Paroles de jurés (13)
Par Mme V., juré en 2013
Réaction à l’avis du tirage au sort : Je n’ai pas eu une réaction très positive, je l’avoue…Beaucoup de questions : Pourquoi moi ? Mes enfants, mon travail ? Un mari en déplacement pour 4 mois … Comment vais-je m’organiser ? Qu’est-ce qui m’attend ? Quels types de crimes vais-je être emmenée à juger ? Peur de l’inconnu en fait …
Révision de la liste des jurés : Cette révision a un côté très dissuasif. Expliquer à la barre, devant une assemblée inconnue, les raisons pour lesquelles on souhaiterait être dispensé, devient de suite très difficile et presque inutile.
Réunion de présentation : Complète et suffisante. Peut-être serait-il utile d’apporter des précisions claires sur la rémunération/l’indemnisation d’autant plus que le document qui nous est adressé avec la convocation n’a pas été actualisé.
Tirage au sort du jury de chaque affaire : Episode très stressant, du moins en ce qui me concerne. Sans doute une appréhension par rapport à ce que l’on va entendre, voir et devoir juger …
Le procès dans son déroulement et ses acteurs : Grande découverte ! Très intéressant, notamment les professionnels (experts psychologues, experts psychiatres, enquêteurs de personnalités, médecins). Moments difficiles et prenants : les témoignages des victimes (des phrases, des récits me reviennent encore …). Episodes curieux et quelques fois « amusants » : les plaidoiries des avocats de la défense.
Le délibéré : Moment difficile …. Surtout lors du vote sur la durée de la peine. Il y a eu des situations dans lesquelles la durée de la peine n’a fait aucun doute et d’autres où la décision a été plus compliquée à prendre. C’est à ce moment-là que les échanges autour de la table peuvent nous aider à statuer.
Difficultés et intérêts de la fonction de juré : La principale difficulté est de savoir si l’on a les capacités à pouvoir juger ces accusés. Nous, citoyens, novices, nous allons très certainement être amenés à condamner des individus ! Ceci est une lourde responsabilité !
Le principal intérêt de la fonction de juré est de comprendre le cheminement qui intervient dans une décision de justice, même si au travers de notre courte expérience de « juré d’un jour » nous n’en avons découvert sûrement que les grandes lignes.
L’application et le calcul de réduction des peines se sont révélés très intéressants mais je le reconnais, injustes parfois. Peut-être parce que l’on a tendance à se mettre à la place de la victime. Il est d’ailleurs bien regrettable que les victimes ou familles de victimes aient à attendre des années avant de voir leurs agresseurs jugés et condamnés. Des moyens supplémentaires doivent être mis à la disposition de la justice française pour avancer dans ce domaine.
Je sais dorénavant ce qu’il se passe de l’autre côté de la cour d’assises et je réaffirme qu’il n’est pas facile de condamner un accusé même si ce dernier reconnait sa culpabilité, même si je sais qu’il existe des procès bien plus difficiles et compliqués que ceux auxquels j’ai assisté.
Depuis le mois dernier, je suis beaucoup plus attentive à ce que je peux lire ou entendre, traitant de problème de justice, de révision de loi (récidive notamment), … et paradoxalement j’évite quelques fois les reportages télévisés traitant de procès sans doute parce que l’expérience vécue est encore bien présente.
Cette expérience, très intéressante et enrichissante mais dont on ne ressort pas psychologiquement indemne, m’a aussi permis d’apprécier ces moments d’échanges et de partage avec le Président, avec les juges assesseurs et avec mes « collègues jurés ».