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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


Mise à jour du 28 mars 2009 : 

  Cet article a été mis en ligne une première fois le 3 juin 2008.

  Vous pouvez dorénavant lire le texte intégral de l'arrêt de la cour d'appel de Douai (format pdf) , daté du 17 novembre 2008, en cliquant ici.



 

Certaines décisions de justice ressemblent à des morceaux de viande jetés dans la cage aux lions. Chacun s'en empare avec vivacité et les déchiquette de telle façon qu'il n'en reste bientôt plus grande chose de reconnaissable. C'est un peu la mésaventure qui est survenue à une récente décision du tribunal de grande instance de Lille, à propos d'un mariage qui a été annulé parce qu'un mari aurait été surpris en découvrant la nuit de noces l'absence de virginité de son épouse. Rarement un jugement a entraîné autant de réactions parfois virulentes, y compris de la part de ceux qui ne l'ont pas lu...


Mais de quoi s'agit-il ?


Un homme français (ingénieur) et de confession musulmane se marie avec une femme française (étudiante) de la même religion. D'après les informations transmises par l'avocat de l'homme, la femme aurait juré à son futur époux avoir conservé sa virginité, et le mari aurait découvert au cours de la nuit de noce qu'il n'en était rien. Aussitôt une crise éclate, et le lendemain la jeune mariée retourne dans famille. Peu après le mari engage une procédure en annulation du mariage.


Deux séries de commentaires ont été entendus. D'un côté c'est « quelle horreur, nous voici de retour au moyen âge avec une répudiation avalisée par des juges », et de l'autre c'est « il s'agit d'une décision conforme au droit donc les critiques sont injustifiées ». En réalité c'est moins simple que cela, et quelques questions se posent qu'il faudrait pouvoir aborder avec un minimum de sérénité.


Alors essayons d'analyser un peu cette situation inhabituelle.


1. Il faut d'abord rappeler la différence entre la nullité d'un mariage et le divorce. Le divorce est prévu pour ceux qui se sont mariés en étant convaincus de prendre une décision opportune, mais qui au fil du temps voient s'effilocher l'attachement l'un envers l'autre. C'est la solution de difficultés nouvelles apparues après le mariage et le moyen de mettre fin à une vie de couple qui ne peut plus durer. A l'inverse, la nullité est prévue pour ceux qui, si certains faits pré-existant avaient été portés à leur connaissance avant leur projet d'union, n'auraient pas décidé de se marier. C'est la solution de difficultés nées avant le mariage.


2. La nullité du mariage est prévue par la loi française, à l'article 180 du code civil. Selon les termes du deuxième alinéa « S'il y a eu erreur dans la personne ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ». Laissons aujourd'hui de côté l'erreur sur la personne et retenons uniquement l'erreur sur les qualités essentielles, invoquées dans le procès de Lille. Le lecteur du texte réalise tout de suite que la notion de « qualités essentielles » est particulièrement floue, et laisse la place à une large appréciation du juge (comme c'est très souvent le cas, les lois étant remplies de mots ou d'expressions imprécises que le juge doit interpréter au cas par cas).


Mais la principale question qui se pose est la suivante : doit-on laisser chacun des époux décider seul ce qui pour lui relève des « qualités essentielles » de l'autre, avec sa propre subjectivité, en fonction de son éducation, de son milieu social, de sa profession, de ses croyances etc.., et cela sans contrôle du juge ? Cela pourrait être la porte ouverte à des annulations fondées sur tout et n'importe quoi, et l'on se rapprocherait dangereusement de la répudiation discrétionnaire. Au contraire, le juge doit-il dire quelles qualités sont réellement essentielles et lesquelles ne le sont pas, mais alors en fonction de quels critères ? Les siens, ceux du groupe social auquel il appartient, ceux des gouvernants, des associations féministes, ou d'autres encore ?


