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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette

  L'institution judiciaire est de nouveau en ébullition. Cette fois-ci parce qu'un journaliste (semble-t-il, cf ici) reçu dans les locaux du Syndicat de la Magistrature (son site) a réalisé en cachette, puis transmis à un site internet, une vidéo montrant, sur un mur du local syndical, un assemblage de photographies réunies dans un "mur des cons". 

  La démarche a été publiquement désapprouvée par l'Union Syndicale des Magistrats, majoritaire dans l'institution (son site).

  Et plus récemment, la ministre de la justice a décidé de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature (son site) pour avoir un avis quant à la déontologie des magistrats et leur expression syndicale. 

  La révélation de ce mur a entraîné de nombreuses réactions, plus souvent sous forme d'invectives que d'analyses distantes et sereines. Pourtant, le sujet mérite une certaine attention et son analyse pourrait être moins simple qu'il n'y paraît de premier abord. La problématique peut être abordée de plusieurs façons.

  - La nature d'un local syndical.

   Un local syndical est, a priori, un lieu privé (au sens de lieu non ouvert au public) et dans lequel l'expression entre les syndiqués qui s'y réunissent est totalement libre. Chacun peut y refaire le monde dans le sens conforme à ses convictions et y dire et faire tout ce qu'il veut sans que puisse être envisagée une quelconque censure dont on ne sait au demeurant par qui elle serait exercée.

  Par voie de conséquence, afin que cette expression syndicale soit réellement libre, il est impératif que les syndiqués qui se réunissent dans leur local privé s'engagent à ne pas dévoiler ce que les uns et les autres font et disent dans ce local.

  C'est un peu comme les délibérés au sein de l'institution judiciaire. Le secret du délibéré a pour objet d'une part de libérer la parole, personne ne craignant que ses propos soient divulgués à l'extérieur, et d'autre part de protéger ceux qui délibèrent contre les réactions des tiers et notamment des justiciables, la décision n'étant finalement connue qu'à travers sa motivation qui ne permet pas de savoir quel a été l'avis personnel de chacun des membres de la juridiction.


  Il semble donc acceptable, de façon générale, que dans un local syndical privé tout soit permis en terme d'expression verbale, écrite, ou d'affichages de toutes sortes sur les murs du local.

  Sinon, où devront se réunir les syndiqués pour disposer d'une réelle liberté d'expression ?

  Il n'empêche qu'il en va différemment quand le syndicat utilise son local pour y recevoir des tiers qui n'appartiennent pas à son organisation et, surtout, quand il fait le choix de laisser ces tiers regarder son mur et les photos, affiches, slogans etc.. qui y sont accrochés. Le syndicat choisit alors, implicitement, de rendre publiques les éventuelles photographies punaisées puisque l'on ne voit pas bien ce qui pourrait interdire à un journaliste, invité dans les locaux d'un syndicat, de mentionner dans son article rendant compte de sa visite que le local qu'on l'a laissé librement visiter est aménagé de telle ou telle façon  (la problématique du film réalisé en cachette est autre et nous ne l'aborderons pas aujourd'hui).

  Ceci incite à penser qu'un syndicat qui réalise un mur de photographies, qui l'intitule le "mur des cons", qui invite des journalistes dans son local, qui les laisse visiter la pièce sur le mur de laquelle se trouvent les photographies litigieuses, a choisi de rendre ce mur public et de ne pas en faire, dans une pièce séparée et inaccessible aux tiers, un défouloir réservé à ses seuls membres en lui conservant ainsi son caractère exclusivement privé.

  - La nature d'un syndicat de magistrats.

  Le CSM sera peut être amené à dire s'il existe une limite au droit d'expression syndical dans la magistrature, plus précisément si les droits habituellement accordés à tous les syndicats professionnels peuvent être réduits s'agissant de syndicats de magistrats. Son avis sera une très importante base de départ d'un débat encore à venir.

   Il n'empêche que l'on peut relever dès à présent que de tous temps les syndicats de magistrats (dont certains ont disparu, notamment un syndicat autrefois très à droite) ont publiquement pris position non seulement sur les problèmes matériels rencontrés par l'institution judiciaire ou la défense des magsitrats, mais tout autant sur des politiques gouvernementales, des projets de loi, des textes votés, des prises de position d'élus etc.  Il est difficile de concevoir l'action d'un syndicat de magistrats limitée à la réclamation de l'intégration des primes dans les salaires pour le calcul du montant des retraites.

