L'évaluation des centres éducatifs fermés (CEF) - Rapport
Par Michel Huyette
Le ministère des affaires sociales et le ministère de la justice ont conjointement demandé une évalutation des CEF. Le rapport a été remis en début d'année (document intégral ici).
Dans la synthèse du document il est écrit, notamment :
"Les CEF ont été créés par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de la justice qui leur a conféré une place à part dans le dispositif de placement des mineurs délinquants régi par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. L’objectif était alors d’offrir aux magistrats prescripteurs un dispositif alternatif à l’incarcération pour des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants ne respectant pas les conditions d’un placement traditionnel et mettant en échec les différentes interventions éducatives. (..) Ces structures accueillent des mineurs, en alternative à l’incarcération, à l’occasion de placements préparés mais le plus souvent en urgence, dans un cadre fermé et contenant. En termes de démarche éducative, les CEF se démarquent des structures d’hébergement traditionnelles en ce qu’ils permettent une prise en charge soutenue des mineurs, sur une durée généralement de six mois, organisée en trois phases successives : une phase d’accueil et d’adaptation, une phase de mise en œuvre d’un programme intensif et une phase d’accompagnement pour la préparation de la sortie. Une équipe pluridisciplinaire assure un suivi éducatif et pédagogique renforcé, adapté à la personnalité des jeunes et orienté vers un objectif de réinsertion sociale et professionnelle."
"Les CEF, au nombre de 45 au 1er janvier 2013, sont gérés pour 33 d’entre eux par le secteur associatif habilité (SAH), et pour 12 par le secteur public (SP) de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Alors que l’on dénombrait, en 2010, 51 500 condamnations de mineurs pour crimes et délits, les CEF ont accueilli 1 240 mineurs tandis qu’en 2011 ils en recevaient 1 320, et 1 362 en 2012. Se fondant sur sa méthodologie, faute d’outils d’évaluation pertinents, la mission a constaté que ces jeunes relèvent majoritairement d’un contrôle judiciaire (83 % environ), sont à 97 % de sexe masculin et sont, en moyenne, âgés de 16 ans. En outre, ils présentent très souvent des problèmes personnels, affectifs et relationnels, scolaires et médicaux, notamment en termes d’addictions au tabac, à l’alcool, mais surtout à la consommation de stupéfiants sur laquelle il convient de porter une attention particulière."
"Le contenu de la prise en charge des jeunes placés recouvre des réalités assez différentes d’un CEF à l’autre. Les activités de jour proposées aux mineurs, sont variables dans leur nature et leur volume horaire. En tout état de cause, la mission a repéré que leur déficit ou inadéquation était fréquemment révélateur de dysfonctionnements installés dans l’établissement et pouvait plus particulièrement traduire une insuffisance dans le travail sur l’insertion du mineur. (..) La prise en compte de la santé psychique des mineurs nécessite la présence de professionnels de santé, infirmiers, psychologues et psychiatres pour gérer les traitements des mineurs dont l’état le nécessite, amener ceux qui en ont besoin à un travail sur soi thérapeutique et apporter tous les éclairages et les soutiens utiles à l’équipe éducative."
"Ces structures présentent une très grande hétérogénéité dans leur fonctionnement, qu’elles relèvent du SP ou du SAH et, parfois, entre elles, quel que soit leur statut. Ce sont, par ailleurs, des établissements fragiles qui assurent une mission difficile. Leur équilibre repose, en effet, sur une imbrication étroite et constante entre, d’une part, une organisation interne structurée, basée sur des procédures référencées et partagées, d’autre part, sur des ressources humaines qualifiées, formées et en nombre suffisant, et enfin, sur une dynamique de prise en charge contenante et cohérente des mineurs. La mission a constaté, à cet égard, que le dispositif existant n’était pas, dans sa totalité, en capacité de réunir l’ensemble de ces facteurs de réussite et ne bénéficiait pas d’un accompagnement toujours adapté et surtout homogène."
"Pour réduire les risques susceptibles de porter atteinte à la stabilité des CEF, améliorer leur fonctionnement et renforcer l’efficience d’un dispositif dont le prix de journée est le plus élevé des modes de placement (607 € en moyenne par mineur et par jour en 2011), la mission émet un certain nombre de recommandations (..)."
"Les professionnels rencontrés ont indiqué que les accueils en CEF avaient tendance à se banaliser en termes de réponse éducative et que les services de permanence semblaient davantage rechercher une place disponible qu’une solution adaptée au profil des mineurs et à leur parcours. En outre, le caractère national des CEF à qui il est demandé d’accueillir des mineurs en provenance de l’ensemble du territoire, selon la préconisation récente de la DPJJ, accentue cette problématique au point de revenir de manière récurrente dans le discours des professionnels de la justice des mineurs."
"Les incidents qui se produisent dans les CEF sont autant d’indicateurs de difficultés pouvant aller jusqu’à d’importants dysfonctionnements préjudiciables à la prise en charge des mineurs et obérant gravement le fonctionnement de la structure, voire la sécurité des personnels et des mineurs. La mission préconise donc d’instaurer un système d’information au niveau central permettant d’engager un processus d’alerte lorsqu’un établissement connaît un nombre important d’incidents signalés."
"Concernant la question du besoin de places en CEF s’inscrivant dans un programme de développement annoncé, la mission a été confrontée à un défaut d’éléments statistiques lui permettant d’appréhender scientifiquement ce sujet. Elle s’est ainsi heurtée à une difficulté déjà bien identifiée antérieurement lors des différents projets de loi réformant le recours au CEF. (..) Ainsi, le renforcement des moyens des structures de milieu ouvert et des hébergements traditionnels doit constituer un objectif à conduire, en parallèle, de celui préconisé par la mission pour les CEF. Ce choix devrait non seulement permettre d’asseoir la crédibilité de l’ensemble du dispositif de placement, mais aussi d’optimiser la sortie des mineurs des CEF. Elle donnerait également une nouvelle dynamique à la réflexion sur la notion de parcours des mineurs, dépassant la priorité donnée à la réponse pénale à l’acte lui-même et mettant l’accent sur la complémentarité des prises en charge éducatives.agit ainsi de poursuivre de manière équilibrée le développement des CEF, sans encourir, comme par le passé, la critique d’implantations géographiques désordonnées, dépourvues de cohérence institutionnelle et sans lien suffisant avec les bassins de délinquance. (..) Les rapporteurs insistent, enfin, sur la nécessité de créer de nouveaux établissements et non de recourir à des transformations de structures traditionnelles d’hébergement au risque d’appauvrir et de déséquilibrer la diversité de l’offre globale de placement proposée aux magistrats et à laquelle ces derniers sont particulièrement attachés."
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Lire aussi ici un avis du CGLPL sur des CEF.
Sur les CEF (notamment), lire ici un rapport du Sénat de 2011.
Et sur le même sujet lire ici le rapport du Défenseur des enfants de 2010