Le système juridique français penche plutôt vers la seconde option. En effet le mariage et la séparation ne sont pas des affaires exclusivement privées. Le récent débat sur la déjudiciarisation de certains divorces qui pourraient être confiés à des notaires l'a bien mis en lumière. L'un des arguments les plus fréquemment avancés pour que le juge continue à intervenir dans tous les divorces est la nécessité d'exercer un contrôle sur les décisions des adultes, même si en apparence ils semblent d'accord sur tout, au moins pour vérifier qu'il ne s'agit pas pour l'un d'entre eux d'un accord de façade dissimulant une contrainte sournoise de l'autre.


3. Qu'a décidé le tribunal de Lille ? Dans le jugement il est écrit (extraits) :

« Il (le mari) indique qu'alors qu'il avait contracté mariage avec Y (la femme) après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu'il n'en était rien la nuit des noces. Y lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l'annulation du mariage.

Attendu (..) qu'il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement. Attendu qu'en l'occurence Y en acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de X (le mari) au mariage projeté. Que dans ces conditions il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint ».


A partir de cette décision plusieurs questions se posent.


4. Le tribunal ne semble pas (en tous cas il ne l'écrit pas) avoir vérifié si l'acquiescement de la femme à la demande d'annulation du mari était réel, ou à l'inverse seulement apparent et en réalité contraint. Pourtant cela était très important puisque la réponse positive à la demande du mari est dans ce jugement exclusivement fondée sur l'approbation de la femme. Or on apprend par l'avocat du mari qu'à 4 heures du matin la nuit des noces celui-ci est aller crier sa colère devant les invités encore présents, et que le père de la mariée l'a aussitôt ramenée chez lui. Est-il envisageable que ce déchainement de violence, la crainte envers un homme plus âgé, la pression de la famille, ou la conviction qu'après ce qui venait de se passer aucune vie de couple n'était plus envisageable, ou d'autres raisons encore, aient pu conduire cette jeune femme à accepter de jouer hypocritement l'épouse consentante à la demande d'annulation ? Si l'on considère que le mariage n'est pas un contrat ordinaire que les époux peuvent faire annuler en mettant en avant un pseudo accord sur n'importe quelle « erreur » qualifiée tactiquement de « essentielle » (1) pour coller à la loi et ainsi contraindre le juge à accorder l'annulation du mariage, mais qu'au contraire le juge doit exercer un contrôle minimal, alors un acquiescement ne peut pas être une motivation suffisante. C'est là l'un des enjeux importants autour de cette décision qui, semblant exclure toute vérification du juge en cas d'accord des époux, peut laisser la porte ouverte aux pressions et aux stratagèmes les plus discutables.


5. Certains commentateurs ont avancé, pour écarter un débat plus que délicat sur la virginité, que le tribunal avait retenu l'existence d'un mensonge et que c'est ce mensonge qui à lui seul était à l'origine de l'annulation du mariage. Mais cela n'est pas tout à fait exact. D'abord parce que le tribunal a lui même écrit que c'est la virginité qui était la "qualité essentielle" aux yeux du mari. Ensuite et surtout parce que même si un homme met en avant que la qualité manquante chez la femme qu'il a épousée est la sincérité parce qu'elle lui a menti, il faudra tout de même vérifier que ce qui a été caché était d'une réelle importance. Ne pas le faire reviendrait à permettre par exemple l'annulation d'un mariage parce qu'une femme aura caché à un homme qui considère sa voiture comme son bien le plus précieux que dix ans auparavant elle a eu un accident ! Tout mensonge ne pouvant être retenu comme motif d'annulation, il faudra donc à un moment ou un autre apprécier l'importance de l'élément caché. Il n'est donc pas possible d'éviter le débat sur la virginité en se rabattant sur le seul mensonge, et il faut bien poser la question cette fois polémique : peut-on considérer en France en 2008 que la virginité d'une femme puisse être pour son mari une « qualité essentielle », une qualité qui du fait de son importance ne doit pas être cachée et rend si tel est le cas le mensonge insupportable ? Le tribunal de Lille n'a pas du tout abordé cette question qui reste à débattre. Plusieurs niveaux de réponse semblent envisageables.


