement, inciter l’intéressé à faire attention en prenant conscience que ses paroles sont notées dans un document officiel, et d’autre part ces mentions peuvent après l’audience être le support de procédures disciplinaires ou pénales.

En tous cas, s’il n’y a pas de traces écrites des propos, l’avocat déviant peut se croire assuré d’une totale impunité. Et persister dans ses comportements aberrants.

L’inutilité de tels comportements

Doit-on excuser les comportements déviants des avocats au motif qu’ils sont indispensables à la défense efficace des personnes poursuivies ? La réponse est non car de tels comportements ne sont jamais utiles, loin de là.

La meilleure démonstration est donnée par les avocats eux-mêmes. En effet, la plupart des avocats pénalistes ne lèvent jamais la voix, n’agressent jamais personne, et cela quelle que soit la difficulté de l’affaire dans laquelle ils interviennent. Ils contestent, ils argumentent, ils contredisent, ils s’opposent, mais ils le font calmement, sereinement, en respectant tous les protagonistes des procès sans jamais une once d’agressivité ou de vulgarité.

Sont-ils pour autant de mauvais avocats ? Evidemment non. Il serait intéressant que les avocats qui agressent à l’audience expliquent en quoi cela est une impérative nécessité, et en quoi cela augmente leur capacité de convaincre de la justesse de leur cause. Et qu’ils disent si ceux qui n’agressent jamais personne sont de mauvais avocats.

Par ailleurs, ce qui parfois caractérise le plus les avocats qui agressent à l’audience, c’est le ridicule.

Quand l’agressivité est outrancière, quand elle manque cruellement de subtilité, quand elle montre de façon tellement flagrante la médiocrité intellectuelle de celui qui s’y complait, l’on se prend à être gêné pour celui que l’on voit se ridiculiser devant tout le monde.

Au-delà, l’agressivité est d’autant plus inutile qu’elle est parfois contre-productive.

Quand l’avocat nuit à son client

Rapprochons-nous encore un peu plus de l’essentiel.

L’observateur qui constate le comportement déviant d’un avocat n’a pas toujours conscience de toutes les éventuelles conséquences de ce comportement. C’est pourquoi l’analyse du comportement en soi n’est pas suffisante. Il faut regarder un peu plus loin.

En effet, les interventions agressives ont souvent des conséquences indirectes. Et cela peut parfois faire mal.

Un avocat assiste la personne poursuivie. Il s’exprime à côté de son client, et sa mission est de développer, avec éventuellement d’autres mots, la thèse de celui-ci. Ce qui fait que, par voie de conséquences, l’outrance de l’avocat devient parfois dans l’esprit de l’observateur l’outrance de son client.

Ou pour le dire autrement, quand l’avocat du prévenu agresse de façon inutile et inacceptable les autres participants, et notamment les parties civiles, cela peut être vu comme une volonté de la personne poursuivie d’agresser celles-ci. On ne peut s’empêcher de penser que celle-ci au mieux laisse faire son avocat car sa stratégie agressive lui convient, au pire a encouragé son avocat à exprimer un profond mépris envers les parties civiles ou d’autres intervenants.

En plus, les reproches atteignent doublement l’homme poursuivi car lui sait très exactement ce qu’il a fait. Et notamment quand il a agressé sexuellement la plaignante partie civile. Ce qui fait que, en cas de déclaration de culpabilité, la personne poursuivie et son avocat apparaissent rétrospectivement comme deux individus qui, alors qu’ils savaient dès le départ qu’une agression sexuelle a bien été commise, ont maltraité la plaignante à l’audience en sachant qu’ils le faisaient à tort.

C’est pourquoi les reproches et critiques dirigées contre l’avocat atteignent par ricochet son client qui sait que son avocat agresse à tort, et qui pourtant ne fait rien pour le dissuader d’agir ainsi.

Et la conséquence est souvent une augmentation sensible de la sévérité de la peine prononcée.

Ceux qui jugent, magistrats et les jurés, parfois n’acceptent pas que le comportement agressif, vulgaire, violent, humiliant, de l’avocat contre les autres parties au procès reste sans conséquence. Or le seul moyen disponible dont dispose la juridiction pour marquer sa désapprobation est d’ajouter un supplément de peine à la peine justifiée par les seuls faits.

Faute de pouvoir sanctionner l’avocat pour sa maltraitance inutile de la victime, c’est son client qui subit la sanction de son comportement.

Se pose alors une question déroutante : les avocats qui adoptent des stratégies aberrantes et injustifiables ont-ils conscience de nuire à leur client et le font-ils, quand même, en pleine connaissance de cause ?

Cette question ne devrait jamais se poser puisque la raison d’être d’un avocat, sa seule mission, est de tout faire pour présenter la thèse de son client de la façon la plus efficace.

Cela impose de s’interroger sur la véritable raison d’être des comportements déviants, et d’aller chercher ce qu’il en est au-delà des apparences.

