A quoi sert le juge dans le divorce par consentement mutuel
Les audiences de “cons-mut” font partie des audiences les plus rapides, très souvent les plus simples, qui ne demandent que très peu de rédaction, et sur lesquelles parfois le juge lui même s’interroge sur son utilité.
Après tout, c’est vrai, si, depuis trois ans d’exercice de la fonction de juge aux affaires familiales, j’ai influé sur 5 % des conventions de divorce soumise c’est bien le maximum.
Et pourtant, au delà de la simplicité apparente, le divorce par consentement mutuel exige que l’on exerce un travail de vérification minutieuse, et que l’on ne néglige pas la difficulté que peut constituer pour les époux le fait de formaliser leur séparation, avec ou sans enfant.
Depuis la simplification du divorce par consentement mutuel et le fait qu’une seule audience soit désormais nécessaire (contre deux auparavant, séparées d’une période de six mois) ce travail de vérification se trouve condensé.
Il consiste d’abord à interroger les époux, séparément et dans la confidentialité, sur la réalité de leur souhait de divorcer. C’est rare qu’il y ait un refus net de la part de l’un d’eux. Cela est cependant arrivé, lors de ces trois dernières années.
Dans une affaire, l’avocat commun avait été choisi par l’un d’entre eux, le plus riche et le mieux armé, et l’épouse, manifestement, avait finalement le sentiment d’avoir été manipulée. C’est à travers l’entretien individuel qu’elle m’a demandé de m’opposer au divorce, ne s’estimant pas capable d’assumer le fait de le refuser elle même.
Dans d’autres affaires, c’est l’un des époux qui n’a pas voulu fâcher son conjoint, et a suivi la procédure, avec l’espoir qu’il change d’avis, et qui, au terme de la procédure, devant le juge, craque et explique qu’il ne lui est pas possible d’accepter de divorcer. Ces entretiens là sont longs. On y aborde beaucoup plus de chose que ce qui nous est enseigné par l’école : la vie lorsqu’ils étaient mariés, l’origine des problèmes, comment ils voient l’avenir. Ce que j’estime être mon rôle ce n’est pas d’accepter purement et simplement, mais ce n’est pas non plus de refuser de manière automatique. Après discussion, la pression retombée, les larmes versées, l’époux hésitant estime parfois que la meilleure solution est encore le divorce. Cette discussion était importante pour qu’aucun remord n’apparaisse ensuite, car les séparations déstabilisent parfois psychologiquement l’un des époux - combien de délits commis suite à une rupture ? Combien de dépression, d’alcoolisme à la suite d’un divorce ? - et peuvent, plus grave encore, avoir des répercussions sur les enfants.
Il faut aussi dans certains cas de vérifier que les consentements mutuels sont de vrais consentements mutuels et qu’il n’existe pas entre les époux un contentieux tel qu’il survivra au divorce et aura par la suite des répercussions, notamment sur les enfants. Dans ces affaires, j’avoue faire souvent part de mon expérience aux époux en leur indiquant que taire ce contentieux devant le juge le fera nécessairement rejaillir sur les enfants dans quelques mois et qu’un divorce sous une autre forme, éventuellement pour faute, permettrait de solder leur histoire en tenant davantage leurs enfants à l’écart. Je les oriente, dans ces cas là aussi, vers la médiation familiale.
Les enfants, ce sont ceux dont se préoccupent particulièrement le juge dans le cadre des divorces par consentement mutuel.
Car que les époux transigent sur un certain nombre d’aspect financier, ou de partage de leurs bien, à partir du moment où j’ai vérifié qu’il s’agissait réellement de leur souhait, qu’ils étaient informés de leurs droits et qu’ils estimaient que leur intérêt c’était avant tout de divorcer dans des conditions convenables rapidement plutôt que de divorcer dans des conditions peut être parfaites dans un délai tout aussi incertain, je ne m’oppose pas à l’homologation.
Encore que parfois, parfaitement informé de leurs droits, leur assentiment au divorce est parfois soumis à quelques négociations supplémentaires dans le couloir, ou à un retour dans le cabinet de l’avocat.
Mais lorsque leurs transactions portent sur les enfants, il convient de faire particulièrement attention à ce que l’accord soit conforme à leur intérêt. S’il est des dossiers dans lesquels le contrôle est particulièrement méticuleux, ce sont les conventions qui prévoient une résidence alternée. Car il n’est rien de pire qu’un couple qui divorce en se partageant les enfants comme les meubles. Lors des entretiens je cherche à savoir comment cela s’est décidé, si la résidence alternée a été essayée, comment les parents communiquent, si des arrangements ont lieu en cas d’indisponibilité ponctuelle de l’un ou de l’autre des parents.
La plupart des conventions qui me sont soumises correspondent réellement à une organisation tournée vers l’intérêt des enfants, avec des prises en charge optimisées pour chacun des parents, bien souvent beaucoup plus personnalisées que “une semaine chacun”.
Il reste cependant des cas où l’on refuse d’homologuer, où les pensions négociées sont revues à la hausse, ou à la baisse en fonction des charges réelles des enfants, des ressources de chacun des parents...
L’intervention judiciaire n’est donc pas inutile, ne serait-ce que pour quelques dossiers, quelques situations mais qui demeurent pour les époux concernés l’un des événements majeurs de leur vie.
Et même, peut-on réduire le rôle du juge au 5 % de refus d’homologation, ou d’intervention sur les conventions ? Sans doute pas, puisqu’il convient de souligner que les avocats connaissent les critères de décisions des juges aux affaires familiales, les contentieux après divorce, et participent activement à préparer un projet de convention définitive qui ne risque pas de rencontrer les réticences du juge et aura la pérennité que les époux et parents recherchent.
Les divorces par consentement mutuel requièrent en fait une bonne expérience des affaires familiales et beaucoup d’attention, pour savoir trouver lorsque c’est le cas, sous l’apparence présentée par les époux, les difficultés qui habituellement nous sont livrées sans retenue et risquent de s’accroître...