6. Le juge peut considérer que quand deux conjoints sont d'accord pour conclure que les conditions légales de l'annulation de leur mariage sont remplies, son contrôle est quasiment inexistant et en tous cas qu'il n'a pas à faire valoir une quelconque appréciation morale subjective, quoi qu'il pense de la situation. C'est le choix du tribunal de Lille.


Le juge peut aussi considérer qu'il doit au moins vérifier la réalité et la sincérité de l'approbation du conjoint critiqué en ce qui concerne la qualité essentielle et l'erreur, afin d'écarter autant que possible pressions et manipulations. Ce serait là le pendant de ce qui existe en matière de divorce par consentement mutuel, le juge devant au minimum vérifier que le consentement est « libre et éclairé » et que les « intérêts des époux » sont suffisamment préservés (art. 232 du code civil). Mais une fois l'approbation vérifiée comme libre et sincère, la décision finale resterait une affaire privée sur laquelle le juge n'exerce pas son contrôle. Dans ces deux premières hypothèses chaque décision rendue est un cas d'espèce et ne peut servir de référence à d'autres cas.


Le juge peut choisir d'exercer un contrôle de moyenne importance en recherchant si le motif avancé ne heurte aucun principe d'ordre public. Pour prendre une exemple caricatural, si un homme vient plaider que contrairement à ce qu'il croyait son épouse qui lui a menti sur ce point n'accepte pas les relations sexuelles sado-masochistes, le juge pourra dire que le droit à l'intégrité physique est pour la femme un droit inaltérable et en conséquence rejeter la demande d'annulation au motif qu'accepter certaines violences ne peut jamais être une « qualité essentielle ». Mais en dehors de cas extrêmes le contrôle resterait limité.


Le juge peut enfin, étendant ses prérogatives, s'arroger le droit d'apprécier la nature « essentielle » de la qualité mise en avant. Mais jusqu'où peut aller son pouvoir d'appréciation ? Faut-il par exemple que le juge aille rechercher si dans la religion du mari la virginité est réellement considérée comme essentielle (à supposer bien sur qu'elle soit avec certitude reconnue comme telle, et en l'espèce les avis des autorités musulmanes divergent), et faire la distinction entre l'action pour non virginité fondée sur un motif religieux avéré considéré comme noble et recevable, et une action pour le même motif mais fondée sur une conception personnelle sans support religieux et qui serait alors écartée ? Allant encore plus loin, le juge peut-il ignorer les préceptes religieux et affirmer, par principe, que la non virginité ne peut jamais être une « qualité essentielle », en mettant en avant, parmi d'autres arguments, que ce critère porte atteinte à un droit fondamental à une vie affective et sexuelle choisie, que la chasteté avant le mariage n'est pas une « qualité » car la relation sexuelle ne souille pas la femme, et d'autre part qu'il introduit une discrimination inacceptable entre la femme (sa virginité est vérifiable) et l'homme (dont les relations antérieures ne laisseront pas de traces physiques et sur qui ne pèsent pas les mêmes obligations), et que cela est contraire à notre ordre public français ? C'est à titre personnel la solution qui me semble, aujourd'hui et en France, la plus appropriée.


7. Pour minimiser l'impact de cette décision certains commentateurs ont fait valoir que si le tribunal avait refusé l'annulation du mariage, les deux époux auraient de toute façon pu choisir la voie du divorce par consentement mutuel et que leur union aurait inéluctablement pris fin. Mais ce n'est pas aussi simple que cela. En effet à la différence du divorce qui laisse subsister le mariage et n'a pour effet que de mettre fin, pour l'avenir, à l'union entre mari et femme, la nullité fait totalement disparaître l'union, qui est censée n'avoir jamais existé. Autrement dit, après l'annulation d'un mariage et en cas de nouvelle union, ce n'est pas un(e) « divorcé(e) » qui est épousé(e) mais quelqu'un qui peut se présenter comme n'ayant jamais été marié. Pour certains la différence est fondamentale (2). En tous cas, ce qui est probable si ce n'est certain, c'est que cette union n'aurait sans doute pas pu durer. En ce sens, et seulement pour cette raison, la décision n'est pas forcément la plus mauvaise pour cette femme qui a pu après ce jugement tourner une page de son existence.

