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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  Le Ministère de la justice (son site) a lancé voici quelques mois un grand chantier intitulé : "Édification de la Justice du 21ème siècle" (cf ici). Parmi les pistes de travail retenues figurent des réflexions sur "l'office du juge au 21ème siècle" (lire les premières conclusions ici), sur "le magistrat du 21ème siècle" (le rapport est à venir), enfin sur "les missions, l'organisation et le périmètre d'intervention du ministère public" (le rapport est également à venir).

  Ces démarches sont sympathiques, et, de fait, il est toujours utile d'anticiper les changements à venir pour mieux les comprendre et par voie de conséquence mieux les accompagner.

  Oui mais.

  Il y a quelques semaines, les interprètes-traducteurs travaillant auprès d'un très important tribunal ont ensemble publié un message d'alerte dans lequel ils écrivent, pour commencer : "Ce beau métier demande de nos jours beaucoup d'endurance, de privations, et de patience... mais il y a des limites...".

  Et l'on comprend leur exaspération quand ils expliquent, quelques lignes plus loin, d'une part qu'ils sont sollicités toute l'année, et à n'importe quel moment du jour et de la nuit, et d'autre part qu'ils ne touchent plus un centime depuis presque... six mois. Ensuite de quoi ils ont, logiquement, décidé de ne plus travailler pour cette juridiction.

  Pourtant l'institution judiciaire ne peut pas fonctionner sans ces spécialistes des langues étrangères. Les conséquences de leur mouvement, légitime, pourraient être dramatiques.



  A l'occasion de cette prise de position, les magistrats se sont amusés (??) à échanger sur les difficultés rencontrées dans leurs juridictions réciproques. Cela donne un catalogue assez déroutant de l'état de la justice en 2013. Nous n'en mentionnerons que quelques exemples.

  Ici il n'y a plus de papier et plus aucun budget pour en acheter. Ce sont donc les professionnels qui vont eux-mêmes acheter le papier au commerce du coin pour faire fonctionner leur service, car la justice sans papier...

  Là un magistrat a été contraint de s'acheter une nouvelle chaise, la sienne étant cassée, et aucun budget n'étant disponible pour la remplacer.

  ici, un magistrat raconte avoir lui-même changé le joint d'un robinet qui fuyait, pas un centime ne pouvant être dégagé pour appeler un plombier.

  Là, un président de tribunal confirme que pour ce qui est le paiement des frais de justice sa juridiction est en état de quasi cessation des paiements depuis l'été.

  Ici, les frais d'affranchissement ou de téléphone ne sont plus payés depuis plusieurs mois faute d'argent disponible.

  Là un magistrat à qui il a été demandé d'effectuer un remplacement dans une autre juridiction que la sienne n'est plus remboursé de ses frais de déplacement depuis des mois, ce qui représente une somme très importante.

  Ici un magistrat qui a un grand besoin d'un ouvrage de droit technique pour son domaine spécialisé reçoit comme réponse qu'il n'y a plus d'argent pour acheter le livre qui dans le commerce est vendu.. 49 euros.



  Plus grave, ce sont les experts de toutes professions, de plus en plus nombreux, qui élèvent la voix pour protester parce qu'ils ne sont plus payés. L'un d'entre eux racontait voici quelques jours ne plus rien recevoir depuis avril. Et ajoutait, pessimiste : "Si nous les plus anciens nous continuons à travailler pour le plaisir, les jeunes n'accepteront pas, comme nous l'avons fait, de travailler sans être payés pendant de longues périodes".

  Cela veut dire que si rien ne change, progressivement les professionnels qui, tous les jours et partout, aident la justice à fonctionner, se désengageront du processus judiciaire pour se mettre au service de ceux, ailleurs, qui les traiteront enfin correctement.

  Et alors la justice ne pourra plus du tout fonctionner.



  Mais les professionnels qui travaillent pour la justice ne sont pas les seuls à pouvoir se plaindre. Alors que nous sommes en novembre, dans certaines régions les derniers jurés à avoir reçu leurs indemnités sont ceux du mois de... janvier. Et aucun paiement pour toute la période n'est annoncé dans les semaines qui viennent.

  Un juré qui ne se présente pas risque 3750 euros d'amende parce ce qu'il fait est considéré comme grave. Mais un juré qui n'est pas payé pendant près d'une année, apparemment cela ne doit pas l'être.



  Comme l'exprimait un haut magistrat récemment, on ne sait s'il faut en rire ou en pleurer.


  Enfin, il faut souligner que pendant des années, dans la justice, l'expression n'a jamais fait son apparition. C'est pourquoi le changement est flagrant, et terrible. Car depuis quelques temps, il ne se passe pas une réunion, pas une assemblée générale, sans que l'un ou l'autre parle de souffrance au travail. Car quand bien même les moyens sont réduits, les demandes de résultats sont toujours aussi pressantes.


  C'est pourquoi les professionnels de la justice vivent la création de tous ces groupes de travail sur la justice de demain comme une démarche décalée, surréaliste, et, pour certains, quasiment provocatrice.


  En tous cas les magistrats sont nombreux à s'interroger : quand bien même l'intention est louable et la sincérité de la démarche peu discutable, quel sens peut avoir une réflexion sur la justice de demain quand les difficultés de la justice d'aujourd'hui, de plus en plus importantes, ne sont pas traitées, et encore moins solutionnées ?



