Quelques informations à propos des viols et du milieu social des auteurs
Par Michel Huyette
Il a été fait état dans un précédent article (lire ici), d'un livre très récemment publié et intitulé "Le viol, aspects sociologiques d'un crime" (cf. ici).
Interrogée par Mediapart, l'auteure donne quelques indications synthétiques particulièrement intéressantes, et qui rejoignent tout à fait ce que constatent les praticiens de la cour d'assises. En voici le résumé.
- Les enquêtes de victimisation, qui consistent à demander à un échantillon de personnes ce qu'elles ont vécu et subi, montrent que les auteurs de viols se retrouvent dans toutes les couches sociales de la société française. Pourtant l'étude des dossiers soumis aux cours d'assises montre que les accusés poursuivis pour viol sont très majoritairement (environ 90 %) issus des milieux populaires. Cela signifie que les auteurs de viol qui appartiennent aux couches les plus aisées échappent aux poursuites judiciaires.
- Sur un échantillon de près de 500 accusés, il a été relevé que 90 % ont un père lui même issu d'une classe populaire, et que ces accusés sont ouvrier ou employé pour 45 % d'entre eux, chômeur ou en situation de précarité pour 45 %, les cadres étant seulement 7 % de ces accusés.
- Cette sous représentation des milieux aisés peut s'expliquer de plusieurs façons : victimes des milieux aisés allant moins porter plainte à cause d'un sentiment de honte plus fort et d'un statut social à préserver, auteurs plus souvent soutenus par leur entourage, plus grande aptitude des auteurs à mettre en place une série de filtres (argent, position, pouvoir d'action, culture juridique..), capacité plus élevée de ces hommes à résister à une investigation policière, budget plus important pour la défense (avocats).
- En parallèle, la sur représentation des milieux populaires s'explique en partie par une forte présence à leur côté des services médicaux et sociaux. D'où un contrôle plus important des comportements, notamment ceux des adultes déjà suivis du fait de difficultés personnelles (médicales, psychologiques..) ou d'une situation économique précaire. Apparaissent également des signalements de viol plus rapides, ainsi qu'une plus faible capacité des mis en cause à se défendre.
- Au-delà, une immense majorité des agressions sexuelles ne font l'objet d'aucune plainte, dans une proportion d'environ 90 à 95 %. Ce sont donc seulement 5 à 10 % des victimes déclarées (dans les enquêtes de victimisation) qui oseraient aller dénoncer les faits subis. L'une des raisons en est que la très grande majorité des viols sont commis par des proches de la victime, d'où une démarche de dénonciation difficile, les viols entre inconnus étant de fait très peu nombreux.
En plus les victimes savent à quel point le processus judiciaire va être un parcours du combattant, et combien il est difficile de prouver qu'une agression sexuelle a bien eu lieu, surtout quand la plainte est déposée plusieurs années après les faits (ce qui est régulièrement le cas quand la victime est mineure et est agressée par un membre de son entourage familial).
- L'auteure rappelle enfin que des femmes sont violées par leur mari, souvent dans un contexte de violences physiques non sexuelles, et qu'il leur est encore plus difficile de porter plainte et de démontrer qu'il y a eu relation sexuelle non consentie.