La délinquance des hommes et celle des femmes
Le ministère de la justice (son site) publie régulièrement un bulletin d'informations statistiques intitulé "InfoStat Justice" (page dédiée ici). Nous en avons déjà fait état sur ce blog.
Le numéro de mars 2017 est consacré à une approche comparative de la délinquance des hommes et celle des femmes.
Il est intitulé : "Un traitement judiciaire différent entre hommes et femmes délinquants".
Le résumé du document est le suivant :
"En 2014, moins d’un délinquant traité par la justice sur cinq est une femme. Proportionnée à la gravité des faits et à la personnalité de l’auteur, la réponse pénale de l’institution judiciaire donne globalement la priorité aux mesures alternatives par rapport aux poursuites pour six femmes sur dix tandis que quatre hommes sur dix en font l’objet. A l’inverse, 35 % des femmes auteures sont poursuivies devant une juridiction de jugement contre plus de la moitié des hommes (53 %).
Quand elles sont condamnées, les femmes bénéficient de sanctions moins lourdes que les hommes tant en type de peines qu’en durée d’emprisonnement. Ainsi, plus on avance dans la chaîne judiciaire et pénale et plus le taux de féminisation diminue : de 18 % des personnes mises en cause, à 15 % des auteurs faisant l’objet d’une réponse pénale, 10 % de ceux poursuivis devant un tribunal et moins de 4 % de la population carcérale.
Ce traitement judiciaire différencié, en apparence plus clément envers les femmes, repose en partie sur trois facteurs appréhendables statistiquement : la nature des infractions commises, la complexité de l’affaire (approchée par le nombre d’infractions) et le passé délinquant de l’auteur de l’infraction. En effet, la délinquance féminine est dans l’ensemble différente et moins violente que celle des hommes. Les femmes sont condamnées pour des affaires moins complexes et ont surtout deux fois moins souvent d’antécédent judiciaire.
La prise en compte simultanée du nombre d’infractions et de l’existence d’antécédent judiciaire réduit les écarts observés entre femmes et hommes, notamment pour le contentieux routier et l’usage de stupéfiants, où hommes et femmes font l’objet de sanctions identiques. Elle ne va pas jusqu’à les abolir pour les autres catégories d’infractions, notamment en matière d’atteintes aux biens ou aux personnes, pour lesquelles les femmes bénéficient de peines moins sévères que les hommes."
Dans le reste du document on lit notamment ceci (document intégral en lien ci-dessous) :
"La sous-représentation des femmes dans la population en contact avec les principales institutions de répression et de contrôle pénal est un phénomène séculaire et universel. En France, les femmes représentent 18 % des personnes dont l’affaire a été traitée par les parquets en 2014 à la suite d’une mise en cause par les services de police et de gendarmerie, 10 % des condamnés cette même année et moins de 4 % de la population détenue au 1er janvier 2015. (..) En 2014, les parquets des tribunaux de grande instance ont traité un peu moins de 2 millions d’auteurs parmi lesquels 345 000 femmes (..). Ce sont 126 500 femmes, soit 37 % des femmes impliquées dans les affaires traitées par les parquets en 2014, qui ont été considérées comme non poursuivables et ont vu leur affaire classée sans suite à ce titre. Parmi elles, 18 900 femmes ont été mises hors de cause après enquête. (..) Une fois ces affaires non poursuivables écartées et classées sans suite pour ce motif, les parquets ont examiné au cours de l’année 2014 la situation de 218 300 femmes, auteures d’infractions susceptibles d’être poursuivies. Pour 29 100 d’entre elles, soit 13 %, le ministère public a estimé qu’il n’était opportun ni de poursuivre, ni d’engager une procédure alternative ou une composition pénale et il a classé l’affaire. Pour les hommes, cette part n’est que de 8 %. (..)
