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Guide de la protection judiciaire de l'enfant

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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  Comme cela a été indiqué très récemment à propos du livre de Serge Portelli et Clélia Richard intitulé "Désirs de familles, homosexualité et homoparentalité" (cf. ici), le débat actuel autour du mariage entre personnes de même sexe, et surtout de l'homoparentalité, est un débat d'une grande importance qui nous emporte bien au-delà de la seule question de la capacité des personnes homosexuelles à fonder une famille et à élever seules ou ensemble des enfants.

  Les enfants sont élevés par des adultes, et il y a, schématiquement, deux façon d'observer les interactions entre eux. Soit on prend en compte les caractéristiques des adultes et on se demande s'ils sont a priori compétents pour élever correctement les enfants. Soit, à l'inverse, on s'interroge sur ce dont ont besoin les enfants pour s'épanouir et on regarde si les adultes qui les entourent sont capables de leur apporter.

  Ce dont les enfants ont besoin, c'est d'abord et avant tout de sécurité, d'affection, et de soutien. Or, manifestement, la présence ou l'absence de ces ingrédients ne dépendent ni du sexe, ni de l'âge, ni de la religion, ni des opinions politiques ou philosophiques des adultes qui les entourent. Ils ne dépendent pas plus du statut juridique liant les enfants aux adultes qui les élèvent.  Ils ne dépendent que d'une chose : ce que ces adultes, quels qu'ils soient, ont dans leur tête et dans leur coeur et sont prêts à leur donner.

  Ou pour le dire autrement, parce que cette notion renferme tout le reste, ce qui fait grandir les enfants, ce qui les aide à devenir forts, c'est cette potion magique qu'ils doivent récupérer à tout instant dans chacun de nos gestes, chacun de nos mots, chacun de nos regards : une encourageante tendresse. Cela des adultes sont capables de leur donner, d'autre non. Mais cette capacité, elle aussi, ne dépendra jamais ni du sexe des adultes, ni de la configuration de leur couple, ni des termes de la loi.

  Etre parent, concrètement, ce n'est pas être le géniteur biologique de l'enfant. Etre parent ce n'est pas plus avoir son nom sur le livret de famille au dessus de celui de l'enfant. Etre parent, c'est fondamentalement être capable d'accueillir, d'encourager, d'accompagner, et d'aimer.

  Comme l'ont très bien écrit les deux auteurs du livre précité, dans une phrase qui résume un peu tout ce qui précède : "nous sommes tous des parents adoptifs". En effet, le lien biologique, pas plus que le lien juridique, n'apporte de garantie de bien être à l'enfant accueilli par les adultes qui vont l'élever. Seul le lien affectif, s'il est profond et de qualité, va apporter à l'enfant ce dont il a vraiment besoin.

  Certains adultes hétérosexuels sont d'excellents parents, d'autres sont d'épouvantables parents. Ce n'est pas auprès de couples homosexuels que des dizaines de milliers d'enfants sont chaque année en France agressés physiquement ou sexuellement. Ce ne sont pas dans les couples homosexuels qu'une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Ce ne sont pas principalement les homosexuels qui, au moment ou après leur séparation, manipulent leurs enfants au mépris de leur équilibre et de leur santé pour continuer avec l'ancien conjoint une guerilla sans fin. Ce ne sont pas les enfants qui grandissent auprès de parents homosexuels que les juges des enfants, par milliers, trouvent en danger au sein de leur famille à cause des graves carences des adultes qui les entourent. L'hétérosexualité des parents est tout sauf une garantie de bien être pour les enfants. C'est peu dire quand on connaît la réalité des familles.

  Il en va exactement de même des adultes homosexuels. A côté de ceux qui apportent aux enfants tout ce dont ils ont besoin, d'autres sont et seront de mauvais parents. Dans le domaine de la parentalité, les parents homosexuels ne seront tout simplement jamais ni meilleurs ni pires que les parents hétérosexuels.



