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Publié par Michel Huyette

Par Michel Huyette

 


Il y a quelques jours, des syndicats de policiers se sont élevés avec colère contre les allégations concernant la qualité parfois insuffisante des procédures pénales qu'ils envoient à l'institution judiciaire.

 

Certains des communiqués publiés pourront être conservés précieusement comme un modèle de corporatisme, mais là n'est pas l'essentiel, étant relevé que d'autres corps de métiers, dont fait partie la magistrature, ne sont pas forcément très bien placés pour donner des leçons en ce domaine.


Mais au-delà des réactions épidermiques qui n'ont comme but inavoué que de faire obstacle à un examen de la réalité concrète, il faut bien admettre que trop souvent les juges doivent statuer à partir de dossiers dont le contenu est très insatisfaisant.


Plutôt que d'affirmer "si c'est vrai", ce à quoi en face on répondra "non ce n'est pas vrai", ce qui n'est pas de nature à faire véritablement avancer le débat, examinons quelques exemples récents.


Exemple 1 :


Une femme se rend au commissariat déposer plainte, en racontant qu'elle vient d'être agressée dans la rue. Elle explique qu'elle a été frappée par un homme qu'elle peut reconnaître.

Celui qu'elle désigne comme son agresseur est alors identifié et interpellé. Mais s'il admet avoir été présent sur les lieux, il conteste fermement avoir frappé quiconque.

Jusque là c'est parole contre parole. Or, évidemment, il est exclu de condamner une personne sur les seules accusations d'une autre s'il n'y a aucun autre élément au dossier. Sinon tout le monde pourrait accuser tout le monde et les prisons seraien vite pleines.

Mais cette dame a aussi indiqué aux policiers qu'elle ne se promenait pas seule dans la rue, et qu'elle était accompagnée de son mari et de certains de ses enfants. Elle a aussi affirmé que des tiers se trouvaient sur place, qui ont vu la scène. Plusieurs personnes autre que la victime étaient donc en mesure de décrire à leur tour tout ou partie de l'incident s'il a véritablement existé.

Pourtant, dans ce dossier, les policiers se sont contentés d'entendre la victime et l'agresseur désigné. Le mari et les enfants de la première n'ont même pas été convoqués au commissariat, et aucune enquête n'a été faite pour retrouver les autres personnes présentes sur les lieux.

Le dossier arrive dans cet état sur le bureau du procureur de la République, qui l'envoie devant le tribunal correctionnel. Un recours ayant été exercé, la Cour d'appel relaxe le prévenu en relevant que l'accusation de la plaignante ne peut pas suffire, et en soulignant les carences du dossier.


Exemple 2 :


Une femme qui conduit son véhicule automobile sort d'un parking. Elle s'avance et se fait emboutir par un véhicule arrivant selon elle trop vite de sa droite. Elle se rend au commissariat et fournit au policiers la couleur, la marque et l'immatriculation du véhicule du conducteur qu'elle considère comme le responsable de l'accident.


Le jour même grâce au fichier des immatriculations les policiers identifient le propriétaire de cette voiture, et constatent que toutes les informations données par la plaignante sont cohérentes. De plus, ils ont à leur disposition l'adresse du propriétaire de ce véhicule qui habite à proximité du commissariat.


Il était donc très facile aux policiers de se rendre aussitôt au domicile de ce monsieur, de vérifier si sa voiture est abîmée, et de l'auditionner sur son emploi du temps du jour. Mais ils ne font rien, ne sortent pas du commissariat, ne cherchent pas à voir le véhicule, et ne convoquent son propriétaire pour audition que quatre mois plus tard. Bien sur il n'y a alors aucune trace sur la voiture. Et l'homme affirme qu'il n'est en rien impliqué dans l'accident de la plaignante.


Le dossier est transmis au procureur de la République avec seulement les deux auditions, et est dans le même état transmis au tribunal correctionnel qui relaxe cet homme qui, lui aussi, ne peut pas être condamné sur la seule affirmation de la victime.


Plus étonnant, le procureur de la République fait appel. Et devant la Cour, l'avocat général… plaide la relaxe, que bien sur la Cour confirme.


Exemple 3 :


A l'occasion d'une manifestation qui dégénère, les forces de l'ordre interpellent plusieurs des manifestants susceptibles d'avoir jeter des projectiles contre la façade de l'hôtel de police. Et ces personnes sont poursuivies devant le tribunal pour dégradation de cette façade.


Le tribunal constate que dans le dossier qui est audiencé par le procureur de la République il n'y a ni description des dégradations, ni photographies de la façade. Et il relaxe les prévenus. Saisie de recours, la Cour d'appel fait le même constate et confirme la relaxe.


La façon dont le dossier a été préparé par les services de police est d'autant plus étonnant que de nos jours, à l'occasion de manifestations susceptibles de dégénérer, les policiers prennent de nombreuses photographies qui sont très utiles pour identifier les auteurs d'infractions. Il leur était donc particulièrement facile de photographier le commissariat.


Exemple 4 :


Un homme va au commissariat de police pour dénoncer l'agression dont il affirme avoir été victime à l'intérieur d'une discothèque. Lors de son audition il donne les noms de nombreuses personnes se trouvant dans l'établissement, et de celui qu'il désigne comme son agresseur. Mais les policiers n'entendent que ce dernier, et personne d'autre. Ils ne convoquent aucune des personnes présentent au même moment dans la discothèque.

Le tribunal relaxe la personne désignée comme l'agresseur. le procureur de la République fait appel. Devant la Cour, l'avocat général soutient la relaxe, et la Cour relaxe après avoir rappelé une fois encore qu'une déclaration de culpabilité ne peut pas reposer uniquement sur les affirmations d'une victime.


La particularité de toutes ces procédures, c'est que dans chacune d'entre elles il était très facile aux policiers d'apporter d'autres éléments dans leur dossier, et que c'est par choix qu'ils ne l'ont pas fait.


Mais au-delà, le procureur de la République devait vérifier si chaque dossier était suffisamment étayé pour permettre son examen par la juridiction pénale, et dans la négative donner pour instruction aux policiers de le compléter plus sérieusement.


Nos concitoyens ne peuvent ni comprendre ni accepter que leur affaire finisse dans une impasse à cause de carences successives de la police et de la justice, d'autant plus quand il était d'évidence aisément possible de faire autrement et mieux.


Cela impose de remettre en question le processus d'élaboration des dossiers, de rechercher les failles, leur origine (manque d'attention, manque de temps, mauvaise organisation des services, traitement trop rapide des procédures, recherche du rendement avant tout...) et de modifier les pratiques des uns et des autres pour que le nombre de dysfonctionnements diminue au plus vite.


A côté d'un tel enjeu, les communiqués vindicatifs apparaissent bien dérisoires.


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