Nos prisons du moyen âge
Par Michel Huyette
Si les individus qui ont délibérément violé la loi et mis en péril les équilibres précaires du groupe social peuvent mériter une sanction, parfois sous la forme d'un emprisonnement, encore faut-il que la mise en oeuvre de celle-ci ne heurte aucune de nos valeurs fondamentales.
Notamment, les conditions d'incarcération ne doivent pas violer le principe mentionné à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme selon lequel "nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants".
On ne peut qu'être effaré en lisant la recommandation du contrôleur général des lieux de privation de liberté, publiée au journal officiel du 4 mars 2010, concernant la maison d'arrêt de Mulhouse, et dans laquelle il est écrit :
"Les conditions de vie imposées aux détenus sont indignes : les locaux sont vétustes, le sol dégradé, les peintures écaillées, le mobilier des cellules en mauvais état ; les toilettes sont d'une telle exiguïté qu'il est impossible à la plupart des personnes de s'y asseoir correctement.
L'hygiène souffre de la présence de nombreux « nuisibles » (cafards, rats). Les douches, disponibles à l'étage et non dans chaque cellule, sont mal équipées et une mauvaise aération est responsable de l'apparition de nombreuses traces de moisissure aux murs et de cloques sur les peintures. Le réseau électrique, comme la plomberie, est en très mauvais état. Des travaux d'importance devraient être rapidement réalisés pour que les personnes détenues puissent vivre de façon décente. Il est pris acte de ceux engagés depuis la visite, notamment l'installation d'une ventilation mécanique contrôlée dans chacune des douches, le changement progressif des fenêtres dans le cadre d'un plan pluriannuel et la rénovation du réseau électrique. Il est toutefois à craindre que la progressivité dans le temps de cette remise à niveau, s'agissant en particulier des cellules dont la réfection est réalisée en fonction de leur inoccupation, ne conduise à maintenir cette situation indigne encore trop longtemps.
La situation des personnes à mobilité réduite devrait être mieux prise en compte car, dans cet établissement comme dans de nombreux autres, rien n'est adapté. Le seul aménagement est une rampe mobile confectionnée localement, rails montés puis démontés par les surveillants à chaque entrée ou sortie d'un seul des bâtiments de la détention. Cette situation conduit à l'isolement de ces personnes qui n'ont pas accès aux différentes activités.
Les cellules d'attente situées en sous-sol du bâtiment administratif, qui servent au transit des détenus lors de leur arrivée ou de leur départ, sont, compte tenu de leur état, particulièrement indignes et il ne devrait pas être admis d'y laisser séjourner des détenus, fût-ce pour un temps très bref. Les circuits de circulation des détenus devraient être revus et ces cellules interdites d'emploi. L'existence même de ces cellules est d'ailleurs de nature à accroître le « choc carcéral » alors qu'au contraire tout devrait être fait pour l'atténuer.
Les parloirs, sous forme d'une grande salle collective sans séparations, ne sont pas propices à un maintien satisfaisant des liens familiaux. Il est en effet impossible aux familles, confrontées à un brouhaha indescriptible, d'échanger sereinement avec leurs proches détenus."
Et il ajoute :
"Le Contrôleur général se doit de signaler qu'il n'a jamais été confronté, dans un établissement pénitentiaire, à une situation aussi dégradée depuis le début de sa mission."
Les conditions de vie insupportables imposées aux personnes détenues dans cette prison ressemblent bien à des traitements inhumains et dégradants au sens de la convention européenne précitée. Sans parler de la notion de réinsertion qui devient incongrue dans un tel environnement.
Mais ce ne sont pas que celles-ci qui heurtent profondément.
En effet, à tous les niveaux des administrations d'Etat, chacun connaît depuis des dizaines d'années la situation de cet établissement pénitentiaire. Le délabrement n'apparaît pas en une seule nuit.
Or, puisque pendant si longtemps rien n'a été fait et que c'est en connaissance de cause que l'on a laissé ces gens vivre dans des conditions humiliantes, cela signifie que la situation n'a pas véritablement perturbé les décideurs.
Le regard sur les conditions de vie des détenus a donc été en grande partie indifférent.
