Peut-on être en même temps coupable et innocent (à propos de l'affaire Julien Dray)
Plus d'un juriste à dû sursauter en lisant/entendant dans les medias deux informations contradictoires.
Il a d'abord été indiqué que le procureur de la République de Paris avait décidé de ne pas renvoyer Julien Dray en correctionnelle, et, c'est cela qui est important, de se contenter d'un "rappel à la loi".
Puis il a été dit peu de temps après, notamment par les proches de Julien Dray, qui était mis en cause pour des malversations financières, qu'il sortait "blanchi" de la procédure judiciaire et pouvait dès lors reprendre une place, prépondérante, au sein du parti socialiste.
Oui mais voilà, "rappel à la loi" et "blanchi", ça ne colle pas !
Si l'information qui nous est transmise est exacte et que c'est bien de cela qu'il s'agit, le "rappel à la loi" est inscrit dans l'article 41-1 du code de procédure pénale.
Ce texte prévoit que :
"S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République :
1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;
2° (...).
...
La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action publique.
En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites."
Pour qu'il y ait un dommage à réparer, qu'un trouble résultant d'une infraction ait cessé, qu'un individu soit "reclassé, cela suppose par définition l'existence.. d'une infraction.... et d'un coupable.
Autrement dit, le procureur de la République ne fait pas convoquer pour un "rappel à la loi" une personne qui ne l'a jamais violée cette loi.
Dès lors, si cette procédure est appliquée à Julien Dray, cela signifie que le Parquet de Paris l'a estimé coupable d'au moins une des infractions envisagées en cours de procédure. Le procureur a seulement estimé que la nature de cette infraction ainsi que les circonstances dans lesquelles elle a été commise n'imposent ni une comparution de Juien Dray devant le tribunal correctionnel ni le prononcé d'une sanction lourde.
Il n'empêche que proclamer que Monsieur Dray sort "blanchi" est un peu... hâtif.
Sans doute pense-t-on que le français moyen ignorant des subtilités juridiques ne se rendra pas compte de ce - petit - subterfuge qui, en soi, n'est pas une nouvelle infraction pénale.
Reste la morale. Mais en politique....