8. Alors pour finir faut-il laisser les juges trancher d'aussi délicates questions sous couvert d'interprétation de la loi ? Faut-il plutôt changer la loi et ne conserver dans l'article 180 du code civil que son premier alinéa qui prévoit l'annulation du mariage en cas d'absence de consentement réel de l'un des époux, toute référence à l'erreur et aux « qualités essentielles » étant supprimée et le conflit trouvant une éventuelle issue dans une procédure de divorce considérée à tort ou à raison comme moins humiliante ?


Les questions sont posées, mais les réponses dépassent largement la compétence des seuls juges.


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(1) Interprétant le terme « essentiel », les juridictions ont récemment jugé que le fait de cacher à son conjoint l'existence d'une relation antérieure ne constitue pas une tromperie sur des qualités essentielles (cour de cassation 13.12.2005 arrêt n° 02-21259, et, de façon opposée, que la séropositivité ignorée de l'autre conjoint entraîne une erreur sur une qualité essentielle (TGI Dinan 04.042006) parce que « l'état de santé du conjoint constitue un élément déterminant de la décision de contracter mariage pour l'autre époux » – n'entraîne pas une telle erreur (cour d'appel d'Agen 04.07.2006) parce que « l'erreur sur la santé du futur conjoint ne saurait être cause de nullité du mariage que lorsque la maladie ruine véritablement le couple » et que « en l'espèce la séropositivité de l'épouse oblige à des précautions mais n'interdit pas les relations sexuelles ».

(2) La cour de cassation a jugé le 2 décembre 1997 (arrêt n° 96-10498) que le fait d'ignorer que son conjoint avait été marié peut constituer pour celui qui a des convictions religieuses une erreur sur une qualité essentielle, cette qualité étant de ne pas être divorcé.