  Au demeurant, on ne voit pas très bien quelle pourrait être l'utilité d'un syndicat qui en permanence approuverait tout ce qui se fait dans son domaine de compétence.


  L'action syndicale est d'autant plus importante quand, comme on l'a tellement vu et entendu depuis si longtemps, les magistrats sont victimes d'agressions parfois totalement injustifiées, ou quand sont lancées sur le fontionnement de l'institution judiciaire des affirmations délibérément tronquées ou mensongères. Autrement dit, l'action syndicale des magistrats est indispensable quand le débat sur la justice est délibérément biaisé et, parfois, véritablement malhonnête. Il faut alors que les syndicats de magistrats puissent répondre, apporter des éléments contradictoires, fournir des explications, rétablir des vérités.

  L'ampleur de certaines attaques contre l'institution judiciaire impose et justifie souvent la vigueur des réactions syndicales. Seuls ceux qui ne supportent pas que des magistrats apportent à leurs concitoyens des éléments contredisant les leurs sont en faveur d'une forte restriction du droit d'expression des magistrats. Au demeurant, ceux qui entendent des magistrats approuver leur action demandent rarement à ces derniers qu'ils se taisent, et dans ces cas ne mettent jamais en avant le devoir de réserve.  Autrement dit quand des magistrats approuvent c'est très bien et ils sont encouragés. Quand des magistrats désapprouvent ils enfreignent leur devoir de réserve...

  Reste la question, encore une fois, de la particularité d'un syndicat de magistrats. Le débat sera à reprendre une fois connu l'avis du CSM.

  - L'impartialité des magistrats.

  C'est ici que se joue l'essentiel. De nombreux commentateurs ont déclaré : "Puisque le syndicat de la magistrature prend au travers des photos des positions outrancières, ses membres ne sont pas capables de juger de façon impartiale." C'est peut être aller un peu vite en besogne.

  Les magistrats sont comme tous les autres français. Ils ont des opinions politiques personnelles et déposent eux aussi un bulletin de vote dans l'urne à l'occasion des diverses élections politiques. Ces bulletins se répartissent probablement de l'extrême gauche à l'extrême droite. Il n'existe aucune raison qu'il en soit autrement.

  Il ne faudrait donc pas avoir en tête le mythe du juge sans opinion, indifférent au débat politique. Les magistrats ont tous des opinions politiques personnelles, de toutes les couleurs, parfois avec des convictions très fortes. Mais cela n'est pas forcément un problème. La question fondamentale est celle de l'aptitude des magistrats à laisser leurs convictions personnelles de côté quand ils étudient une affaire en particulier. Et c'est uniquement cela qui intéresse le justiciable, peu important pour qui le magistrat a voté à la dernière élection ou plus largement quelles sont ses convictions sur des sujets de société.

  Cela va même au-delà des seules opinions politiques. A travers les recrutement externes, arrivent dans la magistrature - et c'est très utile - des personnes qui jusqu'à leur intégration ont exercé d'autres professions. Par exemple certains magistrats ont été commissaires de police, responsables des relations humaines dans des entreprises privées, ou avocats.

  Doit-on alors poser comme principe qu'un ancien policier ne peut pas juger de façon impartiale un policier accusé de malversations ? Doit-on considérer l'ancien responsable d'entreprise incapable de siéger dans une juridiction prud'homale ? Doit-on écarter un ancien avocat d'une affaire concernant une entorse à la déontologie reprochée à un avocat en exercice ? En se disant que du fait de leurs anciennes fonctions ces nouveaux magistrats n'auront pas l'impartialité attendue des justiciables ?

  Certainement pas, et cela pour plusieurs raisons.

  D'abord parce que les magistrats sont pour la plupart parfaitement capables de laisser leurs convictions personnelles de côté au moment du traitement d'une affaire particulière.

  Surtout, il n'y a pas souvent matière à faire intervenir des opinions politiques dans la justice du quotidien. Quand il s'agit de dire si un véhicule vendu a un vice caché, quel est le montant des intérêts dus sur le solde débiteur d'un compte bancaire, quels horaires ont effectivement été réalisés par un salarié, qui est responsable d'un accident de la circulation, si un contrat comporte des clauses abusives, ou de combien peut être le montant d'une prestation compensatoire, il n'y a manifestement pas de place pour les opinions personnelles du juge.


