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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  La commission nationale consultative des droits de l'homme (son site) vient de publier son avis sur la réforme à venir de la garde à vue (1).

  Dans le document de présentation de son rapport (lire ici), la CNCDH écrit que :


  "Si la CNCDH soutient le principe même d'une réforme du régime de la garde à vue, elle insiste pour qu'elle ne soit pas minimaliste. Elle doit au contraire s’inscrire dans un mouvement d’ampleur visant à assurer un meilleur respect des droits de l’homme dans la phase préparatoire du procès pénal et un changement de culture de la part des acteurs."


  De façon plus détaillée, dans son avis complet (document ici), elle considère notamment que :


  "(..) en tant que mesure privative de liberté, la garde à vue doit être strictement nécessaire et proportionnée à la gravité des faits reprochés. Or, en posant comme principe le régime de la liberté sous lequel les auditions par la police doivent normalement être réalisées, le projet de loi fait de la garde à vue une mesure exceptionnelle". Ce principe de l’audition hors garde à vue pourrait être davantage renforcé par des dispositions encore plus explicites, faisant de la mesure de garde à vue une mesure de dernier recours si, et seulement si, l’audition hors garde à vue est impossible."


  "Le projet de loi prévoit que peuvent être placées en garde à vue les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction punie d’une peine d’emprisonnement et que la mesure peut être prolongée à partir du moment où l’infraction est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement. Dans la mesure où à l’heure actuelle, les faits de contravention n’entraînent en pratique pas de placement en garde à vue, et où un nombre très réduit de délits est puni d’une peine autre que l’emprisonnement ou d’une peine inférieure à un an d’emprisonnement, ces deux seuils paraissent bien trop faibles pour avoir un impact réel sur le nombre de placements en garde à vue."


  "Au-delà de la décision de placement, c’est la durée même de la mesure qui doit être strictement proportionnée aux nécessités de l’enquête dûment justifiées. Ce principe doit faire l’objet d’une inscription dans la loi. En effet, les différentes auditions effectuées par la CNCDH ont révélé que trop souvent les actes d’enquête étaient soit diligentés dans les premières heures de la garde à vue sans pour autant impliquer une remise en liberté, soit espacés par des intervalles de temps très longs. Ces « gardes à vue de confort » doivent être désormais proscrites."


  S'agissant du projet d'audition libre, très controversé, elle considère que :


  "Ainsi qu’indiqué précédemment, le projet de loi prévoit la possibilité d’entendre une personne en dehors du cadre de la garde à vue, c’est à dire sans qu’aucune mesure de contrainte ne pèse sur elle. Si la CNCDH adhère à l’idée d’un renversement de logique faisant de la liberté le principe, et de la privation de liberté l’exception, elle considère qu’en l’état actuel du projet, le régime de l’audition hors garde à vue est irrecevable. En effet, à l’exception du recueil du consentement de la personne et de la possibilité pour elle de mettre fin à l’audition, aucun droit n’est accordé à la personne auditionnée par le policier- enquêteur ; même la durée maximale de sa présence dans les locaux de police n’est pas fixée. Le risque est grand d’une dérive vers un régime sans droits, comme alternative à une garde à vue avec droits ou - encore plus dangereux - comme « pré-garde à vue ».

  "Le régime de l’audition hors garde à vue tel qu’envisagé dans le projet de loi ne répond pas aux exigences du procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention européenne. Le projet de loi doit prévoir des garanties au premier rang desquelles figure la notification de sa liberté d’aller et venir, qui implique le droit de mettre fin à tout moment à l’audition, du droit au silence, mais aussi de celui de téléphoner à un proche ainsi qu’à son employeur. De même, la personne doit pouvoir, si elle le souhaite, être entendue assistée d’un avocat."


  La CNCDH se penche ensuite sur la question de l'autorité qui doit intervenir pour contrôler la garde à vue. S'appuyant sur les plus récentes décisions (CEDH, conseil constitutionnel, cour de cassation), elle considère que :


  "Le projet de loi qui consacre une concentration des pouvoirs entre les mains du ministère public ne peut donc être jugé conforme à une telle jurisprudence, qu’elle soit nationale ou européenne. Si le parquet conserve la maîtrise de la garde à vue pendant les 24 premières heures, il apparaît essentiel d’instituer un droit de recours devant un juge du siège, qui, appréciant la légalité et l’opportunité de la mesure de contrainte, doit être le juge des libertés et de la détention sous réserve d’une modification de son statut et d’un renforcement de ses pouvoirs. Ce recours doit permettre de contester la décision de placement au regard des critères posés dans la loi. Le pouvoir de décider de la prolongation de la mesure doit également appartenir au juge des libertés et de la détention après présentation physique de la personne gardée à vue devant lui."


  S'agissant des droits du gardé à vue, la commission retient que :


  "(..) le régime proposé par le texte du gouvernement concernant l’assistance de l’avocat reste bien en deçà de ce qu’il devrait être pour véritablement garantir le droit à une assistance effective (..). Le projet de loi doit par conséquent être modifié afin de garantir à la personne gardée à vue, pendant la durée entière de la mesure, le droit à l’assistance effective de l’avocat, qui comprend le droit de s’entretenir en privé, la présence aux auditions avec la possibilité de poser des questions et la consultation des pièces du dossier au fur et à mesure de sa constitution. La CNCDH rappelle que l’avocat est le plus souvent un vecteur d’apaisement et de sérénité. Sa présence est une garantie du bon déroulement de la procédure pour la personne mise en cause mais aussi pour l’officier de police judiciaire."


