La future cour d'assises et les citoyens assesseurs
Par Michel Huyette
Nous en avons parlé récemment (lire ici), le gouvernement a élaboré un projet de loi afin, notamment, de créer des citoyens assesseurs appelés à siéger aux audiences des tribunaux correctionnels, pour le jugement des délits, et en même temps de modifier certaines règles de la cour d'assises.
Ce projet vient d'être examiné par le Sénat qui en a modifié plusieurs dispositions (texte ici).
On relèvera d'abord qu'il n'est fort heureusement plus question d'une cour d'assises modèle réduit, composée comme le tribunal correctionnel avec des citoyens assesseurs. Le rapporteur du Sénat considère, comme nous l'avions souligné ici déjà, qu'il y aurait trop de ressemblance entre les trois juges et les deux jurés jugeant les crimes et les trois juges et les deux citoyens assesseurs jugeant les délits (texte du rapport ici). C'est heureux.
Mais parce qu'il maintient le principe des citoyens assesseurs voulu par le chef de l'Etat, et parce qu'il va falloir faire appel à de très nombreux citoyens en correctionnelle, le Sénat a choisi de réduire le nombre des jurés siégeant dans les cours d'assises. Aujourd'hui, sont tirés au sort 9 jurés en première instance, et 12 jurés en appel (plus un ou plusieurs jurés suppléentaires pouvant remplacer un juré défaillant). Le texte du Sénat prévoit à l'avenir 6 jurés en première instance et 9 en appel, soit 3 de moins à chaque fois.
Cela ayant inéluctablement des conséquences sur les modalités du vote (sur le système actuel lire ici), il est prévu que les décisions sur la culpabilité se prennent à l'avenir à la majorité qualifiée de 6 voix en première instance (8 actuellement) et 9 voix en appel (10 actuellement). Cela signifie que le principe d'une majorité des 2/3 des votants est maintenue, mais non un vote dans le même sens d'une majorité de jurés.
Et par ricochet, le nombre de jurés pouvant être récusés (lire ici) est logiquement réduit (1 juré en moins pour l'accusé et le Ministère public en première instance et en appel).
On remarquera en passant qu'il n'est affirmé nulle part qu'il existe, au regard du fonctionnement des cours d'assises, une ou des raisons objectives de réduire le nombre des jurés. L'explication se trouve donc bien dans la volonté de transférer un certain nombre de citoyens de la cour d'assises vers les tribunaux correctionnels, chacun d'entre eux devenant un "tribunal correctionnel citoyen".
Notons pour en finir avec la cour d'assises que le texte du Sénat maintient au début de chaque affaire, après le tirage au sort du jury, le principe d'une présentation par le président de la cour d'assises des éléments à charge et à décharge du dossier, ce qui semble contradictoire avec son devoir d'impartialité et sera un exercice très/trop délicat.
Par ailleurs, le texte confirme le devoir de motivation succincte des décisions criminelles, ce qui semble conforme avec la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme (lire not. ici et ici) et doit être approuvé.
S'agissant des citoyens jurés, le texte du Sénat abandonne le principe d'une enquête sur leur moralité et leur impartialité, qui comme nous l'avions souligné n'avait pas de raison d'être (lire ici). Le texte renvoie plus logiquement aux conditions générales énoncées par le code de procédure pénale pour être juré, et cela est nettement plus judicieux.
Notons que le Sénat n'a pas retenu la proposition du rapporteur de réduire l'âge minimal pour être citoyen assesseur de 23 à 18 ans. Cela est une bonne chose car l'appréhension de certains dossiers suppose une mâturité et une expérience de la vie minimales que les tout juste jeunes majeurs n'ont pas encore.
Le texte va prochainement être soumis à l'Assemblée nationale. Nous reviendrons donc sur ces sujets qui sont susceptibles de concerner un très grand nombre de français, même si le système des citoyens assesseurs va probablement être expérimenté localement avant d'être étendu à tout le territoire national.