Quel débat autour des sanctions pénales ?
Par Michel Huyette
Voilà, c'est reparti pour un tour. Le énième tour, et certainement pas le dernier.
Une fois de plus, à l'annonce de la prochaine présentation d'un projet de loi relatif à la procédure pénale, deux camps semblent s'opposer encore et encore : d'un côté ceux qui veulent une personnalisation et un aménagement des peines chaque fois que cela est possible, de l'autre ceux qui revendiquent une sévérité maximale des sanctions et leur exécution mécanique notamment pour ce qui concerne les peines d'emprisonnement.
Les premiers accusent les seconds de démagogie et de méconnaissance des réalités, les seconds accusent les premiers d'angélisme et d'encouragement de la délinquance.
Nous sommes malheureusement, sur ce sujet particulièrement délicat du choix et de l'exécution des sanctions pénales, habitués dépuis des lustres à un débat minimaliste. Quelques slogans rapidement lancés, la plupart du temps à peu près vides de sens, semblent contenir toute la réflexion des intervenants les plus médiatisés. Comme si les citoyens français n'avaient pas droit à un débat serein, approfondi, sérieux. (cf. ici)
Ce que l'observateur remarque aussi, c'est, trop souvent, l'incohérence des prises de position. Il en va ainsi des déclarations de ceux qui, il y a quelques années, ont voulu et adopté une loi portant de une à deux années la durée des peines de prison immédiatement aménageables (le condamné à une peine de moins de deux ans, parfois, ne va pas directement en prison mais rencontre le juge d'application des peines en vue de l'aménagement de la sanction qui ne sera pas forcément effectuée en détention), et qui pourtant, aujourd'hui, s'insurgent contre le fait que les petites et moyennes peines de prison soient trop souvent... aménagées. Allez comprendre... (lire aussi ici)
De multiples questions se posent pourtant, toutes importantes, et, notamment : qui doit choisir la sanction réellement effectuée, autrement dit quelle doit être la marge d'appréciation du juge d'application des peines pour transformer la sanction décidée par la juridiction de jugement ; au terme de quelle fraction de la peine prononcée un détenu doit-il pouvoir solliciter une libération conditionnelle (sur la réalité de l'exécution des longues peines lire ici) ; jusqu'à quelle durée de peine d'emprisonnement l'aménagement direct doit-il être préféré à la détention ; quelles sont les modalités d'exécution de la sanction qui permettent le mieux de réduire le taux de récidive ; quelles sont les pratiques des autres pays occidentaux et quelles en sont les résultats ?
De fait, chacun d'entre nous espère la même chose : que les sanctions prononcées et les modalités de leur mise à exécution d'une part contrebalancent sufffisamment le mal qui a été causé, afin de mettre fin à un désordre, un déséquilibre, et de préserver la paix sociale, et d'autre part que les décisions prises permettent d'éviter la réitération des comportements délinquants.
Dès lors, l'unique préoccupation devrait être de s'interroger sur la raison d'être du choix d'une sanction et sur la raison d'être et la conséquence de ses modalités d'exécution. En partant non plus de pétitions de principe qui ne sont accompagnées d'aucun argumentaire détaillé et convaincant, mais de la réalité concrète, de son observation, et des expériences acquises.
Avec comme référence principale tout au long du questionnement : qu'est-ce qui est utile, efficace, et qui préserve cet équilibre entre sanction d'un désordre et réinsertion de l'auteur de ce désordre.
C'est pourquoi, sur un tel sujet de société, les opinions devraient pouvoir se rapprocher. Car ce qui est démontré comme étant efficace, quoi que ce soit, plus de rigueur ou plus de souplesse, n'est ni de droite ni de gauche. C'est seulement efficace.
Encore faudrait-il que cessent préalablement les déformations de la réalité, les manipulations des chiffres, les mensonges et les contre-vérités, l'exploitation de l'émotion, les positions à géométrie variable, la démagogie et le populisme.
Et sur ce terrain la partie est loin d'être gagnée...
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A écouter, l'interview de Christophe Regnard, président de l'Union Syndicale des Magistrats (USM) : cliquer ici.