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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  La réalité d'une démocratie se mesure principalement dans l'existence, la nature, et l'efficacité des contre pouvoirs.

  Par ailleurs, il y a parfois une grande distance entre le discours public sur le respect des citoyens et de leurs droits, et la réalité concrète.

  C'est pourquoi il est indispensable, dans toute société se voulant réellement démocratique, qu'existent des organismes  suffisamment indépendants capables de discuter et si nécessaire de contester et dénoncer les pratiques inacceptables des gouvernements et des services publics.

  En France, de tels organismes ont ainsi été créés. Ce sont, notamment :

- La commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), créée en 2000, "chargée de veiller au respect de la déontologie des personnes exerçant, sur le territoire de la République, des activités de sécurité". (cf. article précédent)

- Le(la) Défenseur(e) des enfants, créé en 2000, chargé de "défendre et de promouvoir les droits de l'enfant tels qu’ils ont été définis par la loi ou par un engagement international comme la convention internationale des droits de l'enfant"

- La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), créée en 2004, qui "aide toute personne à identifier les pratiques discriminatoires et à les combattre"

- Le contrôleur des lieux privatifs de liberté, créé en 2007, ayant pour mission"de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux."article précédent ; autre article)


  Mais en juillet 2008, la constitution française a été modifiée. A cette occasion il a été créé un "Défenseur des droits" (art. 71-1). La mission de cette nouvelle institution est définie ainsi :

  "Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d'office.
".

  Une loi organique, en phase d'élaboration, devra préciser les modalités de fonctionnement de cette institution et, surtout, dire quel organismes existant sont supprimés.


  Il y a quelques jours, certains des organismes menacés ont fait connaître leur inquiétude et leur désapprobation, après avoir eu connaissance du projet de loi organique.

  La CNDS a publié un communiqué dans lequel, après avoir souligné que le projet prévoit, en matière de déontologie des forces de sécurité, que le défenseur des droits puisse consuter un collège de trois personnes désignées par le président de la République, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat, elle fait valoir - à juste titre - que cela n'aura rien à voir ce qui existe actuellement en terme de pluridisciplinarité, de compétence et d'indépendance de ses membres.

  La défenseure des enfants, également menacée de suppression, a aussi publié un communiqué s'élevant vigoureusement contre le projet. Elle souligne qu'alors que de nombreux pays d'Europe ont aussi un défenseur des enfants, la France serait le premier a supprimer cette institution qui a aussi fait ses preuves.


  Que faut-il penser de tout ceci ?

  D'abord qu'il est certain qu'un seul individu, même secondé par une équipe, ne pourra jamais avoir la même compétence technique, juridique, humaine, que des professionnels répartis dans plusieurs organismes très spécialisés.

  Ensuite qu'il n'est pas certain que le défenseur des droits ait la même indépendance vis à vis des pouvoirs publics que les organismes supprimés, dont les membres ont parfois un profil qui les rend peu sensibles aux sirènes du pouvoir.

  Par ailleurs que, sauf explication convaincante en sens contraire, qu'il n'est pas aisé d'imaginer, il n'existe aucune raison, favorable aux citoyens, de supprimer des organismes qui fonctionnent parfaitement bien, qui ont acquis une expérience indiscutable dans leur domaine de compétence, et qui ont su conquérir leur indépendance face aux pouvoirs en place.

  Au demeurant, il sera sans doute plus difficile à un citoyen de s'adresser à un "défenseur des droits" généraliste qu'à une institution reconnue comme spécialisée dans son domaine de compétence. Ce sera en premier lieu le cas pour les mineurs qui ont maintenant bien repéré le défenseur des enfants.

  L'argument mis en avant en faveur du défenseur des droits est que son existence est dorénavant inscrite dans la constitution et que, en conséquence, il ne sera plus possible de le supprimer. Mais c'est alors qu'apparaît le stratagème : sous couvert de péréniser une institution, on supprime les organismes qui existent, qui sont efficaces mais qui dérangent, et on les remplace par un autre nettement moins dangereux pour ceux qui nous gouvernent.


  Au final, il pourrait s'agir d'une volonté manifeste de supprimer des contre pouvoirs qui agacent par leur indépendance et leur sens critique. La démocratie y perdrait, et, surtout, la protection de chaque citoyen français serait considérablement amoindrie.


  L'enjeu semble bien plus important qu'il n'y paraît à première vue....




