Un magistrat homme est-ce la même chose qu'un magistrat femme (et réciproquement) ?
Par Michel Huyette
A cette question philosophiquement existentielle il semble que le ministère de la justice ait finalement répondu : non.
Une (pas un) collègue vient d'envoyer la photographie d'une publicité émanant du ministère de la justice dans le but d'encourager hommes et femmes à se présenter à l'un des concours d'accès à la magistrature. L'encart publicitaire peut être vu dans divers journaux, et en plus, une immense reproduction a été installée sur la façade nord du palais de justice de Paris :
La publicité nous montre quoi ? Un homme, grand, vêtu d'une robe de magistrat rouge, ayant dans les mains un volumineux dossier, et à ses côtés une femme plus petite, en robe noire, et qui ne tient qu'un code.
La robe rouge est portée par les magistrats des cours d'appel (aux audiences solennelles et à la cour d'assises, dans le quotidien ils portent la robe noire), mais jamais par les magistrats des tribunaux de grande instance qui n'ont que des robes noires. Instinctivement, cela incite à penser que l'homme est d'un niveau hiérarchique plus élevé que la femme.
Et c'est l'homme qui porte le dossier, le regarde de dessus, la femme ne pouvant y jeter un oeil que de côté, elle qui n'a qu'un simple code entre les mains.
Résumons :
L'homme est grand, d'un niveau hiérarchique supérieur, il étudie un dossier volumineux et sans doute compliqué.
Il doit donc être très intelligent.
A côté la femme est plus petite, d'un niveau hiérarchique inférieur, elle n'étudie pas le dossier et son rôle consiste uniquement à lire le contenu d'un code, peut-être pour assister l'homme.
Elle doit donc être... euh...
A moins, comme le pensent certains (l'image reçue n'est pas assez précise pour le vérifier), que la femme soit en fait un greffier, et non un magistrat. Mais alors le résultat est le même : L'homme qui a des responsabilités importantes c'est le juge, la femme n'est que secrétaire.
Agaçant, non... ?
A moins que, comme d'autres le suggèrent, l'objectif, en attirant des hommes, soit de freiner la très/trop rapide féminisation de la magistrature.
Au dernier concours ordinaire, ont été reçus plus de 200 femmes pour moins de 20 hommes. Et cela fait de très nombreuses années que l'institution judiciaire recrute beaucoup plus de femmes que d'hommes. Ce qui signifie qu'à moyen terme l'équilibre va se faire après une période de suprématie masculine, mais aussi et surtout qu'à long terme la justice va être essentiellement entre les mains de femmes.
D'un excès l'institution pourrait passer à l'excès inverse....