Séparation des parents et évolution des liens pères-enfants
Par Michel Huyette
Lorsque deux parents se séparent, la question des relations à venir entre les enfants et chacun d'eux est toujours cruciale, et source de nombreux conflits. Les enfants ne pouvant pas être coupés en deux, celui des deux parents qui souhaite les avoir auprès de lui en permanence mais n'obtient au final qu'un droit de visite et d'hébergement souffre souvent beaucoup, que ce soit la mère ou le père.
Les pères se plaignent régulièrement, individuellement ou par le biais d'associations, des insuffisantes relations avec leurs enfants. La difficulté pour analyser la réalité tient au fait que celle-ci est variable et fluctuante. Chaque situation est particulière, chaque père et chaque mère sont différents des autres, et il faut en permanence se méfier des généralisations trop hâtives.
Il n'empêche que toute étude sur le sujet est la bienvenue, quand elle permet de mieux appréhender et comprendre la réalité de terrain.
L'Institut national d'études démographiques (INED son site) vient de publier un n° 500 de sa revue "Population et sociétés", daté de mai 2013, intitulé : "Quand la rupture des parents s'accompagne d'une rupture du lien entre le père et l'enfant" (document intégral ici).
On y apprend, notamment que :
- L'exercice en commun de l'autorité parentale (décisions importantes devant être prises en commun par les deux parents) s'applique dans 98 % des divorces et dans 93 % des séparations de parents non mariés.
- La résidence principale de l'enfant est fixée dans 70 % des cas chez la mère.
- Quand les parents sont encore ensemble les rencontres avec les enfants sont maintenues dans la durée, même quand ces enfants devenus adultes prennent leur autonomie, alors que quand les parents sont séparés de fortes différences apparaissent entre les pères et les mères. Seuls 5 % des enfants entre 18 et 24 ans ne voient plus leur mère alors que environ 10 % des enfants mineurs, 19 % des enfants entre 18 et 21 ans et 32 % des enfants entre 30 et 34 ans ne voient plus leur père, un net décrochage apparaissant à la majorité. Mais cela ne signifie pas forcément que les enfants ne veulent plus voir leur père, certains pères n'étant pas demandeurs d'un maintien des liens après la majorité des enfants concernés.
- La dilution des liens enfants/père découle aussi de la durée de la séparation entre les deux parents. La proportion des enfants ne voyant pas leur père est inférieure à 6 % quand la séparation remonte à moins de 4 ans, est de 19 % si le père est séparé depuis 10 à 14 ans, et de 32 % au-delà.
- L'âge de l'enfant est aussi un élément important. Plus l'enfant est jeune lors de la séparation, moins il voit son père ensuite.
- Il en va de même de la remise en couple du père. 14 % des enfants ne voient jamais leur père s'il vit seul et ils sont 24 % quand le père vit en couple et a eu un autre enfant de cette union.
- La distance géographique joue un rôle central dans l'évolution des relations. Plus elle est élevée, moins les relations sont fréquentes, avec un seuil à 4 heures de trajet au-delà duquel la proportion d'absence de rencontres passe de 14 % et moins à 33 %.
- La rupture du lien père/enfants est moins fréquente après une résidence alternée.
- Le lien est plus souvent rompu si l'enfant a vécu principalement chez la mère dans l'année qui a suivi la séparation (21 % ne voient plus leur père) que dans le cas inverse (12 % ne voient plus leur mère).
- D'autres facteurs interviennent tels la situation professionnelle et les revenus du père, qui favorisent le maintien des liens, notamment parce que des revenus plus élevés permettent de payer des frais de transport. Il en va de même de la propre histoire du père, les relations avec ses enfants étant moins fréquentes quand lui-même ne voit plus son propre père.
Enfin, comme le soulignent les auteurs de l'étude, il faut être prudent dans l'analyse des chiffres. Ceux-ci ne font pas apparaître les choix, les décisions, les comportements des parents et des enfants. Les statistiques doivent donc être interprétées avec une grande prudence. Elles ne sont que le point de départ du débat et n'expliquent rien à elles seules.