Il n'y aura pas de révision du procès de M. Leprince
Par Michel Huyette
La chambre criminelle de la cour de cassation, statuant comme cour de révision, a rendu le 6 avril 2011 sa décision concernant la demande en révision de son procès présentée par M. Leprince (décision ici) .
Antérieurement, conformément à la procédure, c'est la commission de révision des condamnations pénales qui a décidé d'une part d'accepter la requête et de la transmettre pour examen à la chambre criminelle statuant en cour de révision, d'autre part de remettre M. Leprince en liberté en attendant la décision de la cour (cf. ici) .
La cour de révision a, en substance, retenu après avoir examiné chacun des arguments avancés par M. Leprince et son avocat soit que les éléments mis en avant ne constituent pas des faits nouveaux postérieurs à la décision de condamnation (ce qui est une condition légale pour envisager une révision), soit pour les autres que ces éléments ne sont pas de nature à faire naîre un doute sur la culpabilité du condamné.
Et la cour de révision conclut : "au terme de cette analyse de l’ensemble des arguments développés tant dans la requête que dans les conclusions du ministère public et les observations des avocats de M. D... X..., et des investigations opérées par la commission de révision, la chambre criminelle, statuant comme Cour de révision, constate qu’il n’existe aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de D... X...."
Chacun d'entre vous pourra lire les décisions successives de la commission de révision puis de la cour de révision, et se faire sa propre opinion. Nous nous contenterons ici de quelques brèves remarques générales.
D'abord, contrairement à ce qui a été avancé, il n'est pas aberrant que deux formations aient successivement un avis contraire. Il en va du processus de révision comme de l'appel. Si une fois qu'une juridiction a émis une opinion celles qui sont saisies ensuite devaient émettre une opinion identique, la question se poserait sur l'opportunité de prévoir des mécanismes de recours ou de saisine de plusieurs formations les unes après les autres.
Au contraire, le fait qu'il puisse y avoir des avis différents à diverses étapes du processus judiciaire est, dans son principe, plutôt rassurant et de nature à montrer que le système fonctionne correctement. Ce ne sont sans doute pas ceux qui sont condamnés en première instance qui vont se plaindre de l'existence d'une décision inverse d'acquittement en appel...
Sans doute peut-on comprendre les interrogations des non professionnels du droit qui s'étonnent qu'une commission de révision composée de magistrats de la cour de cassation ait émis un avis argumenté non suivi par la chambre criminelle composée d'autres magistrats de cette même cour de cassation. Mais seule la lecture des deux décisions peut autoriser un point de vue sur la pertinence des arguments avancés par M. Leprince et des réponses apportées par la cour de révision. Et encore une fois, il est sain que les avis ne soient pas monolithiques au sein d'une même institution.
Ensuite et peut être surtout, ce qui est troublant c'est que M. Leprince, comme tous ceux qui ont été jugés avant 2000, n'a pas eu droit à un second procès en appel, car, et c'est étonnant, ce n'est qu'à cette date que la possibilité de saisir une cour d'assises d'appel a été introduite dans la loi.
A cause de cette absence de double degré de juridiction avant 2000, la chambre criminelle de la cour de cassation, saisie de pourvois contre les décisions des cours d'assises, se montrait très exigeante en ce sens qu'elle saisissait le moindre prétexte pour casser la décision et permettre la tenue d'un nouveau procès.
Une fois la procédure d'appel inscrite dans notre loi, la cour de cassation a considérablement assoupli sa jurisprudence, ce qui fait qu'aujourd'hui les cassations sont devenues rares.
La cour de révision devrait-elle suivre ce chemin et se montrer moins exigeante pour les affaires jugées avant 2000, afin de permettre la tenue d'un deuxième procès dès que quelques arguments un tant soit peu sérieux sont présentés à l'occasion d'une demande de révision ? Ceci parce que le double degré de juridiction est un droit fondamental dont aujourd'hui plus personne ne discute l'impérieuse nécessité.
Cela aurait-il pu être le cas s'agissant de M. Leprince, étant relevé que non seulement la commission de révision mais également l'avocat général qui est intervenu lors des débats devant la cour ont souhaité une telle révision ?
Quelle que soit la vérité que seuls les acteurs du drame connaissent, le processus suivi peut laisser un sentiment d'inachevé.