  D'autres indications sur le "parent" dont les enfants ont besoin nous sont régulièrement apportées... par les enfants eux-mêmes.

  On ne compte plus ces enfants devenus adultes, qui ont été adoptés ou dont l'un des parents est décédé ou est parti et qui ont grandi auprès du conjoint de leur autre parent, qui ont appelé les adultes qui se sont occupés d'eux "papa" et "maman" quand bien même l'un de ces adultes (ou les deux) n'a pas été leur géniteur, et qui expliquent aussi clairement que simplement que pour eux leur "père" et/ou leur "mère" restera toujours l'homme (ou la femme) qui les a élevés et qui leur a donné son affection. Cela quelle que soit la réalité biologique.


  On connaît aussi la situation de ces enfants abandonnés très tôt par un parent, qui ont grandi auprès d'un "père" ou d'une "mère" de substitution, qui cherchent leur géniteur une fois devenus adultes, qui le rencontrent, qui sont souvent déçus et fréquemment ne recherchent pas de suite après avoir mis un visage sur un nom, et qui expliquent à leur tour que malgré cette rencontre leur "père" et/ou leur "mère", de fait, restent les adultes qui les ont élevés.

  Dans ces situations, les enfants nous disent, parce qu'ils l'ont vécu, que pour eux le lien affectif est bien plus important que le lien biologique.


  Cela nous montre à quel point il est réducteur de ne concevoir le "père" et la "mère" que du point de vue de la biologie. Au demeurant, si le lien biologique avait une telle importance, il faudrait rapidement interdire l'accouchement sous x, l'adoption, et la procréation médicalement assistée.

  Rappelons également, parce que ce sont quelques une des données actuelles du débat :

  - Que l'adoption est permise par des personnes célibataires homosexuelles, et qu'il ne viendrait (probablement) à l'idée de personne de retirer l'enfant si un jour l'adoptant en vient à se mettre en ménage avec une personne de même sexe,

  - Qu'il arrive parfois (un exemple a encore été vu récemment) que dans un couple hétérosexuel l'un des deux quitte l'autre pour aller vivre avec une personne de même sexe, et que dans un tel cas il ne viendrait (probablement) à l'idée de personne de lui interdire de recevoir chez lui ou même d'élever en permanence l'enfant qui a jusque là grandi auprès de lui et dont il reste le parent,

  - Que de nombreux parents (principalement des femmes) élèvent seuls leur enfant, après une rupture ou un décès, ou par choix, et qu'il ne viendrait (probablement) à l'idée de personne de retirer l'enfant au motif qu'il n'y a pas/plus de représentant de l'autre sexe auprès d'elle ou de lui,

  - Que s'agissant du droit des enfants de connaître leur origine biologique, souvent mis en avant dans le débat sur l'homoparentalité, ce droit leur est actuellement refusé en cas d'accouchement sous x, d'adoption, de procréation médicalement assistée, et quand la mère, après une rencontre sans suite avec un homme, décide de ne pas révéler à celui-ci sa paternité et de ne pas dire à l'enfant qui est son père (cf. ici),


  - Que les enfants, qu'ils grandissent auprès de deux hommes ou de deux femmes, sont en permanence en contact avec des adultes de l'autre sexe qui sont pour eux autant de références régulières ou ponctuelles : membres des deux familles élargies (en permanence), voisins, enseignants (4 à 6 heures par jour et 4 à 5 jour par semaine), parents des copains et copines (souvent), encadrants des clubs sportifs (régulièrement), accompagnateurs de colonies de vacances, et bien d'autres encore.

   Les parents d'aujourd'hui, dès que les enfants sont en âge d'aller à l'école et de participer à diverses activités, ne sont plus que des éducateurs à temps partiel. D'une certaine façon, nous sommes une collectivité d'adultes qui élevons collectivement des enfants, les nôtres d'abord, et un peu ceux des autres.

