Paroles de jurés (8)
Par Laurent Barbe
Voici un nouveau témoignage de juré. Le texte étant toutefois assez long, il vous est proposé sous forme de fichier pdf à télécharger. En voici seulement l'introduction :
Participer à un jury d’assises, comme je viens de le faire est une expérience à la fois riche, prenante et rare dans une vie de citoyen. Il est impossible de rester indifférent à tout ce qui est agité, mis en jeu, dans ce grand théâtre de la vie sociale qu’est une cour d’assises. Ces notes cherchent à évoquer l’écho de cette expérience.
La libido en procès
A la lecture des affaires de la session, un premier commentaire s’était imposé à moi sur la prépondérance des affaires touchant aux mœurs comme on disait en des temps moins crus. Ainsi le « programme » distribué à tous les jurés lors de la session d’ouverture donnait les énoncés judiciaires « secs » de chaque affaire : un meurtre commis par une femme, une affaire de viols sur mineur par personne ayant autorité, un meurtre dans le cadre d’un hold-up, un viol « simple »... je veux dire par là ni aggravé, ni précédé ou suivi d’actes de barbarie ou de circonstances amenant une qualification judiciaire particulière. Ayant vu plusieurs intitulés de la sorte dans le programme des autres sections d’assises, je m’étais à ce moment félicité que ma sensibilité puisse échapper aux détails sordides que laissaient attendre de telles qualifications.
J’en concluais in petto que 3 affaires sur 4 renvoyaient au sexe, le meurtre dans le cadre du hold-up m’apparaissant comme relevant de l’univers éternel des truands. Il allait s’avérer que même ce hold-up, commis par un policier dans un sauna homosexuel qu’il fréquentait depuis plusieurs années dans le cadre d’une homosexualité honteuse relevait par bien des éléments de la première catégorie.
Dans toutes les affaires, modernité oblige, furent ainsi abordés à peu prés dans cet ordre, la sodomie, les godemichés, les magasins spécialisés, les fellations, les pratiques habituelles au sein des saunas, sans compter les pratiques de prédation libidineuses des pédophiles... Si l’on en juge par l’importance de ces thèmes et par la sérénité avec laquelle toutes ces questions ont été abordées par les magistrats et les jurés, c’est à dire sans excès d’indignation ou de curiosité, on peut en conclure que nous vivons une époque dans laquelle ces sujets font vraiment partie de l’ordinaire. Cela ne donne pas pour autant, on s’en doute, le sentiment que cette libération des mœurs ait apporté à tous un égal épanouissement.
Sombre face de l’être humain...
Une des confrontations les plus fortes auxquelles les assises convient les citoyens ordinaires dans mon genre est celle qui concerne la face sombre de l’être humain qui prend ici différentes figures, de la plus proche de nous à la plus étrange. Celle dans laquelle l’Autre devient une proie, un objet d’assouvissement, ou un simple obstacle qu’il faut éliminer. Et même dans une session pourtant peu « spectaculaire » on est saisi par le degré d’indifférence que l’être humain peut développer face à son prochain.
On commence par la femme qui a tué son compagnon, plus jeune « pour se défendre » mais chez qui transparaît un mépris radical pour le marginal rêveur et faible qu’il était, mépris qu’elle exprimait manifestement fréquemment dans les lieux sociaux qu’ils fréquentaient. Ici c’est une froideur relationnelle, somme toute banale, qui dégénère en fait criminel. (...)
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