La défense dans la peau (bibliographie)
Les éditions Stock (leur site) viennent de publier le livre de Maître Hervé Temime intitulé "La défense dans la peau".
Les livres écrits par des avocats sont de plus en plus nombreux. A son tour, Maître Temime propose le sien. Au delà des propos assez habituels sur le rôle de la défense et la force de l'engagement de l'avocat à côté de son client, quelques réflexions attirent particulièrement l'attention par leur intérêt, même si le format réduit du livre ne permet pas à son auteur de développer très longuement sa pensée.
Il commence par cette question qui, c'est vrai, est souvent posée aux avocats pénalistes : "Mais comment pouvez vous défendre X ?" . Pour l'opinion publique, il semble difficile voire impossible de défendre certains délinquants, qu'ils soient les plus violents, les plus pervertis, ou, s'agissant de la délinquance économique, de ceux qui paraissent les plus blâmables.
Maître Temime a raison de rappeler un principe essentiel : tout être humain, quoi qu'il ait fait et quelle que soit sa personnalité, a le droit et doit être défendu avec toute l'aide que peut apporter un avocat. Et à cette occasion il reprend à son compte une expression fort juste de Robert Badinter : "Défendre ce n'est pas aimer (son client), c'est aimer défendre, toujours et inlassablement".
Si jamais une critique peut parfois être faite, ce n'est pas sur la présence d'une défense organisée et forte, c'est, ponctuellement, sur la façon et les méthodes utilisées. Mais cela ne change rien au principe utilement rappelé dans le livre. C'est pourquoi Maître Temime peut être approuvé quand il souligne qu'il "n'existe pas de justice équilibrée sans une défense forte", et que la situation de faiblesse de la personne poursuivie pénalement doit être "atténuée par une défense aussi forte que possible", dans le but, notamment, de "rendre le procès équitable".
Intéressant est le passage du livre dans lequel Maître Temime donne son point de vue sur ce que doit être, selon lui, l'attitude d'un avocat quand son client veut voir son défenseur développer une thèse qui ne tient manifestement pas la route. C'est le cas, notamment, quand le client veut que son avocat plaide son innocence alors que ce dernier, après avoir lu le dossier, ne peut faire autrement qu'être convaincu que son client est bien coupable.
Il précise que les avocats ne passent pas leur temps à imaginer des scénarios contraires à la réalité mais plutôt à mettre leurs clients en face de leurs contradictions ou de leurs incohérences.
Et il explique un peu plus loin que dans une majorité des cas client et avocat plaident coupable et que l'objectif est alors d'obtenir la peine la moins lourde possible sans contester la culpabilité.
S'agissant de ses clients "célèbres", qui conduisent l'avocat vers la médiatisation, il raconte que devant la justice les "puissants" ou les "politiques" sont parfois eux aussi effondrés et totalement perdus.
Prenant le contre-pied de certains de ses confrères, Maître Temime dit considérer que la défense médiatique porte rarement ses fruits sur le plan judiciaire. Sur ce point il n'a probablement pas tort. Et il ajoute, un brin perfide vis à vis de ceux de ses confrères qui recherchent avidement la médiatisation, et pas uniquement dans l'intérêt de leurs clients : "Les meilleurs avocats que je connaisse se méfient comme de la peste de l'utilisation des medias dans leurs dossiers." Et, comme un autre coup de pied de côté, il écrit : "Il est vrai qu'il est plus facile, même si c'est totalement ridicule, de bomber le torse devant les caméras et les medias que de briller à l'audience.".
Enfin, voulant attirer l'attention sur la réelle efficacité de l'avocat, il écrit que : "Il y a deux catégories de bonnes plaidoiries. Il y a d'abord celles après lesquelles on se dit "Bon sang, quelle bête de scène". Mais dont il ne reste pas toujours grand chose. Et puis il y a celles dont on dit, après les avoir entendues "Bon sang mais c'est bien sûr, il a raison." C'est la deuxième catégorie qui est la bonne".
Cela rejoint la judicieuse remarque de M. Abadie, dans son récent livre sur son expérience de juré (lire ici).
Il est toutefois un sujet sur lequel il est difficile d'être d'accord avec l'auteur. En effet, Maître Temime affirme, sans toutefois développer son argumentation, que "la victime, quels que soient ses droits, ne devrait pas être présente au procès pénal."
Bien au contraire, seule la victime, physiquement présente, notamment dans les affaires d'agressions sexuelles ou de violences, peut venir expliquer comment les choses se sont passées, préciser une expression ou un mot mentionné dans un procès verbal, donner des explications complémentaires dont la juridiction a impérativement besoin, présenter son point de vue si un élément nouveau est mis en avant par la personne poursuivie etc..
Sans doute comprend-on un peu mieux la position de Maître Temime quand il précise avoir fait le choix, professionnellement, de ne défendre que des prévenus ou des accusés, jamais des victimes. La mise à l'écart de la victime peut faciliter le travail de l'avocat de la défense, en empêchant celle-ci d'apporter devant les juges la contradiction à la personne poursuivie.
Mais ce qui est dans l'intérêt de l'une des parties n'est pas forcément dans l'intérêt du processus judiciaire....