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Publié par Parolesdejuges

 

Depuis quelques années les media attirent notre attention sur la situation délicate, c'est peu dire, de ceux qui sont habituellement appelés les "lanceurs d'alerte".

Le lanceur d'alerte est défini comme "une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l’intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d’y mettre fin." (cf. ici), ou plus largement comme "une personne ou un groupe qui estime avoir découvert des éléments qu'il considère comme menaçants pour l'homme, la société, l'économie ou l'environnement et qui, de manière désintéressée, décide de les porter à la connaissance d'instances officielles, d'associations ou de médias, parfois contre l'avis de sa hiérarchie." (cf. ici)

Certains font l'objet de poursuites et de sanctions, parfois lourdes, dans le seul but de les intimider et de les faire taire.

 

C'est très récemment la chambre sociale de la cour de cassation française qui a eu l'occasion d'aborder cette problématique, sous l'angle du droit du travail.

Les faits sont les suivants : Un homme est été engagé en 2009 en qualité de directeur administratif et financier par l’association guadeloupéenne de gestion et de réalisation des examens de santé et de promotion de la santé. Après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association, il a été licencié pour faute lourde. Il a saisi la juridiction prud’homale en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes à titre d’indemnités et de rappels de salaire.

La cour d'appel a dit sans cause le licenciement et a en conséquence condamné l'employeur à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, de rappel de salaire pendant la période de mise à pied, d’indemnité de préavis, d’indemnité au titre du droit individuel à la formation, et a rejeté ses demandes en paiement de dommagesཔintérêts pour atteinte à l’honneur et dénonciation calomnieuse, violation du secret professionnel et de la correspondance.

C'est ensuite la cour de cassation qui a été saisie par l'employeur.

Dans un arrêt du  30 juin 2016 (texte intégral ici), elle répond à son argumentaire par, d'abord, l'énoncé d'un principe fondamental :

"(..) le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute."

Puis elle décline ce principe au cas d'espèce :

"(..) ayant constaté d’abord, que le salarié avait informé le procureur de la République de ce que le directeur du centre avait tenté de se faire payer des salaires pour un travail qui n’avait pas été accompli et obtenu du président de l’association la signature d’un contrat de travail alors qu’il était dans le même temps administrateur de l’association, de tels faits étant susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics, et ensuite, que sa bonne foi ne pouvait être mise en doute , la cour d’appel (..) en a exactement déduit que le salarié n’avait commis aucune faute en révélant les faits aux autorités judiciaires."

La cour de cassation apporte une autre précision très importante concernant les conséquences juridiques de ce premier constat : le licenciement n'est pas seulement injustifié, il est atteint de nullité. Elle ajoute en ce sens :

"Vu l’article 10 § 1 de la de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ;

Attendu que pour dire qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le licenciement et débouter le salarié de sa demande de réintégration, l’arrêt retient que la nullité ne peut être prononcée en l’absence de texte la prévoyant (..) ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le licenciement était motivé par le fait que le salarié, dont la bonne foi ne pouvait être mise en doute, avait dénoncé au procureur de la République des faits pouvant être qualifiés de délictueux commis au sein de l’association, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé."

 

La différence entre un licenciement injustifié et un licenciement nul est que le second est supposé n'avoir jamais existé, ce qui permet au salarié de réclamer non seulement d'importantes indemnités mais aussi sa réintégration.

 

Comme elle le fait quand elle rend ses décisions les plus importantes, la cour de cassation a accompagné la publication de son arrêt par la diffusion d'une notice.

Elle y écrit notamment (cf. ici):

"Depuis quelques années, le législateur est intervenu pour protéger, contre des mesures de représailles, les salariés qui dénoncent des faits répréhensibles dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions. Dernièrement, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a, ainsi, inséré dans le code du travail l’article L. 1132-3-3 qui dispose notamment qu’aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour “avoir relaté ou témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”, une telle mesure étant sanctionnée par la nullité du licenciement, en application de l’article L. 1132-4 du même code. (..)

(La) décision (rendue  dans le prolongement de la jurisprudence de la chambre qui admet la nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion portant atteinte à une liberté fondamentale du salarié) est de nature à protéger les lanceurs d’alerte, dans la mesure où, par ailleurs, la chambre sociale instaure cette immunité non seulement lorsque les faits illicites sont portés à la connaissance du procureur de la République mais également, de façon plus générale, dès lors qu’ils sont dénoncés à des tiers."

 

C'est donc une décision importante que vient de rendre la chambre sociale de la cour de cassation.

 

 

 

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Le Conseil de l’Europe en 2014 définit le lanceur d’alerte tel que « toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou le secteur privé ».
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