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Publié par Parolesdejuges

L'indéfendable     (Bibliographie)

 

Avec les livres écrits par les avocats, c'est à peu près chaque fois la même chose.

Dans un premier temps on se dit que, grâce à la plume d'un professionnel qui vit la justice de l'intérieur, on va pouvoir bénéficier d'une analyse précise, rigoureuse, argumentée, sur le fonctionnement de la justice et plus spécialement de la justice pénale. Avec de solides et convaincantes propositions d'amélioration.

Mais tel est rarement le cas. Sans doute parce que les dés sont en partie pipés dès le début.

Les avocats qui écrivent des livres sont très majoritairement des avocats pénalistes. Et parmi ceux-ci ceux que les journalistes qualifient souvent de "ténor". C'est à dire ceux qui sont plus connus que les autres dans le petit monde de la justice pénale. La plupart du temps parisiens.

La soif de se faire (re)connaître est alors d'une telle ampleur qu'elle prend le pas sur l'analyse distante et rigoureuse de la justice pénale. De la part de ces avocats avides de médiatisation, le livre proposé à l'éditeur est rarement une démonstration, il est principalement une vitrine.

Un précédent livre, dont il a été rendu compte sur ce blog, faisait très clairement apparaître cette problématique. Dans leur ouvrage intitulé "Secrets d'avocats", Eric Merlin et Frédéric Ploquin ont relaté de très nombreux propos de ces "ténors" de la justice pénale (lire ici). Et comme ils l'ont souligné dans le livre, ce qui apparaît d'abord, et loin devant toute autre préoccupation, ce sont des égos surdimensionnés et une soif permanente d'apparaître meilleur que l'autre.

Parmi les propos issus de la bouche même des avocats, les deux auteurs ont retranscrit, notamment : " On peut avoir le sentiment que certains se font de la pub sur le dos de leurs clients, qu'ils vivent de la querelle et amplifient les conflits alors qu'ils devraient donner l'impression de les résoudre. Ils prennent le risque de devenir la dernière marionnette des journalistes",  "J'ai de l'ambition mais je ne me suis jamais prostitué. Il n'y a pas moins arriviste que moi", " Les stars du barreau se livrent une lutte fratricide", " Il y a chez les avocats une vanité telle qu'elle en revêt presque un lien mercantile. Le grand problème c'est de ne pas se mettre à la place de celui qu'on défend. Le danger, c'est de prendre plus de place que l'affaire elle-même", " La séduction, c'est l'inverse de l'obséquiosité, cette façon de flatter l'ego. Parfois son orgueil est tel que l'avocat préfère offrir une posture valorisante plutôt que d'obtenir quelque chose pour son client", " Certains confrères deviennent fous sous les projecteurs des medias. Les medias rendent fous, l'argent aussi", " Les medias c'est comme une drogue. Tu en veux toujours plus. C'est comme le pognon, comme les honneurs, c'est sans fin et ça n'a aucun intérêt", " Les disputes d'avocats haineux et hirsutes que l'on peut voir à la télévision ne sont pas bonnes mais les jalousies sont parfois énormes. La confraternité est une haine vigilante. C'est inhérent à ce métier. On se retrouve comme les bonnes copines qui disent en privé du mal les une des autres. Mais les medias, l'argent, la notoriété peuvent vous faire perdre le contrôle".

Le livre de Alex URSULET, dernièrement publié aux éditions L'Archipel (leur site) (livre ici) n'échappe pas complètement à ces travers.

Le titre et le sous-titre étaient pourtant prometteurs : "L'indéfendable, Comment défendre un salaud sans en être un soi-même".

Dès les premières pages Alex URSULET précise utilement la problématique. De fait la question fondamentale n'est pas celle du droit de toute personne poursuivie à être défendue par un avocat, ce dont personne (espérons-le) ne doute, mais de la façon dont l'avocat intervient dans certains cas spécifiques. Notamment quand le client veut que l'avocat plaide son innocence alors que l'avocat sait bien que son client est coupable. C'est là que les apports des avocats nous intéressent au plus haut point pour comprendre comment ils abordent ces problématiques plus que délicates.

D'autant plus que, comme il l'écrit lui-même plus loin, "mon expérience me permet le plus souvent de déceler si un client me dit la vérité ou me ment".

Alex URSULET présente quelques lignes directrices. Pour lui, "un avocat peut défendre l'indéfendable, jamais plaider l'implaidable". Ce qui peut conduire parfois à des refus d'assister un client qui adopte une position manifestement indéfendable.

Mais nous aurions apprécié que la problématique soit abordée plus à fond, avec des illustrations plus nombreuses et plus concrètes.

Le lecteur pourra aussi s'agacer en lisant quelques phrases assassines sur d'autres avocats ou sur des magistrats. Montrer du doigt et rédiger trois lignes ne vaut pas démonstration.

De la même façon que peuvent sembler simplistes les rapides commentaires sur les juges qui condamnent des hommes politiques. Mais il est vrai que quand des hommes politiques commettent des infractions, il est plus facile pour leurs défenseurs de s'en prendre aux magistrats que d'analyser objectivement le manque d'honnêteté de certains élus.

Plus loin, Alex URSULET n'évite pas le piège de la "ténorisation" et de ce qu'elle engendre. Il écrit lui-même, à son propos : "Des jalousies peuvent survenir. Certains confrères ont du mal à supporter le succès professionnel ou la médiatisation dont d'autres font l'objet. A titre personnel je ne me connais pas d'ennemi intime mais je sais que je ne suis pas la tasse de thé de certains avocats."

Et il s'en suit quelques paragraphes pour dire tout le mal qu'il pense de certains de ses confrères très connus.

Il n'hésite pas à affirmer que tel avocat, dont il cite le nom, "doit éviter de tomber dans le même piège que bon nombre d'avocats renommés : finir par se confondre avec son image médiatique. A force de lire des articles à leur gloire certains pénalistes opèrent une projection fantasmatique leur faisant perdre pied avec le réel pour sombrer dans la seule représentation d'eux-mêmes."

Ou encore que : "Lorsque l'on s'admire on cesse d'être un bon avocat".

Plus intéressants sont les paragraphes sur les stratégies à l'audience.

Toutefois certaines remarques relatives à la récusation des jurés à la cour d'assises laissent perplexe. Non, contrairement à ce qu'écrit Alex URSULET, quand le premier juré tiré au sort est récusé par la défense le deuxième n'est pas "reconnaissant" de ne pas être récusé et ne sera pas, pour cette seule raison, plus favorable à la thèse défendue par cet avocat au moment du délibéré. Et non, les avocats n'ont aucun moyen de sonder et donc de prévoir qui sont et comment raisonnent les jurés au moment du tirage au sort. Bien trop de paramètres inconnus entrent en jeu, notamment l'histoire personnelle de chaque juré, dont ils ignorent tout.

Finalement, le livre que nous propose Alex URSULET doit être abordé, comme le note son éditeur sur son site, comme un livre d'anecdotes et de souvenirs personnels, à travers les récits de nombreux procès auxquels il a participé, et non comme un livre sur la justice.

C'est bien un livre d'avocat. Ce qui n'enlève rien à son intérêt.

 

 

 

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H
prétérition (je ne parlerai pas de ...) et plagiat de Me FLORIOT sur la récusation du premier juré tiré au sort : rien de bien neuf, en somme ;-)
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