Le régime de détention des mineurs
Par Michel Huyette
Les mineurs détenus (l'âge s'apprécie au moment de la détention, non de la commission des faits) ne sont pas des détenus comme les autres. Leur âge, leur évolution, le fait qu'ils soient encore sous l'autorité juridique de leurs parents, imposent d'organiser de façon spécifique leur séjour en détention.
Le ministère de la justice a élaboré (le 24 mai 2013) puis publié (le 8 juin 2013) une longue et importante circulaire intitulée : "Circulaire du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs". (document intégral ici)
Parmi de très nombeux points abordés :
- Le lieu de détention du mineur : "L’EPM (établissement spécialisé pour mineur) doit être privilégié dans les cas où une détention longue est prévisible, notamment dans le cadre des procédures criminelles, afin que les mineurs puissent bénéficier des conditions les plus favorables en termes d’encadrement éducatif ou de préparation du projet de sortie." (..) "Tout mineur incarcéré, même pour une courte durée, doit pouvoir exécuter son temps de détention dans les meilleures conditions possibles et le choix de l’établissement doit répondre à cet objectif."
- La mise en cellule individuelle : "Le principe de l’encellulement individuel des mineurs est fixé par l’article R. 57-9-12 du CPP. La capacité d’hébergement de la structure d’accueil doit être vérifiée avant toute décision d’affectation d’un mineur."
- La détention des mineures : "L’article R. 57-9-10 du CPP pose le principe de l’accueil des mineures au sein d’unités prévues à cet effet sous la surveillance des personnels de leur sexe. Afin d’éviter l’isolement d’une mineure détenue, il convient de veiller de manière rigoureuse à ce qu’elle ne soit jamais incarcérée seule dans un établissement. La détermination, sur l’ensemble du territoire national, d’un nombre restreint d’établissements susceptibles d’accueillir des mineures détenues doit permettre d’éviter cet isolement. Les mineures condamnées seront, autant que faire se peut, regroupées dans un même établissement. S’agissant des mineures prévenues, il convient de sensibiliser l’autorité judiciaire notamment en lui indiquant les établissements qui accueillent déjà des mineures. En tout état de cause et quelle que soit l’affectation décidée, la mineure doit pouvoir bénéficier d’un suivi éducatif continu par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui peut se faire dans un contexte de mixité."
- L'arrivée de la majorité : "Les jeunes personnes détenues ont vocation, dès leur majorité, à rejoindre les lieux de détention des majeurs, de manière à respecter la nature spécifique de la prise en charge des mineurs détenus et à assurer le principe de séparation entre mineurs et majeurs. Cependant, le changement de type de prise en charge et d’environnement à la majorité constitue souvent une rupture brutale qui, dans le cas d’une fin d’incarcération proche de la date de passage à l’âge de la majorité, peut compromettre le travail éducatif. Lorsque sa personnalité et son comportement en détention le justifient, une personne détenue qui atteint l’âge de la majorité en détention peut être maintenue avec son accord en EPM ou en QM sur le fondement de l’article R. 57-9-11 du CPP jusqu’à l’âge de 18 ans et 6 mois. Cela peut s’avérer utile notamment dans le cadre d’une préparation d’aménagement de peine." (..) "Ce maintien ne peut se concevoir sans l’accord de la personne détenue devenue majeure en raison des dérogations qu’il induit par rapport à son statut de majeur. En effet, le jeune majeur demeure soumis aux règles de fonctionnement de l’établissement qui l’accueille. Par voie de conséquence, l’ensemble des restrictions ou interdictions liées à la minorité ou à la nature de l’établissement continue à s’imposer à lui. En revanche, son statut est modifié à la date anniversaire de sa majorité pour l’exercice de ses droits personnels et de ses obligations juridiques. La personne détenue devenue majeure relève du régime disciplinaire des adultes et les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale ne sont plus applicables. Il apparaît important que ces nouveaux droits et obligations soient clairement identifiés par le jeune majeur et que, en conséquence, le règlement intérieur fasse un état détaillé des modifications du régime de prise en charge liées au passage à la majorité."
- Les interventions sociales et éducatives : "L’article R. 57-9-13 du CPP pose le principe d’une articulation constante entre les équipes de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. A cet égard, l’article D. 514 du CPP dispose que, dans chaque établissement, une équipe pluridisciplinaire réunit des représentants des différents services intervenant auprès des mineurs incarcérés. Afin d’assurer la cohérence dans les interventions de chacun, les différents services doivent mutualiser les informations et coordonner leurs actions dans l’intérêt du mineur. Un travail d’articulation des différentes fonctions doit permettre de construire une pluridisciplinarité qui respecte l’identité professionnelle et l’éthique de chacun." (..) "Les échanges et réflexions de l’équipe pluridisciplinaire permettent d’élaborer le projet individuel de prise en charge des mineurs pendant la détention et contribuent à la construction de leur projet de sortie piloté par la PJJ (aménagement de peine notamment)."