  "Le projet de loi ne modifie pas les régimes dérogatoires de la garde à vue prévus pour les infractions les plus graves que sont la criminalité en bande organisée, le trafic de stupéfiants et le terrorisme : ainsi, l’entretien avec l’avocat est reporté à la 48ème ou 72ème heure et aucune assistance pendant les auditions n’est envisagée. La CNCDH regrette ainsi à nouveau « le maintien des régimes dérogatoires en matière de garde-à-vue, considérant que plus l’infraction est grave, plus une protection du suspect "présumé innocent" s’impose »."


  "De la même manière que le non-respect des garanties procédurales de l’audition hors garde à vue doit pouvoir être source de nullité formelle, l’absence de mise en œuvre effective de l’ensemble des droits du gardé à vue doit permettre de justifier une annulation de la procédure que le juge doit avoir la possibilité de soulever d’office."


  Enfin, à propos de la dignité des personnes gardées à vue, elle considère que :


  "L’affirmation du principe de dignité humaine de la personne gardée à vue dans le projet de loi, ainsi que l’inscription de l’interdiction des fouilles intégrales comme mesure de sécurité constituent des avancées qui répondent à des recommandations antérieures de la CNCDH. Il n’en demeure pas moins que, tant que les conditions matérielles des locaux de garde à vue ne seront pas améliorées, le risque est grand que le principe de dignité reste lettre morte. Or, les locaux de police sont souvent trop vétustes et insalubres, comme le dénoncent souvent les instances nationales et internationales des droits de l’homme."


  "De plus, les décisions d’opérer des fouilles sous le régime de la perquisition devraient être écrites et motivées afin de s’assurer qu’elles répondent à un impératif réel lié aux nécessités de l’enquête et afin d’éviter un glissement des « fouilles de sécurité » vers les « fouilles perquisition » au sujet duquel les syndicats de police entendus ont appelé l’attention de la CNCDH. Pour éviter toute suspicion à l’égard des policiers, seul un médecin doit être requis pour effectuer ces fouilles qu’il y ait nécessité d’investigation corporelle ou non.."


 
  Des observations et propositions qui, pour l'essentiel, peuvent être approuvées.

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1. cf. les nombreux articles à ce sujet déjà publiés sur ce blog, notamment dans la rubrique "garde à vue".

 

 

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M
<br /> <br /> Merci de votre réponse.<br /> <br /> <br /> Pour autant je ne comprend pas: dans l'article inséré par le projet de loi il n'est pas question, pas plus que dans l'audition libre, de la présence d'un avocat. De même la personne qui serait<br /> auditionnée dans le cadre de ce nouvel article, sera-t-elle informée qu'elle est libre de partir quand elle le souhaite, qu'elle peut-être assisté par un avocat? Pourquoi, dès lors que toutes les<br /> conditions sont réunies pour la garde à vue, ne pas avoir recours à elle? Pour que la personne soupçonnée ne bénéficie pas de toutes les garanties de la garde à vue? Pour faire baisser les<br /> statistiques et ne pas augmenter l'enveloppe de l'aide juridictionnelle au pretexte que le nombre de garde à vue diminuerait?<br /> <br /> <br /> Merci de votre réponse car j'essaye de comprendre!<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Si les normes juridiques fondamentales sont respectées, les droits doivent être les mêmes à chaque fois qu'une personne est interrogée par des policiers à propos d'une infraction qu'elle est<br /> soupçonnée d'avoir commise. Ce n'est pas le cadre de l'entretien, GAV ou non, qui conditionne la mise en oeuvre des droits, dont celui d'avoir accès à un avocat, c'est le principe même de<br /> l'audition par la police, parce qu'il peut aboutir, notamment en cas de reconnaissance des faits, à des poursuites pénales.<br /> Des personnes peuvent, dans un premier temps, accepter d'être interrogées "librement". La différence avec la GAV c'est, outre le fait qu'en théorie elles peuvent partir quand elles veulent, il<br /> n'y a pas toutes les conséquences pratiques de la GAV : fouille, objets confisqués, attente en cellule entre deux auditions...<br /> Mais dès que les faits sont graves, les enquêteurs voudront légitimement empêcher la personne de partir (de fuir) et la placeront en GAV, comme aujourd'hui.<br /> MH<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Quelqu'un pourrait-il répondre à une vraie question?<br /> Le Gouvernement prétend, et les députés socialistes aussi, que l'audition libre aurait été retirée du texte. Pourtant à la lecture du projet adopté, il me semble qu'elle est sortie pour entrer<br /> par la fenêtre:<br /> – L’article 73 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :<br /> « Lorsque la personne est présentée devant l’officier de police<br /> judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette<br /> mesure prévues par le présent code sont réunies, n’est pas obligatoire dès<br /> lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition<br /> des enquêteurs. Le présent alinéa n’est toutefois pas applicable si la<br /> personne a été conduite par la force publique devant l’officier de police<br /> judiciaire. »<br /> Y-a-t-il une différence avec l'audition libre prévue initialement?<br /> Il serait important de répondre à cette question pour alerter les députés qui voteront ce texte ce mardi. L'opposition n'avait-elle pas dit qu'elle rejetterait ce texte si l'audition libre<br /> n'était pas retirée?<br /> Merci de votre prompte réponse!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> <br /> Oui il semble y avoir une différence. Car le gouvernement voulair créer une audition libre essentiellement pour pouvoir contourner le droit à la présence de l'avocat. En clair, la personne<br /> interrogée aurait eu droit à un avocat en GAV, mais pas en audition libre.<br /> Mais il n'empêche qu'une personne peut de son plein gré accepter de répondre aux questions d'un avocat, et ne pas être placée en GAV. A condition que cela ne change rien à son droit de pouvoir<br /> consulter un avocat.<br /> MH<br /> <br /> <br /> <br />