Ahlam (Bibliographie)
Sur le terrorisme, sa genèse, son histoire, son fonctionnement, ses réseaux, ses acteurs, il y a d'un côté les analyses théoriques, utiles mais qui manquent parfois d'une connaissance suffisante de la véritable réalité de terrain, et de l'autre les récits de ceux qui croisent ses méandres. C'est le cas, notamment, des magistrats chargés des dossiers dans ce domaine.
Marc Trévidic a été l'un d'eux. Alors qu'il était encore juge d'instruction au pôle antiterroriste national, il a publié en 2013 un livre intitulé "Terroristes, les 7 piliers de la déraison" (cf. ici). Il avait aussi publié en 2011 un ouvrage intitulé "Au coeur de l'antiterrorisme". (cf. ici)
Cette fois-ci Marc Trévidic a choisi une autre façon de nous parler du terrorisme : le roman.
La trame est l'histoire de Paul, un peintre français reconnu qui décide de s'installer à Kerkennah, une île au large de Sfax, en Tunisie. Il se lie d'amitié avec Farhat, sa femme Nora (qui décèdera rapidement en France), et leurs deux enfants. Leur fils aîné Issam, et leur fille Ahlam.
Paul propose aux deux enfants de venir régulièrement chez lui pour leur faire partager sa passion pour la peinture et la musique. Issam remplira des toiles, Ahlam deviendra une virtuose du piano. Ils iront même jusqu'à lier leurs arts, la peinture se faisant écho de la musique.
Mais alors que les années passent la Tunisie évolue. Les premiers soubresauts d'une révolte populaire se font entendre. Et en même temps les mouvements islamistes cherchent à étendre leur mainmise sur l'Etat et les populations.
L'une des consquences sera un déchirement au sein de la famille de Fahrat. A travers des étapes décrites par Marc Trévidic, Issam, comme certains de ses amis, sera progressivement happé par l'islamisme. De l'endoctrinement aux comportement absurdes. Alors que Ahlam sera une actrice impliquée parmi ceux qui revendiquent de nouvelles libertés.
Ce que l'on retient principalement du livre rejoint ce qui avait déjà été mis en avant dans le précédent. Et qui est un constat permanent : l'absurdité du tout. La vacuité du discours, mécanique et sans fondement, précède et conduit inéluctablement au non sens des actes. L'objectif est de faire disparaître toute forme de réflexion, d'interdire la contradiction, pour transformer peu à peu ceux qui se laissent prendre dans les filets de l'obscurantisme en pantins mécaniques.
Le livre de Marc Trévidic, très agréable à lire, souvent émouvant, montre très bien à travers ses personnages cet enchaînement irrationnel.
Peut-il y avoir plus grand écart qu'entre des attentats inutiles et injustifiables, préparés et effectués par des personnes intellectuellement et psychologiquement emprisonnées, et la totale liberté de la création artistique ?
Le livre est l'occasion, en observant les trajectoires des protagonistes de l'histoire, de nous poser des questions essentielles.