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C
Le tribunal ne semble pas avoir vérifié si l'acquiescement de la femme à la demande de virginité était libre, ou à l'inverse seulement contraint (elle aurait dû avouer à son père qu'elle n'était plus vierge). Elle a espéré plus de compréhension de la part du mari.  C'est là un enjeu important autour de cette décision qui, semblant exclure toute vérification du juge sur la liberté de la fiancée d'avouer ou non une liaison antérieure. Pourquoi cette femme aurait-elle affirmé qu'elle était vierge puisqu'elle savait que cela allait être vérifié aussitôt ! Elle était forcément contrainte, de par sa religion, à se faire passer pour vierge, sinon, pas de mariage.
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P
Merci beaucoup pour cet éclairage juridique compréhensible par le commun des mortels.
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C
(pardon j'en ai oublié les liens promis: ici [http://condorcee.blog.lemonde.fr/2008/06/04/de-la-souverainete-de-lappreciation-des-juges-et-de-la-sexualite-des-femmes/]et là [http://condorcee.blog.lemonde.fr/2008/06/05/de-la-tolerance-sur-le-corps-dautrui/]).
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C
Ravie de découvrir (tardivement) votre article, je me permets de vous faire part des mes quelques réflexions sur le sujet qui rejoignent modestement les vôtres (sur mon blogue personnel donc non académique).Je vous remercie de cette présentation du problème à la fois éclairée et ouverte, le seul autre article que je connaisse regroupant ces deux qualités étant celui de Anne Chemin dans lemonde.fr (cité dans ma note).Merci encore.
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H
<br /> <br /> Bon, tout a été dit sur l'aspect juridique des choses : le jugement prend partie pour la conception subjective, voire contractuelle, de l'appréciations des "qualités substantielles", ce qui compte c'est ce que les époux jugeaient essentiel indépendamment de ce que la loi dit ou ne dit pas, donc le défaut de virginité est bien *pour eux* une qualité essentielle, donc le juge annule.<br /> <br /> Moi je tiens pour la conception "objective", la loi, toute la loi, rien que la loi, et j'attends avec intérêt que la Cour de Cassation (voire la CEDH) dise le contraire dans une affaire où la question sera vraiment posée dans ces termes ... même si je sais que les jurisprudences récentes et la pratique quotidienne des tribunaux sont plutôt pour la conception subjective, tout comme le fond philosophique de beaucoup de gens à gauche, y compris au syndicat. Mais à ce moment là il faut assumer ce jugement, même s'il déplaît, d'autant que ce qui nous déplaît ce n'est alors plus de la loi, mais de la simple morale, et que la morale, c'est chacun pour soi.<br /> <br /> Le fond politique apparent est celui du degré de liberté ou d'autonomie que la société reconnaît aux gens dans l'organisation de leur vie dans le cadre des institutions existantes : mariage, mais aussi vie commune hors mariage, pacs, parentalité etc... et des limites éventuelle de cette autonomie. Car la liberté, ce n'est pas seulement le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, la loi peut aussi interdire de faire ce qui est nuisible à la société (DDH de 1789)<br /> <br /> Derrière il y a bien sur la vieille recette sarkozienne d'appel à l'islamophobie, comme si la virginité n'était pas aussi une préoccupation bien européenne et bien chrétienne (musulman maghrébin, Fournirel ? musulman maghrébin, le marié colombien de "chronique d'une mort annoncée"? musulmans maghrébins, les jeunes corses qui au début des années 60 ont envoyé du gros calibre sur un bidasse qui ne voulait pas épouser leur soeur après l'avoir engrossée?) Le recteur de la mosquée de Lille a au contraire rappelé qu'il n'y avait rien dans le Coran sur la virginité des jeunes filles, mais que l'Islam demandait simplement, aux hommes comme aux femmes, la chasteté en dehors du mariage. Kif-kif les chrétiens quoi, et même sans doute les juifs (je connais moins), et je vous parle pas des communistes des années 50 jusqu'à mai 68, ça j'ai connu ;-)<br /> <br /> Rien à voir avec l'ethnie ou la religion dans cette histoire de virginité, c'est plutôt le rapport à la ruralité, et surtout pour certains musulmans de chez nous, le rapport avec une authenticité et un passé très largement fantasmés, pour ne pas dire mythifié. On veut faire comme on croit qu'on faisait au bled dans le temps, comme si l'islam, comme toute autre civilisation ou religion, n'avait pas su trouver avec le dogme les accommodements qui rendent la vie du croyant moyen supportable. La fiole de sang de poulet est pourtant vieille comme la coutume (pré-islamique) de l'exhibition du drap ... Les petites beurettes arrêteront de se faire sodomiser, pour garder leur pucelage tout en faisant quand même jouir leurs copains, le jour où elles seront prêtes à revendiquer leur liberté sexuelle devant leur famille.