La chasse (cinéma et justice)
Par Michel Huyette
Parfois, aller au cinéma devrait être obligatoire. Si tel était le cas, tous les français devraient aller voir le film "La chasse" du réalisateur danois Thomas Vinterberg.
L'histoire est simple. Un homme qui travaille dans un jardin d'enfant refuse le cadeau que veut lui faire une petite fille qui a de l'affection pour lui. Elle boude en attendant sa mère, et quand les adultes, voulant comprendre son comportement, lui posent des questions qui très vite ressemblent plus à des suggestions, ils en arrivent à se convaincre que la petite fille a été victime d'une agression sexuelle de la part de cet homme. Pourtant il n'en est rien.
Une fois la mécanique infernale installée, rien ne l'arrête. De ceux qui tiennent un discours stéréotypé de faux spécialistes de l'éducation à ceux qui ne cherchent pas à comprendre, de ceux qui agissent avant de réfléchir à ceux qui excluent pour ne pas se poser de questions, la haine et le rejet sont de plus en plus forts et cèdent même parfois le pas à la violence la plus injuste.
Ce qui retient l'attention ce n'est pas tant le malentendu alimenté puis fantasmé par les adultes à partir des propos maladroits d'une petite fille. Ni le fait que quand elle déclare à sa mère qu'elle a menti celle-ci, sans doute influencée par les innombrables discours sur les enfants qui ne travestissent jamais la réalité, lui répond qu'il ne faut pas qu'elle se tracasse et qu'elle a eu raison de dénoncer les faits, ne semblant pas pouvoir admettre que sa fille a fait accuser à tort un adulte qui ne lui a jamais rien fait.
Non, ce qui est dramatique, c'est le miroir que le réalisateur a placé devant chacun d'entre nous. Et qui nous rappelle bien d'autres histoires.
Nous avons déjà parlé ici, à plusieurs reprises, de l'emblématique histoire de Richard Roman, ce marginal soupçonné un temps d'avoir participé au meurtre atroce d'un enfant. Faute de preuves, le juge d'instruction avait décidé de le remettre en liberté. Puis, à la cour d'assises, il a été définitivement acquitté. Mais entre temps, des hommes et des femmes, sans rien connaître du dossier, sont allés lancer des pavés sur le palais de justice dans lequel travaillait le magistrat instructeur. La haine aveugle, une fois encore, avait interdit toute réflexion sereine. (lire ici, ici)
Et on se souvient bien sûr de l'affaire "d'Outreau". Non pas à cause des décisions judiciaires successives. Mais de tous ceux qui avant d'acclamer "les acquittés" étaient prêts à pendre les "monstres violeurs d'enfants", sans même attendre le procès qui devait constater leur innocence.
C'est cela qui rend ce film insupportable mais tout autant indispensable.
Il nous rappelle que dans toutes ces situations les monstres, c'est nous.