  Ensuite parce que même si tel n'était pas le cas pour certains d'entre eux, la collégialité ferait obstacle à une décision finale trop subjective dans un dossier concret. Au demeurant, c'est l'une des raisons pour lesquelles le "juge unique" devrait être réservé à des procédures marginales, ce qui n'est pas le cas actuellement (1).

  Enfin parce que ce qui compte par dessus tout c'est la motivation de la décision judiciaire. C'est dans chaque paragraphe, dans chaque ligne de la motivation, que les justiciables peuvent vérifier si le juge a statué avec des arguments forts, logiques, convaincants. Si tel est bien le cas, et quand bien même ceux qui perdent leur procès seront toujours mécontents et continueront à utiliser le juge comme bouc émissaire de leur rancoeur, alors que ceux qui le gagnent seront toujours enchantés et féliciteront le juge, le débat sur les éventuelles convictions personnelles des magistrats ne présente plus aucun intérêt. 

  - Les mots et les maux

  A l'occasion d'un procès, et surtout en matière pénale (dans les autres domaines ce sont surtout les conclusions écrites et les pièces jointes qui comptent), le rôle du président est d'abord et avant tout de favoriser un débat ouvert, loyal, et pour cela de permettre à chacun de s'exprimer aussi librement que possible. Car seul un débat sans concession mais serein, respectueux, peut permettre d'aboutir à des décisions argumentées et justifiées.

  L'une des conditions essentielles pour que le débat judiciaire soit approfondi, riche, et par voie de conséquence utile, c'est que la liberté d'expression ne soit pas détournée en une liberté d'agresser, d'invectiver, d'humilier. 

  Il faut en même temps permettre un usage le plus large possible des mots, mais aussi tout faire pour éviter que le comportement des uns ou des autres ne les transforme en maux.

  Sans doute le débat politique n'est-il pas identique au débat judiciaire. La vigueur voire la bassesse des attaques des uns peut pour partie expliquer la vigueur de la réaction des autres.

  Mais les magistrats doivent-ils tomber dans le piège et répondre à l'outrance par l'outrance quand celle-ci, devenue trop évidente, discrédite à la fois l'auteur des attaques et les idées qu'il voudrait partager ?


  L'institution judiciaire ne doit pas se laisser malmener quand les attaques sont injustifiées et qu'elle sapent le socle démocratique de notre société. Il est et il sera toujours indispensable que les magistrats, collectivement ou individuellement, participent au débat. Les magistrats peuvent et doivent y apporter des éléments, des réflexions, que les autres n'apportent pas.

  Les magistrats sont d'ailleurs nombreux à le faire, en dehors de toute expression syndicale. On ne compte plus les magistrats ayant publié des articles, des livres, ou ayant répondu à des demandes des medias écrits ou audio-visuels. La liste serait trop longue pour qu'elle puisse être faite. Et l'on constate que ces magistrats se répartissent dans tout le corps juridiciaire, des débutants aux membres de la cour de cassation.

  Mais si leur participation au débat est indispensable, utile, et acceptée, c'est parce que, quand bien même ils ne proposent pas seulement quelques remarques banales et sans intérêt mais exposent parfois des critiques argumentées, ils s'imposent eux-mêmes une certaine limite. Dans le débat judiciaire ou public, contredire est toujours utile. Mépriser l'est rarement.


  En tous cas, quoi que l'on pense du "mur" du syndicat de la magistrature, il ne faut pas forcément lui donner une importance qu'il n'a pas, malgré les apparences.

  S'il faut attendre du CSM qu'il précise éventuellement les limites à l'expression syndicale des magistrats, personne ne doit penser que la justice au quotidien a quoi que ce soit de commun avec ce "mur", dont la plupart des 8.500 magistrats français ignoraient totalement l'existence.



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1. Un autre débat, délicat, est autour de l'importance du sexe du juge et des conséquences sur les décisions judiciaires. Par exemple, les décisions que les juges aux affaires familiales rendent seuls en première instance sont-elles en parties conditionnées par le fait que le juge est un homme ou une femme ?