- L'enseignement et la formation : "L’accès des mineurs détenus à l’instruction et à la formation constitue un enjeu particulier qui requiert l’engagement de l’ensemble des personnels concernés, qu’ils relèvent de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse ou de l’éducation nationale. L’objectif est d’adapter les activités d’enseignement et de formation aux contraintes de la détention et au parcours de chaque mineur. Le principe de ce droit à l’instruction et à la formation est posé par les dispositions générales du code de procédure pénale (articles 16 et 17 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l’article R. 57-6-18, D. 435, D. 436, D. 436-3, D. 437, D.438 et D. 438-2) et du code de l’éducation (articles L111-1, L121-2, L122-1-1, L122-2, L122-5 et L131-1). L’école a, envers le mineur détenu, les mêmes devoirs qu’envers les autres élèves, c’est-à-dire qu’elle est tenue de lui proposer des modalités effectives de scolarisation jusqu’à ses 18 ans. Au delà de l’obligation scolaire qui s’applique aux mineurs de moins de 16 ans, la loi pénitentiaire énonce pour tous les mineurs détenus une obligation d’activité à caractère éducatif (article 60 de la loi pénitentiaire). Dans un contexte où une grande majorité de mineurs est déscolarisée avant l’incarcération, il conviendra de prendre toutes dispositions utiles pour permettre aux mineurs de plus de 16 ans de reprendre ou de poursuivre des études (article L. 122-2 du code de l’éducation)."
- L'exercice de l'autorité parentale : "La famille joue un rôle de premier plan dans le processus de réintégration du mineur au sein de la collectivité. Le maintien des liens familiaux constitue dès lors un véritable enjeu de la détention, à la fois dans le déroulement de celle-ci et dans la préparation à la sortie. Ainsi, lorsque la situation du mineur le permet et sauf avis contraire du magistrat, le personnel pénitentiaire et le service de la protection judiciaire de la jeunesse doivent veiller à favoriser ces relations et impliquer la famille dans le déroulement de la détention. L’exercice de l’autorité parentale, définie à l’article 371-1 du code civil, n’est pas interrompu par l’incarcération du mineur. Le chef d’établissement et les services de la protection judiciaire de la jeunesse assurent l’information et recueillent les avis des titulaires de cette autorité."
- L'isolement : "Aucune mesure d’isolement, qu’elle soit administrative ou judiciaire, ne peut plus être prononcée à l’encontre d’un mineur détenu. L’isolement administratif a en effet été supprimé pour les mineurs à compter de l’entrée en vigueur de l’article 12 du décret n° 2007-749 du 9 mai 2007. L’article 726-1 du CPP, introduit par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, prohibe l’isolement administratif d’une personne détenue mineure. Par ailleurs, aucun régime spécifique d’isolement judiciaire n’a été prévu pour les mineurs dans le décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire. En l’absence d’un tel régime, une telle mesure est impossible."
- La protection individuelle : "Tout mineur détenu peut demander à bénéficier d’une mesure de protection individuelle (article D. 520 du CPP). Le chef d’établissement peut faire droit à cette demande, après avis de l’équipe pluridisciplinaire, dès lors que les circonstances de la détention ou la personnalité du mineur nécessitent la mise en œuvre de mesures de protection particulières. En effet, pendant le temps de la détention, un mineur peut rencontrer des difficultés importantes ou des dangers potentiels ou avérés vis-à-vis du groupe qui imposent de l’extraire momentanément de la vie collective. Cette mesure ne peut être décidée d’office par le chef d’établissement. Le consentement du mineur à la mesure doit être recueilli par écrit."
- Les sanctions disciplinaires : "En application de l’article R. 57-7-49 du CPP, lorsque la personne détenue est mineure, les sanctions disciplinaires sont prononcées en considération de son âge, de sa personnalité et de son degré de discernement. Les sanctions applicables aux mineurs visent à limiter le recours au quartier disciplinaire en offrant plus d’alternatives. Ces sanctions se doublent d’un caractère éducatif, notamment la sanction de réparation particulièrement adaptée aux mineurs. Elles visent en premier lieu à faire prendre conscience le mineur du préjudice causé par son acte. En aucun cas, une sanction disciplinaire ne doit limiter l’accès aux soins."
A la circulaire en elle-même sont annexés de nombreux documents méthodologiques.