  C'est pourquoi prétendre que parce qu'ils grandissent auprès de deux femmes ou de deux hommes les enfants concernés n'auront pas de vision claire de l'autre sexe n'est qu'une vue de l'esprit, tant la réalité quotidienne est autre. Tous rencontrent bien plus d'adultes et de couples hétérosexuels que homosexuels.

  - Que quand chaque matin nous confions pour toute la journée nos jeunes enfants à un(e) instituteur(trice) de maternelle ou de primaire, il ne vient à l'idée d'aucun d'entre nous de lui demander son orientation sexuelle, tout simplement parce que aucun d'entre nous, instinctivement, ne fait de lien entre la sexualité d'un adulte et ses compétences psychologiques et éducatives,

  - Que, semble-t-il et sauf démonstration du contraire, la plupart des adultes homosexuels sont nés et ont été élevés par des parents hétérosexuels (d'où au demeurant de fréquents phénomènes de rejet lorsqu'ils font connaître leur orientation sexuelle ; cf. par ex. ici). Cela rend plus que difficile de faire un lien entre la sexualité des parents et la sexualité à venir de leur enfant. Ce qui, et à l'inverse, ne permet pas d'affirmer qu'il existerait chez les enfants d'homosexuels une probabilité élevée de devenir à leur tour des adultes homosexuels.


  - Que si deux femmes ou deux hommes, chacun individuellement et séparément, sont considérés parfaitement aptes à élever un enfant, il est malaisé de comprendre pourquoi cette aptitude serait réduite voire disparaîtrait une fois réunis en un couple de personnes de même sexe.

 


    Tout cela nous incite à penser que quand bien même des questions sérieuses et délicates se posent, notamment en ce qui concerne la gestation pour autrui, le débat autour de la parentalité homosexuelle est d'une certaine façon un débat secondaire, et n'est que l'arbre qui cache la forêt.

  En effet, puisque une grande partie des critiques émises n'a aucun fondement sérieux (oublions rapidement les références aux "études", que jamais personne ne produit...), il faut chercher ailleurs les sources de la méfiance, du rejet et, trop souvent, de la haine envers les homosexuels.


  Et demandons nous, si certains enfants qui sont élevés par des personnes de même sexe éducativement et affectivement parfaitement aptes sont quand même parfois perturbés, si ce n'est pas d'abord et principalement à cause des regards péjoratifs ou méprisants, des questions incessantes, des sous-entendus malveillants, en provenance de tous ceux que la différence inquiète ou insupporte ?

  Trop souvent, ce n'est pas être différent qui génère un mal de vivre. C'est être regardé comme différent. Rien n'interdit alors de penser que si les familles homoparentales étaient assimilées aux autres, la banalisation des regards mettrait fin à bien des perturbations.

  Plus largement encore, c'est l'attitude de chacun d'entre nous envers l'autre, envers la différence, qui est interrogée. Le débat autour de l'homosexualité et de l'homoparentalité n'est qu'une illustration de cette tendance permanente à écarter et rejeter ce qui dérange sans même essayer de comprendre de quoi l'autre différent est fait.


  Le débat difficile autour de l'homoparentalité nous oblige à nous poser des questions indispensables que nous laissons souvent de côté parce qu'elles nous percutent de plein fouet.

  Il n'est pas forcément simple de se demander ce qu'est un "bon parent" juste avant de se regarder dans le miroir. Ni de nous interroger sur notre capacité à la tolérance et à la compréhension.

  Mais ne laissons pas passer l'occasion qui nous est offerte de repenser la parentalité, et tout ce qui en découle, non pas à partir des spécificités des adutes, mais des besoins et des attentes des plus jeunes.

  Faisons le au moins pour nos enfants. Pour tous les enfants.