Les raisons d’être de ces comportements

Puisque cela ne présente aucun intérêt pour la défense de leur thèse, et est même souvent nuisible aux intérêts de leurs clients, pourquoi certains avocats adoptent-ils quand même des comportements déviants ?

Plusieurs hypothèses peuvent être formulées, et il est probable que dans certains cas elles se cumulent.

Le manque de subtilité intellectuelle

Les procès pour agressions sexuelles sont toujours des procès sensibles étant donné la nature des faits poursuivis. Et bien des plaignantes qui participent à l’audience pénale ont été réellement victimes des agressions dénoncées.

C’est pourquoi, dans l’intérêt de la personne poursuivie, l’avocat doit agir à l’audience avec beaucoup de prudence et de tact. Surtout quand il questionne les propos de la partie civile qui sera potentiellement reconnue victime à l’issue du procès.

Mais cela demande chez l’avocat des capacités intellectuelles particulières.

De fait, gesticuler ou agresser ne nécessite aucune intelligence. Il est donné à tout le monde de faire du bruit. En revanche, trouver les mots justes, les expressions subtiles, les arguments nuancés, demande bien plus de capacités.

Manifestement, tous les avocats n’ont pas la même aptitude à intervenir avec finesse et subtilité. Certains le font remarquablement bien. Mais d’autres en sont moins capables.

Le vide de l’argumentation

Dans un débat, celui dont la thèse est que deux plus deux égalent quatre, qui est certain de la justesse de sa position, n’a aucune raison de s’exciter et d’agresser les autres à l’audience. Cela quelles que soient les arguments énoncés par les autres parties.

A l’inverse, celui qui a pour mission de plaider que deux plus deux égalent huit sait qu’il est en difficulté et qu’il n’a pas d’arguments convaincants à produire.

C’est pourquoi il arrive que pour masquer le vide de l’argumentation, pour créer un rideau de fumée, apparaissent la gesticulation et l’agression des autres.

En plus, en se comportant ainsi, l’avocat veut donner l’impression à son client, et à ses proches quand ils sont dans la salle, qu’il le défend avec énergie.

Les comportements déviants sont donc parfois un cache misère quand l’argumentation au fond est défaillante.

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Dans de nombreuses villes, les avocats pénalistes sont trop nombreux et ont du mal à se faire une large clientèle. Il leur faut donc trouver des moyens de se faire remarquer et de sortir du lot. Les audiences qui attirent les foules et les journalistes sont alors le lieu idéal pour attirer les regards sur soi.

Des avocats reconnaissent que dans certaines affaires très médiatisées ils peuvent aller jusqu’à proposer une intervention sans rémunération, parce que pour eux la contrepartie rentable sera une surmédiatisation, avec l’espoir de nouveaux clients qui dans leur esprit est la suite espérée de cette exposition médiatique.

Il est vrai que, s’agissant de l’avocat du comédien, tous les médias ont publié des articles sur lui. Le résultat peut sembler atteint.

Mais si un comportement déviant se fait inéluctablement remarquer, est-il certain que de nombreuses personnes ont envie d’avoir un avocat qui se comporte ainsi ?

La satisfaction de l’égo

Lors d’une audience de cour d’assises, un avocat a dit : « Il y a trois sortes d’avocats. Ceux qui plaident pour la salle, ceux qui plaident pour eux, et ceux qui plaident pour leur client ».

Ceux qui plaident pour la salle ont été mentionnés dans le paragraphe précédent.

D’autres, c’est certain, plaident pour eux. C’est-à-dire qu’ils adaptent leur comportement à l’audience à l’image qu’ils veulent avoir et donner d’eux-mêmes.

Pour certains avocats, agresser et humilier les autres à l’audience est ressenti comme une forme de puissance et de supériorité. Peu leur importe les effets de leurs comportements (cf. plus loin). Ils veulent s’imposer, dominer, montrer ce qu’ils croient être leur supériorité.

Ils agissent en fait pour eux. A tel point que l’on se dit parfois à l’audience, en les observant, que le reste les intéresse bien peu. Et notamment leur client (cf. plus loin).

La misogynie jusqu’à l’audience

Une observation du déroulement des procès sur une très longue période conduit à un constat flagrant : s’il y a régulièrement des agressions d’avocats (hommes) contre des avocates (femmes), il y a très rarement des agressions d’avocats contre des avocats, et quasiment jamais d’agressions d’avocates contre des avocats. Cela ne peut pas être un hasard.

Cette aptitude à bomber le torse, à vouloir prendre le dessus, à chercher à en imposer aux autres, ce besoin de domination, sont des comportements typiquement masculins.

L’avocat du comédien, dont il est question ici, se serait-il permis d’agresser, d’ insulter et d’humilier des hommes si les plaignantes avaient été défendues par des avocats ? Il n’est pas du tout certain que la réponse soit positive (3).

Au demeurant, le constat de l’existence d’une discrimination des femmes dans les barreaux n’est pas nouveau (lire not.  ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ; ici ).

