Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (2)
Par Simone Gaboriau
Pourquoi cet appel ?
L’appel a été lancé, dès le 6 février dernier, alors que les premières auditions de magistrats s'annonçaient, en raison de l'inquiétude de nombreux magistrats sur le devenir des travaux de votre commission. En effet, nous craignions l’absence de prise en compte de la réalité judiciaire, le risque de déformation de cette réalité sous l’impact d’une affaire hors norme et la naissance corrélative d’une crise de confiance irréversible entre la Justice et les citoyens.
Votre commission allait-elle pouvoir apprécier le fonctionnement d'une institution à travers une affaire tragique et particulièrement complexe?
On n'apprécie jamais valablement le fonctionnement d'une institution, dans un cas de crise comme l’affaire dite d’Outreau, sans avoir une vision préalable de son fonctionnement au quotidien.
En effet, si l'on veut trouver une grille de lecture du dysfonctionnement de la justice dans cette affaire, il faut arriver à déterminer ce qui est de l'ordre des défaillances structurelles (insuffisances législatives, manque de moyens, inadaptation procédurale, autres...) et ce qui est de l'ordre des faiblesses conjoncturelles, provoquées, notamment, par le caractère extraordinaire et inhabituel d'une affaire d’une telle complexité évoluant dans le contexte d’une société traumatisée par la « pédophilie ».
Notre volonté était d'être entendus par vous pour faire pénétrer dans votre champ d’investigation la réalité judiciaire, dans toute son ampleur et sa diversité au delà de la singularité d’une affaire paroxystique.
Notre démarche était, et reste, complémentaire des positionnements et interventions des organisations syndicales. A côté des analyses, propositions et revendications de celles-ci, totalement irremplaçables, nous vous proposons des témoignages nourris par une expérience diversifiée de magistrats occupant, et /ou ayant occupé, une pluralité de fonctions. Nous ne sommes pas porteurs d’un programme de réformes, mais nous sommes légitimes à faire des constats, poser des interrogations, définir des problématiques, dégager des pistes de réflexion. Nous pouvons tenter, ainsi, de contribuer à la grammaire de l’analyse de la situation en cause et au développement du débat sur les perspectives de changement.
Représentatifs de l'ensemble de la magistrature, par le nombre de signataires, mais rassemblant, largement, des magistrats de tous horizons nous ne prétendons pas développer un discours uni et homogène sur tous les points qui seront évoqués. Par leur richesse et leur diversité les interventions illustreront un secteur particulier de la justice ; chacune pourra présenter des propositions personnelles encore discutées au sein de l'institution ou plus largement partagées.
C’est dans cet esprit que nous nous adressons à vous, aujourd’hui, en nous appuyant sur des communications écrites qui vous ont été préalablement transmises.
Nous gardons en mémoire l’émoi de toute la magistrature légitimement alarmée par les conditions de l’audition de notre collègue Fabrice BURGAUD et l’exploitation médiatique de sa comparution. Dans nos interventions d’aujourd’hui, nous n’insisterons pas sur celles-ci car nous avons, en son temps, pris position publiquement et solennellement. Cependant, la marque de cet émoi est indélébile et nous vous demandons de vous en souvenir au moment de la rédaction de votre rapport. Relayant, sur ce point également, les attentes de nos collègues, nous attirons votre attention sur le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs qui devra vous guider tout au long de l’achèvement de vos travaux.
Ainsi, la satisfaction que vous avez donnée à notre demande va me permettre de prendre la parole en premier pour définir le cadre des préoccupations dont nous sommes porteurs qui seront déclinées, pour l’essentiel, par les interventions de mes collègues, chacun d’entre nous s’efforçant d’être relativement bref pour permettre un dialogue interactif avec vous.
Si au cours de ces interventions, les passions peuvent jaillir, sachez qu’elles seront, uniquement, le reflet de la passion de justice qui nous anime.
Ce sont des juges, des magistrats du parquet qui s’adressent à vous et vous demandent de partager, l’espace de quelques instants, leur cheminement professionnel au quotidien et le contexte de leur labeur judiciaire.
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