Quelques brèves remarques, encore, sur la peine de mort
Par Michel Huyette
Le temps a passé et certains évènements dorénavant anciens perdent peu à peu leur caractère exceptionnel. Il n'empêche.
Voici presque 30 ans, le Parlement français, dans une loi du 9 octobre 1981, supprimait la peine de mort de notre code pénal (loi ici) (1).
Tout a été dit et écrit sur la peine de mort.
Comme nous l'avons déjà souligné ici, parmi les arguments qui s'opposent à un tel châtiment, il y a d'abord et avant tout celui de l'existence d'erreurs judiciaires qui se produisent dans tous les pays, même ceux qui ont un système judiciaire répondant aux exigences d'une société démocratique soucieuse des droits fondamentaux des justiciables.
A titre d'exemple, rappelons qu'en Grande Bretagne, en 2009, un homme condamné à la prison à vie pour meurtre et viol a été innocenté après 27 années en prison. Cette reconnaissance n'aurait servi à rien s'il avait été condamné à mort et exécuté (cf. ici). Et aux Etats Unis, entre 2002 et 2004, 27 individus ont été innocentés après avoir été condamnés à mort. Pire, en 1985, c'est un homme condamné puis exécuté qui, plus tard, a été reconnu innocent (lire ici)
Ces jours-ci un scénario pouvant être proche est peut-être en train de se reproduire, toujours aux USA, en Géorgie (2). En effet, un homme noir a été condamné à mort il y a plus de 20 ans. Il a toujours prétendu être innocent. Mais, surtout, il semble que très récemment, selon les medias, après que la cour suprême ait exigé qu'un tribunal examine d'éventuels nouveaux éléments, une majorité de témoins l'ayant mis en cause soient revenus sur leurs déclarations, et que trois personnes aient affirmé qu'un autre individu présent sur le lieu des faits (le meurtre d'un policier) a reconnu être l'auteur des coups de feu.
Le juge aurait déclaré à l'issue de cette nouvelle audience que les nouveaus éléments "jettent un doute minimum sur la culpabilité" mais que le condamné n'a pas suffisamment prouvé son innocence.
Quoi qu'il en soit, le fait même qu'il existe une possibilité qu'un jour l'affaire soit analysée de façon réellement différente fait obstacle à toute sanction définitive. Pourtant l'exécution de cet ancien condamné est annoncée pour aujourd'hui.
En France il existe la procédure de révision (lire ici). Cela suppose, par définition, que l'on reconnaisse qu'un accusé condamné puisse, postérieurement à son procès, être reconnu innocent. L'existence d'une telle procédure est par définition incompatible avec une peine de mort sur laquelle il est impossible de revenir.
Mais il existe encore un autre argument qui, d'une certaine façon, même s'il est plus subjectif, est tout aussi important. Et c'est un récent film policier qui l'a très bien exprimé.
Dans ce film, un policier poursuit un meurtrier en série qui, en plus, a tué un membre de sa famille. D'où une volonté encore plus forte de ce policier de l'arrêter. Quand ce policier et son jeune adjoint rejoignent le criminel, ils se retrouvent tous les trois dans une cave, là où le tueur allait s'en prendre à une nouvelle victime. Le policier met en joue le criminel qui le nargue et l'image se fixe sur lui, son bras, sa main et son revolver.
Le jeune adjoint du policier lui dit alors : "vous pouvez tirer, je dirai que vous étiez en état de légitime défense, il en a trop fait, il doit mourir".
La caméra s'est alors arrêtée sur le visage du policier afin que les spectateurs se demandent s'il va tirer ou non.
Il n'a pas tiré. Son adjoint lui a alors demandé : "pourquoi ne l'avez vous pas tué, il le mérite tellement ?"
C'est alors que le policier s'est tourné vers lui et a répondu : "Parce que nous ne sommes pas comme eux".
Tout était dit.
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1 . A consulter le dossier sur le site de l'Assemblée nationale, ici.
2 . Le Monde des 19 et 20 septembre 2011