C'est peut-être cela le plus inacceptable.
Si les individus qui ont délibérément violé la loi et mis en péril les équilibres précaires du groupe social peuvent mériter une sanction, parfois sous la forme d'un emprisonnement, encore faut-il que la mise en oeuvre de celle-ci ne heurte aucune de nos valeurs fondamentales.
Notamment, les conditions d'incarcération ne doivent pas violer le principe mentionné à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme selon lequel "nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants".
On ne peut qu'être effaré en lisant la recommandation du contrôleur général des lieux de privation de liberté, publiée au journal officiel du 4 mars 2010, concernant la maison d'arrêt de Mulhouse, et dans laquelle il est écrit :
"Les conditions de vie imposées aux détenus sont indignes : les locaux sont vétustes, le sol dégradé, les peintures écaillées, le mobilier des cellules en mauvais état ; les toilettes sont d'une telle exiguïté qu'il est impossible à la plupart des personnes de s'y asseoir correctement.
L'hygiène souffre de la présence de nombreux « nuisibles » (cafards, rats). Les douches, disponibles à l'étage et non dans chaque cellule, sont mal équipées et une mauvaise aération est responsable de l'apparition de nombreuses traces de moisissure aux murs et de cloques sur les peintures. Le réseau électrique, comme la plomberie, est en très mauvais état. Des travaux d'importance devraient être rapidement réalisés pour que les personnes détenues puissent vivre de façon décente. Il est pris acte de ceux engagés depuis la visite, notamment l'installation d'une ventilation mécanique contrôlée dans chacune des douches, le changement progressif des fenêtres dans le cadre d'un plan pluriannuel et la rénovation du réseau électrique. Il est toutefois à craindre que la progressivité dans le temps de cette remise à niveau, s'agissant en particulier des cellules dont la réfection est réalisée en fonction de leur inoccupation, ne conduise à maintenir cette situation indigne encore trop longtemps.
La situation des personnes à mobilité réduite devrait être mieux prise en compte car, dans cet établissement comme dans de nombreux autres, rien n'est adapté. Le seul aménagement est une rampe mobile confectionnée localement, rails montés puis démontés par les surveillants à chaque entrée ou sortie d'un seul des bâtiments de la détention. Cette situation conduit à l'isolement de ces personnes qui n'ont pas accès aux différentes activités.
Les cellules d'attente situées en sous-sol du bâtiment administratif, qui servent au transit des détenus lors de leur arrivée ou de leur départ, sont, compte tenu de leur état, particulièrement indignes et il ne devrait pas être admis d'y laisser séjourner des détenus, fût-ce pour un temps très bref. Les circuits de circulation des détenus devraient être revus et ces cellules interdites d'emploi. L'existence même de ces cellules est d'ailleurs de nature à accroître le « choc carcéral » alors qu'au contraire tout devrait être fait pour l'atténuer.
Les parloirs, sous forme d'une grande salle collective sans séparations, ne sont pas propices à un maintien satisfaisant des liens familiaux. Il est en effet impossible aux familles, confrontées à un brouhaha indescriptible, d'échanger sereinement avec leurs proches détenus."
Et il ajoute :
"Le Contrôleur général se doit de signaler qu'il n'a jamais été confronté, dans un établissement pénitentiaire, à une situation aussi dégradée depuis le début de sa mission."
Les conditions de vie insupportables imposées aux personnes détenues dans cette prison ressemblent bien à des traitements inhumains et dégradants au sens de la convention européenne précitée. Sans parler de la notion de réinsertion qui devient incongrue dans un tel environnement.
Mais ce ne sont pas que celles-ci qui heurtent profondément.
En effet, à tous les niveaux des administrations d'Etat, chacun connaît depuis des dizaines d'années la situation de cet établissement pénitentiaire. Le délabrement n'apparaît pas en une seule nuit.
Or, puisque pendant si longtemps rien n'a été fait et que c'est en connaissance de cause que l'on a laissé ces gens vivre dans des conditions humiliantes, cela signifie que la situation n'a pas véritablement perturbé les décideurs.
Le regard sur les conditions de vie des détenus a donc été en grande partie indifférent.
C'est peut-être cela le plus inacceptable.