Premier niveau de la réponse pénale, les mesures alternatives aux poursuites sont destinées à remédier aux conséquences de l’infraction, à restaurer la paix sociale et à prévenir le renouvellement des faits. En 2014, elles ont concerné 113 200 femmes, ce qui représente 60 % de la réponse pénale contre seulement 41 % de celle apportée aux hommes. (..) Le nombre de femmes faisant l’objet d’une poursuite devant une juridiction d’instruction ou de jugement s’élève à 65 700, soit 35 % des femmes ayant fait l’objet d’une réponse pénale. (..) la comparution immédiate est deux fois plus utilisée comme mode de poursuite pour les hommes. (..) les femmes font l’objet d’un traitement judiciaire moins lourd, et ce à chaque étape de la réponse pénale. (..)
Les femmes représentent 10 % des personnes condamnées par les tribunaux correctionnels en 2014. (..) Quand les femmes sont reconnues coupables à l’issue d’un jugement, les tribunaux correctionnels prononcent deux fois moins souvent des emprisonnements comportant une partie ferme à l’encontre des femmes : 10 % des peines prononcées contre 23 % pour celles concernant les hommes. (..) les durées d’emprisonnement ferme prononcées sont moins longues pour les femmes : un tiers ont une durée de moins de 3 mois contre un quart pour les hommes ; les emprisonnements avec sursis total sont moins souvent accompagnés d’une mise à l’épreuve ou d’un travail d’intérêt général (TIG) (un quart contre un tiers pour les hommes) ; enfin même les amendes sont trois fois plus souvent accompagnées de sursis total que pour les hommes. (..)
Les femmes ne sont pas présentes de la même façon dans tous les types d’affaires pénales. (..) elles sont sous-représentées en matière d’infractions à la sécurité routière (11 %) (à l’exception des délits de fuite (26 %) ) ou d’infractions à la législation sur les stupéfiants (8 %). A l’inverse elles sont sur-représentées dans les atteintes à la vie privée (26 %), ou dans les affaires liées à l’exercice de l’autorité parentale (63 %). En revanche, la parité avec les hommes est atteinte en matière d’obtention de prestations sociales indues (55 %) ou de dénonciation calomnieuse (49 %). (..) Le cas des atteintes aux biens illustre la spécificité de la délinquance féminine avec un taux de féminisation élevé, de l’ordre de 30 % pour les vols simples et les escroqueries ou abus de confiance, mais faible dans les situations plus violentes, avec un taux moyen de l’ordre de 13 % pour les vols « aggravés » ainsi que pour les destructions et dégradations. Cette situation se retrouve également dans les violences volontaires aux personnes avec un taux plus élevé dans les violences légères (20 %) que dans les violences plus graves (12 %). (..)
Au vu des condamnations prononcées en 2014 par les tribunaux correctionnels, le taux d’antécédent des femmes condamnées s’établit à 29 %, soit deux fois moins que celui des hommes condamnés (55 %), cet écart se vérifiant quel que soit le type d’infraction. (..) Ainsi, si l’on considère les seuls condamnés sans antécédent, les structures de peines prononcées à l’encontre des hommes et des femmes s’avèrent beaucoup plus proches. (..) À caractéristiques citées identiques, les femmes présentent une probabilité nettement plus faible d’être condamnées aux peines les plus sévères. Si l’on classe les sanctions en trois catégories par ordre croissant de gravité (peines alternatives à la détention – dont amendes –, peines de prison avec sursis et peines de prison ferme), le fait d’être une femme réduit de 30 % le risque de prison ferme par rapport au sursis et le risque de prison avec sursis par rapport aux peines alternatives. (..) L’analyse de l’effet du sexe sur les durées de prison prononcées, en prenant en compte le fait que les femmes sont moins souvent condamnées à des peines de prison7, met en évidence que, à autres caractéristiques identiques, les peines de prison fermes des femmes sont plus courtes d’environ 72 jours (pour une moyenne de 212 jours, dans l’échantillon utilisé). En revanche, aucune différence n’est observée pour les durées des peines de prison accompagnées de sursis avec mise à l’épreuve et de sursis simple.
Est joint à cet article un document (intitulé Space) indiquant que pour toute l'Europe le pourcentage de femmes parmi les personnes emprisonnées était de 5,20 % en 2015.