  

   

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D
<br /> courageuse mais pas téméraire, je suohaite publiquement désavouer  la dernière phrase du commentaire IF du 28 04 13 à 11h20:<br /> <br /> <br /> "(...)il faudrait qu'un magistrat soit un irresponsable indigne de ses fonctions pour avoir commis cet acte de délation."<br /> <br /> <br /> Et puis, il faut être optimiste et ce n'est peut-être pas pour aider l'avocat du président sarkosy que cet avocat aurait agi mais pour amener à une prise de conscience de l'irersponsabilité des<br /> magistrats afficheurs du "mur des cons" et relever la moralité de la profession.<br /> <br /> <br /> (Sachant quand même que les avoats de DSK avaitn tenté de décrédibilisert un des juges instruisant à Lille l'affaire de proxénitisme aggravé au motif que ce magistrat aurait scothché à<br /> l'inté&rieur d'une porte de placard une caricature de DSK parue dans la presse).<br /> <br /> <br /> Mais alors, quelle menteuse que cette présidente du SM, selon le journaliste qui a volé les images du "mur des cons", si la presse ne ment pas en rapportant des propos indiquant que des<br /> journalistes auraient été introduits dans un local habituellement non ouvert au public en raiosn d'une affluence de journalistes dans leurs locaux...<br />
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D
<br /> ///Dans le débat judiciaire ou public, contredire est toujours utile. Mépriser l'est rarement.///<br /> <br /> <br /> Mépriser? Je n'en sais rien.<br /> <br /> <br /> En revanche, obtenir que le vulgum pecus méprise la magistrature d'un pays et considère que "des<br /> juges rouges" persécutent en toute impunité le président Sarkosy en France et  il cavaliere Silvio Berlusconi en Italie est un très grand avantage politique pour ces<br /> politiciens en particulier  pour tous les partis politiques qui ne sont pas de gauche et un très grand désavantage pour les autres partis démocratiques.<br /> <br /> <br /> PS:  S Berlusconi et partisans  dénoncent aussi  les persécutions du responsable politique<br /> italien par des " juges féministes".<br />
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D
<br /> Selon l'article que vous mettez en premier "lien":<br /> <br /> <br /> ///Atlantico dit avoir obtenu la vidéo d’un magistrat « apolitique et non syndiqué ».///<br /> <br /> <br /> Si c'était vrai:<br /> <br /> <br /> Syndiqué ailleurs  -ou pas - ce magistrat aurait gravement nuit à l'image du SM dans la population susceptible de lui verser une cotisation, d'aider à décorer les locaux etc.<br /> <br /> <br /> Mais dans l'immense majorité de la  population générale des justiciables et électeurs, ce magistrat aurait gravement nuit à l'image de l'ensemble de la  magistrature française pour la<br /> raison légitimement invoquée en commentaire précédent par "le juge Alex".<br /> <br /> <br /> Surtout, compte tenu des attaques des partisans  du pdt Sarkosy contre "les juges rouges ", il aurait fait de la politique au plus haut niveau  - au minimum comme M Jourdain faisait de<br /> la prose  et aidé considérablement  à la propagation  dans l'opinion publique de  l'image que les avocats supposés auxilliare de justice et les avocats élus du peuple  du<br /> président Sarkosy qui veulent faire accepter l'idée  que sa récente mise en examen et  autres affaires judiciares en cours serait un scandale judiciare : la persécution d'un homme<br /> intègre et irréprochable  par une cabale de" juges rouges" contre le despotisme laxiste desquels  ce président se serait  courageusement battu- et là les deux phots de pères de<br /> victimes de viol et de meurtre par des récidivistes accompagne bien le message...<br /> <br /> <br />  Nous admettrons donc, qu'un journaliste  a cru bon d' accuser un imaginaire "magistrat apolitique et non syndiqué" plutôt qu'une "source sûre" afin de se mieux<br /> prémunir contre l'accusation gravissime d'avoir voulu informer ses lecteurs au risque de ne plus être invité dans les locaux d'un syndicat car il faudrait qu'un magistrat soit un irresponsable<br /> indigne de ses fonctions pour avoir commis cet acte de délation.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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A
<br /> Ce qui m'attriste, c'est de voir que des magistrats manient l'injure, même de manière potache. Surtout, que des parents de victimes soient visés par ces blagues douteuses. Je suis magistrat, pas<br /> membre du SM, mais j'ai honte de l'image que nous donnons collectivement en raison des actions de quelques collègues qui se croient drôles.<br />
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S
<br /> Merci pour votre article !<br />
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D
<br /> merci de ces refléxions, à distance de tout le bruit médiatique.<br />
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