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J
<br /> <br /> Bonjour M. Huyette,<br /> <br /> Entre l'exposé des problèmes soulevés et votre commentaire, vous écrivez "Que faut-il penser de tout ceci?". Je suis peut-être un peu trop formaliste et je sais bien que cette expression n'est,<br /> en tout cas pour vous, qu'une manière de transition, il n'empêche que je l'ai tellement entendue, à la radio notamment, quand le journaliste passe la parole au supposé expert de la question en<br /> débat, avec sa variante "Que doit-on penser...", qu'elle m'irrite à chaque fois. D'autant que le "il faut" supprime toute possibilité de pensée un peu libre.<br /> Cela ne retire rien, évidemment, à la pertinence de vos observations dont je suis un lecteur assidu.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> C'est noté ! Je promets de faire plus attention la prochaine fois.<br /> Merci quand même d'avoir su lire que, dans mon esprit, il ne s'agissait que d'une phrase de transition et de rien d'autre.<br /> MH<br /> <br /> <br />
L
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> C'est un article tiré du Dalloz. Voici la référence : D. 2009, « droit<br /> constitutionnel, mars 2008-Décembre 2008 », de Valérie Bernaud, (Maître de conférences à l'Université d'Avignon) et  Laurence Gay, (Chargée de recherches au CNRS) p 1852.<br /> <br /> <br /> Seul un paragraphe concerne le défenseur des droits donc vous risquez d'être déçu<br /> si vous recherchez l'article : <br /> <br /> <br />  L'article 71-1 de la Constitution devrait<br /> également contribuer à une meilleure protection des personnes puisqu'il met en place un Défenseur des droits » dont la filiation avec le « Defensor del pueblo » espagnol paraît<br />  évidente. Il aura pour mission générale de veiller « à la protection des<br /> droits et des libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à<br /> l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ». Il faut espérer que le législateur organique suive les recommandations du Comité Balladur qui avait conçu ce Défenseur<br /> comme devant se substituer à plusieurs autorités administratives indépendantes existantes (notamment le<br />  Médiateur de la République) et comme devant se voir reconnaître une fonction à la fois élargie et mieux définie. On sait en effet à quel point la superposition de ces instances et<br /> l'enchevêtrement de leurs compétences préjudicient en définitive à leur efficacité ».<br /> <br /> <br /> Vous ne trouverez pas davantage d'arguments dans cet article, seulement une<br /> affirmation catégorique qui effectivement aurait mérité d'être étayée, et resterez certainement sur votre faim autant que moi.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br />  <br /> <br /> Quant au fait de supprimer plusieurs organismes, un auteur en doctrine dédramatise<br /> en affirmant que « la superposition de ces instances -les autorités administratives indépendantes- et l'enchevêtrement de leurs compétences préjudicient en définitive à leur<br /> efficacité ». (Laurence Gay, chargée de recherches au CNRS, Université Paul Cézanne). Elle doit savoir de quoi elle parle.<br /> <br /> <br /> Néanmoins, il est vrai que les inquiétudes restent nombreuses et sont certainement<br /> légitimes sur des points multiples. Christophe Daadouch fait remarquer que la CNIL aurait sauvé sa place en faisant valoir l'extrême complexité de son domaine, il en irait de même de la HALDE, au<br /> nom cette fois de l'importance des discriminations, justifiant dès lors un domaine qui reste spécifique. A croire, donc que la défenseur des enfants, elle, ne travaille pas (ou plus) dans un<br /> domaine spécifique ( en ce sens, l'idée d'aligner le droit des mineurs sur celui des majeurs : application des peines planchers même si elles sont modérées, volonté de créer un code pénal des<br /> mineurs...), ni complexe...<br /> <br /> <br /> Enfin en réalité je ne sais quoi en penser, je ne trouve pas dans mes recherches<br /> les motifs justifiant que le médiateur de la République et le défenseur des enfants, notamment, passent à la trappe. En général quand on modifie ou plus encore, quand on supprime, une institution<br /> la moindre des choses c'est de le justifier. Ce n'est pas à l'institution menacée de faire valoir sa place mais à celui qui entend lui enlever de s'en expliquer. Enfin<br /> idéalement.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> N'ayant pas lu l'article que vous citez, je serais curieux d'entendre l'argumentaire qui démontre de façon indiscutable que l'existence de plusieurs institutions ayant chacune un domaine<br /> d'atribution clairement défini, et une compétence acquise reconnue par tous, nuit à leur "efficacité".....<br /> MH<br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> Merci, merci, merci, éducatrice à la PJJ, je fréquentais souvent le site sur la justice des mineurs, les informations sur la jurisprudence m'interressait particulièrement, aujourd'hui, le blog<br /> "paroles de juges" m'apporte l'argumentation ou des éléments de réflexion par rapport à l'actualité très mouvante de nos institutions. j'apprecie particulièrement le ton et l'analyse. alors qu'on<br /> veut nous faire passer pour des hommes de cro magnon en défendant les valeurs fondamentales de notre travail notamment, vos articles me permettent de me dire que je ne suis pas totalement à côté<br /> de la plaque en continuant à affirmer certains principes. Je ne vous cache pas que cela devient de plus en plus difficile pour les éducateurs de la PJJ que l'on voudrait bien transformer en<br /> simple exécutant, ayant une fonction de contrôle sur ces mineurs délinquants, qui ne seraient plus du tout des jeunes à protéger par ailleurs, et réduits à leurs passage à l'acte. désolée si<br /> ce commentaire n'est pas très technique, mais je souhaitais vous remercier pour l'ensemble des articles, qui recentrent à chaque fois les sujets, loin de la tourmente actuelle.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Cela ne se voit pas, mais je rougis....<br /> Merci à vous.<br /> Quant à votre remarque sur les évolutions de la PJJ, vous avez malheureusement probablement raison...<br /> MH<br /> <br /> <br />