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T
Je lis : "Ce dont les enfants ont besoin, c'est d'abord et avant tout de sécurité, d'affection, et de soutien. Or, manifestement, la présence ou l'absence de ces ingrédients ne dépendent ni du<br /> sexe, ni de l'âge, ni de la religion, ni des opinions politiques ou philosophiques des adultes qui les entourent." Cette affirmation me semble très étrange. Je ne vois pas, par exemple, pourquoi<br /> les opinions philosophiques d'une personne ne pourrait pas avoir d'influence sur la manière dont elle s'occupe de ses enfants. Il me semble qu'il existe de nombreux exemple du contraire, que chaque<br /> parent va éduquer ses enfants selon ses convictions, et que donc ces convictions philosophiques vont avoir une incidence majeure sur l'éducation des enfants. Quant à l'âge, je vois mal sur quoi on<br /> se baserait pour dire que ça n'a pas d'influence. A un âge trop avancé, comment est-il imaginable que l'âge n'ai aucune conséquence sur l'éducation des enfants ?
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P
<br /> <br /> Je crains que la phrase de l'article ait été mal comprise (ou est insuffisamment claire). Ce qui y est écrit, c'est à propos de "la sécurité, de l'affection et du soutien" dont les<br /> enfants ton besoin. Et la capacité d'un adulte à créer pour un enfant un environnement sécurisant, de même que la capacité à soutenir cet enfant dans les différentes étapes de son évolution, ne<br /> dépendent pas principalement des opinions philosophiques ou de l'âge de cet adulte. <br /> Pour le dire autrement en prenant l'exemple de la religion, et quand bien même vous avez raison de souligner que les convictions religieuses des adultes vont inéluctablement influencer les<br /> enfants (les parents d'une religion ont très rarement des enfants qui choisissent une autre religion..), il n'y a pas que des "bons parents" dans une religion et que des "mauvais parents" dans<br /> une autre religion.<br /> <br /> <br /> <br />
O
<br /> Réflexions profondes argumentées  et parfaitement exprimées. Je me permettrai d'ajouter  quelques points :<br /> <br /> <br /> - la question n'est pas de savoir si les parents biologiques sont ou ont été de bons parents. Ils existent ou ont existé par "construction"  et l'enfant doit pouvoir chaque fois que c'est<br /> matériellement possible  les identifier s'il le souhaite.<br /> <br /> <br /> - l'adoption devrait à mon sens rester monoparentale et "simple" avec délégations possibles au conjoint ou compagnon, pour ne pas compliquer à l'infini les situations générées par les évolutions<br /> des couples au fil du temps.<br /> <br /> <br /> - les enfants devraient pouvoir demander à un juge l'annulation d'une adoption comme les adultes peuvent demander de casser un mariage ou un pacs.<br /> <br /> <br /> - il en résulte que l'adoption plénière, défintive, qui construit un nouvel etat-civil et efface les origines est un monstre qui devrait être retiré du Droit.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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L
<br /> Bien dit et à faire diffuser auprès du public! En tant qu'éducatrice spécialisée, ce sont effectivement rarement (je n'en ai jamais eu encore) des enfants de couples homosexuels que l'on reçoit<br /> au titre de l'article 375. Peut-être n'avons nous pas assez de recul sur les enfants de couples homosexuels mais il est certain que leur désir d'enfant est un parcours de combattant et qu'au<br /> moins être parents pour eux ce n'est pas arrivé par accident mais bien choisit avec beaucoup de questionnements préalables. <br />
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D
<br /> ///Au demeurant, si le lien biologique avait une telle importance, il faudrait rapidement interdire<br /> l'accouchement sous x, l'adoption, et la procréation médicalement assistée.///<br /> <br /> <br /> Il conviendrait aussi d'interdire en général aux parents biologiques de mourir avant d'avoir élevé le petit<br /> dernier et en particulier aux mères de mourir pendant l'accouchement ou des suites de l'accouchement.<br /> <br /> <br /> Dieu que les raisonnements de juristes sont difficiles à suivre pour un médecin...<br />
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