Conclusion

Des comportements tels ceux constatés à l’occasion du procès du comédien pourraient être considérés comme des épiphénomènes qui ne méritent pas qu’on s’y attarde. Il est rarement utile d’accorder de l’importance à ce qui se fait de moins bien.

Mais ce n’est pas aussi simple que cela. D’abord parce qu’il y a des personnes qui en souffrent injustement. Ensuite parce que cela contrevient aux règles juridiques en vigueur. Enfin parce que de tels comportements parasitent les débats de façon inadmissible.

Depuis quelques temps, ont été mises en place des journées regroupant magistrats et avocats (cf. not. ici ; ici ; ici). Au-delà des habituels échanges convenus, il est indispensable que de tels comportement y soient analysés par tous les participants.

Ce serait l’occasion pour les barreaux, d’expliquer pourquoi de nombreux comportements déviants dont ils sont informés ne sont ni poursuivis ni sanctionnés.

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1. Les avocats doivent de la même façon respecter leurs obligations déontologiques aux abords du palais de justice, même s'ils ne sont plus dans la salle d'audience. Cela parce qu'ils continuent à s'exprimer comme des avocats. Des poursuites ont été engagées contre un avocat qui défendait l'un des accusés du procès "des viols de Mazan". Devant le palais de justice cet avocat avait selon les médias insulté les femmes qui venaient soutenir la victime en utilisant des termes tels que "hystériques", "mal embouchées", "mon client a un message pour vous... le message c'est merde", "allez les tricoteuses" (lire ici).

2. articles 145, 199, 221-3, 400, 802-3.

3. Une présidente de cour d’assises a raconté que pendant des débats publics un avocat en défense c’est adressé à des avocates en partie civiles en leur disant très agressivement : « Vous ne méritez pas la robe que vous portez ». Il est à peu près certain qu’il n’aurait jamais dit cela à un avocat homme. Et il est totalement certain que si quelqu’un lui avait dit cela, il aurait hurlé tellement fort que cela aurait été entendu à trois cents mètres à la ronde. A noter que, d’après les informations transmises, l’ordre des avocats a été saisi et n’a pas vu de problème…

 

 

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Commenter cet article
L
Le client peut-il avoir un rôle actif dans le comportement de son avocat, encore plus quand il est Depardieu ?<br /> Actif d'abord, dans le choix l'avocat, ensuite dans la stratégie de défense retenue.<br /> Dans cette hypothèse, il est logique pour le juge de condamner plus lourdement un client qui "laisse faire" son avocat : le client a aussi choisi l'avocat (parfois) et validé la stratégie de défense.<br /> Depardieu a pu volontairement choisir un avocat à son image et en être fier. Sans le comprendre, il a facilité la démonstration de la partie civile.
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H
Bonjour Mr Huyette, merci pour votre billet , comme a l'accoutumée, qui est un régal à lire.L'avocat de Gérard Depardieu a donné dans la provocation, l'outrance à plein régime et à la misogynie assumée ou surjouée ? Compte tenu de la notoriété de Gérard Depardieu, cet avocat a t il adapté son comportement a celui des rôles qu' a incarné jadis cet acteur qui a écrit une page de l'histoire du cinéma français ? N'est pas Cyrano de Bergerac qui veut. Cet avocat auquel je ne mettrai jamais de A majuscule masquait il son insuffisance devant le côté pantagruélique de son client ? La question interroge. Le but inavoué est atteint effectivement. Dorénavant, tout le monde connaît cet avocat qui a inscrit son nom et a rejoint la liste déjà bien trop longue des gentlemen extraordinaires. Faut il en rire ou en pleurer ? Il reste après tout ce cirque, une sensation résumée en un seul qualificatif : pathétique. Je ne sais plus qui a écrit cette phrase que j'ai faite mienne "Dieu créa l'homme avant la femme, car pour tout chef d'oeuvre il faut faire un brouillon ". Quant à la relation Magistrats/Avocats, je garde espoir qu 'a la cour des vanités et des querelles des egos, et des plans de carrière pour certains, le respect des uns et des autres s'accorde à l'œuvre de Justice sacrifiée, parfois, au détriment du simple justiciable.Le chemin sera encore long. Il y a les valeurs affichées et les pratiques réelles. Ce type de comportement outrancier, comme vous le soulignez fort à propos, engendre pour les victimes directes et indirectes, de la victimisation secondaire, qui fait des dégâts irréversibles. J'en ai fait l'incandescente expérience. La CEDH saura t elle appréhender à sa pleine et entière mesure cette réalité abrupte ? Respectueusement.
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B
Il est surprenant que le représentant de l'ordre soit resté sans agir face à de tels écarts de comportement. Que dire également du président du tribunal ? Il aurait dû assoir son autorité en "recadrant" fermement l'indélicat. Ne voyant aucune limite à ses agissements, cet avocat a bien sûr poussé son avantage si j'ose dire. Il n'est pas trop tard, suite à la tribune postée de le faire rattraper par la patrouille.
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