<br /> <br /> Reste le positionnement du juge, et là je suis presque d'accord avec Rachida Dati : summum jus, summa injuria. Il y a des tâches plus utiles que de cultiver cette orchidée, la science juridique, disait mon ami Oswald Baudot. L'annulation était demandée par l'un et acceptée par l'autre, renvoyer au divorce aurait pris au moins un an de plus et probablement mis les torts à la charge de la femme, vive l'annulation. C'est pour moi ce que l'on appelle pudiquement "une décision d'espèce", c'est à dire une décision probablement en coquetterie avec le droit, mais utile au justiciable. C'est dire que j'aurais parfaitement pu rendre la même en toute bonne conscience.<br /> <br /> Car enfin, veut-on remarier ces gens, simplement pour leur permettre de divorcer ? Cela me rappelle furieusement le fameux communiqué du ministre de la Justice de 1945 (ou du PG Paris, enfin bref) "la vie du président Laval n'est plus en danger". Ce qui signifiait qu'après lui avoir lavé l'estomac du poison qu'il avait avalé pour échapper à l'exécution, on allait pourvoir le fusiller dans les règles, attaché sur une chaise car il ne tenait plus debout dit la chronique ...<br /> <br /> <br /> Henri Balmain<br /> magistrat honoraire (Grenoble, France)<br /> <br />
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C
merci pour cette reflexion approfondie; j'ai entendu dernièrement Mme Guigou critiquer la décision de la garde des sceaux de faire appel de ce jugement.En effet,  selon Mme Guigou,et je suis pleinement d'accord avec elle, le problème esssentiel est de ne pas créer un cas de jurisprudence avec cette affaire, et l'appel ne l'exclut pas. Qu'en pensez vous?
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P
<br /> Je pense que l'affaire posant des questions de principe qui vont bien au delà de ce cas d'espèce, un appel est vraiment justifié. Il n'empêche qu'à mon sens c'est autant sinono plus un problème de<br /> législation/de société qu'une question ordinaire d'interprétation de la loi.<br /> MH<br /> <br /> <br />
M
Merci pour cette analyse très éclairante. On voit bien; entre autres, que le jugement aurait pu être différent, alors qu'il nous est présenté volontiers comme une imparable mécanique (d'ailleurs, pourquoi recourir à un juge si une machine pouvait en faire autant ?). Votre texte mériterait une plus large diffusion. J'ai placé un lien sur mon blog, dans cet article, c'est toujour ça !
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C
Je me relis seulement maintenant et ai honte de toutes ces approximations et fautes de frappe. Quoi qu'il en soit, vous avez bien saisi le fond de ma pensée.Sur le problème de la conformité aux grands principes juridiques, et s'agissant de problèmes extrêmement techniques (en assurance, qui est mon domaine), on rencontre parfois des magistrats très demandeurs d'éclaircissements sur les conséquences que pourraient avoir une décision. Sans préjuger, d'ailleurs, de ce qui sera finalement décidé.<br /> Sur le cas d'espèce de l'annulation du mariage, il me semble que la question telle que vous la présentez est celle de la portée du contrôle du juge, qui est typiquement une question de droit, discutée, critiquée, mais en tout cas jamais sans réponse univoque ou évidente. En ce sens, cette décision ne me semble pas tordre le bras d'une manière trop violente au droit (au contraire d'autres décisions), et la prise en compte des intérêts des justiciables, dans une affaire où tout le monde (à part, peut-être et tardivement, le ministère public) est d'accord, semble souhaitable.<br />
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C
Je dois avouer que je suis assez convaincu par l'argument selon lequel le fait d'avoir une relation sexuelle ne souillant pas la femme, cela ne saurait être une qualité essentielle d'une épouse.Vu de loin, il semble toutefois que ce jugement s'inscrive dans une jurisprudence considérant, en particulier, la nationalité comme une qualité essentielle.Par ailleurs, sur le plan de la preuve, l'inégalité entre sexes ne me semble pas convainquante : un témoignage peut parfaitement être reçu contre un homme, de même qu'une absence d'hymen ne constitue au mieux qu'une préseomption contre une femme.En tout cas, très bon billet qui a le mérite de poser certaines questions et de montrer, une fois de plus, que le monde n'est ni tout blanc, ni tout gris. En tout état de cause, il me semble que la conclusion selon laquelle le mariage en question n'avait pas d'avenir me semble ici importance pour rappeler qu'une décision de justice s'inscrit dans un contexte, et pas seulement et purement juridique.
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P
<br /> Votre dernière remarque est importante. Elle justifierait un vaste débat autour de cette question importante pour les magistrats : dans quelle mesure, si la loi lui laisse une marge d'appréciation,<br /> le juge doit-il prendre en compte les effets de son jugement quand la décision la plus utile pour les justiciables n'est pas la plus conforme aux grands principes juridiques...<br /> MH<br /> <br /> <br />
A
Votre note (2), "pour celui qui a des convictions religieuses", signifie-t-elle que le juge aurait jugé différemment si le plaignant n'avait pas invoqué ces convictions ?...Il me semble que dans cette affaire d'annulation, le juge n'a pas à savoir si le mari est musulman, hindou, franc-maçon ou non-croyant.
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