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Publié par Parolesdejuges

La part du juge    (Bibliographie)

 

Appliquer le droit, c'est bien autre chose que mettre en oeuvre, mécaniquement, un ensemble de règles qui aboutissent inéluctablement à une solution unique.

Les lois, toutes les lois, sont pleines de notions, d'expressions, de mots, qui doivent être interprétés par les juges. Par exemple, les textes ne précisent pas dans quelles conditions la faute d'un salarié devient une "faute grave" dans une instance prud'homale, ou bien ce qui constitue une "violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage" en cas de procédure de divorce pour faute, ou encore à partir de quand la santé ou la sécurité d'un mineur sont "en danger" à l'occasion d'une procédure de protection de l'enfance.

Dans ces situations, que l'on retrouve dans tous les domaines du droit sans aucune exception, le juge doit donner du sens, interpréter, préciser, mettre en oeuvre la règle de droit en déclinant le principe juridique au regard des situations qui lui sont soumises.

Le domaine dans lequel cette marge d'appréciation du juge est la plus connue, et la plus commentée, est le droit pénal. Quand une personne est poursuivie pour avoir commis une infraction punie de plusieurs années de prison, le seul repère dont dispose le juge est la peine maximale fixée par la loi. Sa marge d'appréciation est donc très grande.

 

En lien avec cette problématique judiciaire, les éditions Arkhê (leur site) ont récemment publié un livre, rédigé par Pascale Robert-Diard, intitulé (page dédiée ici) :
 

La part du juge

 

Le livre est sous-titré : "Chroniques mordantes de la société française vue du prétoire".

Sur le site de l'éditeur le livre est présenté de la façon suivante :

"Qui a été confronté à la justice ou s’intéresse aux affaires judiciaires a parfois le sentiment d’une gigantesque loterie. D’un juge à un autre, d’un tribunal à une cour d’appel, l’appréciation des faits fait pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Au fil des affaires de mœurs, d’endettement, d’animaux domestiques récalcitrants, de picrocholines querelles de voisinage ou de grands scandales publics, Pascale Robert-Diard déshabille les juges, avec ironie et légèreté. Elle révèle, à travers leurs dilemmes et leurs combats, la part insoupçonnée d’humanité de ces personnages emblématiques de la justice.

Que les justiciables soient précaires, stars du football, du cinéma ou de la politique, Pascale Robert-Diard démontre l’existence d’une « part du juge », véritable marge d’imagination et de création. Plongez-vous dans cette série de chroniques mordantes : elles retracent l’évolution de la justice face aux mœurs et offrent un panorama inédit de la société française."
 

 

Le titre du livre est particulièrement bien choisi. Dans toute décision judiciaire, du fait de l'interprétation des règles et de la marge d'appréciation laissée au juge, il y a bien une "part" du juge.

 

Le livre débute par l'histoire très (trop ?) connue du juge Magnaud. Et de cette jeune femme de 22 ans poursuivie pour avoir volé du pain pour nourrir ses enfants. Que le juge a déclaré irresponsable en utilisant la notion juridique d'état de nécessité. Encore une notion, dont le contenu concret n'est pas précisé par les textes, qui appelle l'interprétation du juge.

 

L'auteur raconte ensuite la "part" des juges d'instance dans les affaires de crédit à la consommation. Juges qui traquent toutes les erreurs juridiques commises par les grandes entreprises pour rétablir un équilibre avec des consommateurs qui sont parfois des proies faciles.  Ce que l'on retiendra dans ce passage du livre c'est qu'il ne s'agit pas d'une "part" subjective du juge, comme en droit pénal, mais d'une analyse pointue et d'une utilisation systématique de toutes les composantes du cadre juridique.

 

Analysant un procès mettant en cause un homme politique, Pascale Robert-Diard souligne les conséquences de certaines décisions judiciaires sur leurs parcours. Et, autour du même cas, souligne la différence d'approche et de conclusions du tribunal correctionnel puis de la cour d'appel. Afin ici encore de faire apparaître la "part du juge".

 

C'est aussi l'occasion pour l'auteur de s'interroger sur la vision du pouvoir politique et de ses devoirs par l'autorité judiciaire, ainsi que sur les pressions de l'opinion publique.

 

Il en va largement de même pour les procès en diffamation. Quand il s'agit d'analyser des expressions, des mots, et de dire si les limites de la liberté d'expression ont été franchies. Ou des procès mettant en cause des personnalités publiques d'un côté et des médias racoleurs d'autre part qui traquent et réduisent à trois fois rien le domaine de l'intimité de ces personnalités. Intervient encore une "part" du juge au moment de fixer les limites.

 

Le livre se termine par quelques pages, plus humoristiques, sur l'appréhension par le juge des troubles de voisinage causés par des animaux, parfois trop bruyants aux dires de certains.

 

 

 

Certains lecteurs resteront un peu sur leur faim. Si Pascale Robert Diard décrit cette part du juge à partir d'illustrations concrètes, il manque en prolongement une analyse plus approfondie de cette marge d'appréciation du juge. Ses origines, ses raisons d'être, ses mécanismes, ses limites.

 

Il faut se demander si l'existence de cette "part du juge" n'est qu'une partie du fonctionnement normal de toute institution judiciaire, où si, comment, et quand, elle favorise des dérives inacceptables.

 

On retrouve toutefois un peu de cette analyse dans l'avant propos de Denis Salas.

 

Cela est sans doute difficile à analyser concrètement parce que, comme le souligne l'auteur, si les commentateurs sont en contact fréquents avec les avocats, parfois les procureurs, le juge se tient toujours à distance, évite la proximité, et craint la médiatisation qui pollue tout. Ce qui fait que pour l'observateur extérieur à l'institution judiciaire il est difficile d'analyser ce qu'il en est vraiment de cette "part du juge" dans l'esprit et le raisonnement des magistrats.

 

Au demeurant, cette part du juge doit, aujourd'hui plus qu'avant, être abordée au regard de la motivation des décisions judiciaires. Cette motivation est depuis longtemps très présente dans tous les domaines civils. Au pénal, les exigences quant à la motivation de la culpabilité, de même que du choix de la peine, sont de plus en plus élevées. La seule limite encore existante est l'absence de motivation des peines à la cour d'assises (lire ici).

 

Dans toute procédure judiciaire, c'est au final surtout dans la motivation de la décision que doit être recherchée l'éventuelle "part du juge". Ce qui explique que, souvent, ceux qui critiquent une décision de justice en mettant en avant la subjectivité du juge se gardent bien d'en mentionner ou lire les motifs précis.

 

En plus, et cela n'est pas mentionné dans le livre, la "part" de chaque juge est confrontée à celle des autres magistrats composant les juridictions collégiales. Puis des juridictions supérieures. Ce qui, de fait, écarte ou au moins pondère largement les éventuel excès personnels.

 

Enfin à supposer que l'on envisage de façon critique cette "part du juge", en ce sens que la subjectivité des magistrats aurait une trop grande place, il resterait à proposer un système alternatif. Qui conserve à la justice son indispensable part de modération et d'humanité.

 

Mais lequel ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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J
Je suis avec intérêt votre blog. Je ne suis pas un juriste, juste un syndicaliste que tente de porter aide à des travailleurs en difficultés avec leur employeur. Le temps passant j'ai beaucoup appris sur les demandeurs et sur le difficile métier de juge. Je comprend un peu le métier, peux commun, d'avoir à décider de la sanction à définir sans faire trop d'erreurs. Je vous exprime ici mon profond respect et ma certitude d'une justice humaine et faillible que vous avez la charge d'exercer.<br /> Cordialement.<br /> JLP
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