 

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N
<br /> Et bien ca va de mal en pis...<br /> Après la dérégulation de la finance, celle du travail, on ne voit pas comment la justice ne devait pas être démantelée au point de l’imaginer sans les juges !... L’indépendance statutaire de<br /> ces derniers, gêne même si en réalité, la plupart des juges sont de fait sous le boisseau de l’exécutif… Certains s’en émancipent… Mais aujourd’hui, les politiques ne sont plus eux-mêmes que des<br /> « marionnettes » dénués de pouvoir puisque détrônés magistralement par des « joueurs de casino » qui ont mis main basse sur le monde ! Le président de Coca Cola a plus de<br /> pouvoirs que Barak OBAMA... Qui n’a toujours été que le candidat de WS…<br /> <br /> <br /> L’absurdité de la société "tout argent" permet au plus médiocres (qui se prennent pour des génies de la finances et qui ne sont<br /> que des voyous sans aucun panache ni le moindre « code d’honneur ») d’entretenir une gigantesque imposture avec une "dette" scélérate et dénuée de sens pour la vie et le bien être de<br /> l'humanité... C'est quand même insupportable cette logique mafieuse qui consiste à faire payer les pauvres (dont les classes moyennes, ne nous y trompons pas)... Pour enrichir de façon<br /> inconséquente quelques abrutis pathogènes qui rêvent d’un gouvernement mondial unique ! D’ailleurs le marché transatlantique concocté - à notre insu - depuis plus de 10 ans précipite tous<br /> nos politiques et au delà, notre vieille Europe,  à une inféodation totale qui génèrera - par<br /> construction - encore plus de spéculation et de misère… Que cette attaque de l’institution judiciaire, après la fragilisation terrible du monde hospitalier et tant d’autres secteurs,<br /> permettent à ceux qui se « croient à l’abri » de sortir de leur léthargie et de leurs illusions pour abandonner leurs<br /> préjugés et voir ce qui se passe (la rue en montre déjà l’essentiel depuis plusieurs années) et surtout comprendre qu’il est grand temps de réagir et de s’opposer à ces « politiques »<br /> mortifères qui laissent des « voyous » commettre escroqueries, fraudes et abus à très grande échelle et en toute impunité alors qu’elles mettent le plus grand nombre en grande<br /> difficulté et précarité.<br /> <br /> <br /> Il n’y a aucune fatalité à ce que les plus toxiques et criminels d’entre nous nous asservissent. Personne n’est dénué de<br /> pouvoir ! Et « personne n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres » (Diderot)<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> J'ai eu récemment une question "surprise" de la part d'un juge d'instruction de mon ressort, quant à ma capacité à procéder gratuitement à une expertise. Je ne pense pas que ce magistrat et/ou<br /> son TGI sont particulièrement ladres. Je crois que sur le plan budgétaire ils tirent le diable par la queue, ce qui les oblige à diverses contorsions ou négociations délicates.<br />
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J
<br /> Voilà qui fort surprenant ! A en croire cet article, la justice n'aurait depuis longtemps plus les moyens de fonctionner correctement. Pourtant aucune décision de justice ne mentionne ce<br /> fait.<br /> Le double langage de ces magistrats nuit à la crédibilité de l'institution judiciaire :<br /> soit ces magistrats n'ont pas les moyens de rendre une décision équitable et il est alors nécessaire que leurs décisions le mentionnent,<br /> soit ces déclarations n'ont pour but que de réclamer des moyens supplémentaires inutiles au rendu de décisions équitables.<br /> Un peu de cohérence de la part de ces magistrats permettrait peut-être d'éviter qu'une majorité de français n'ait pas confiance dans la justice française.<br />
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P
<br /> <br /> La problématique n'est pas seulement celle des décisions. Si demain il n'y a plus de traducteurs-interprètes, plus d'experts, ou en tous cas en nombre très insufisant, c'est bien en amont de la<br /> décision que le processus judiciaire sera bloqué.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> <br /> <br /> <br /> C'est plutôt mignon de voir que des magistrats sont en train de découvrir ici et là, à leur corps défendant, que le budget de la Justice (fonctionnement<br /> courant, mais aussi frais de justice) est de plus en plus serré, au point que la continuité du service public de la justice (sans parler de la pérennité financière des entreprises qui travaillent<br /> pour la justice) commence à être sinon compromise, du moins sérieusement menacée. L'ouverture d'un vaste chantier de réflexion sur la justice du XXIème siècle ne doit pas être vécue comme une<br /> provocation, mais plutôt comme une occasion d'expliquer à la Garde des Sceaux que la justice de demain, c'est non seulement l'administration pénitentiaire, grande consommatrice de crédits avec<br /> ses prisons insalubres et ses programmes immobiliers, mais aussi les services judiciaires, et que la justice de demain, ce ne sont pas seulement des règles de fond ou des principes directeurs de<br /> procédure soigneusement toilettés, mais aussi des moyens budgétaires en adéquation avec les objectifs de performance affichés. Dans un pays plombé par un endettement public qui représente<br /> actuellement pas loin de 100% de son PIB annuel, et même si la Justice fait encore partie des rares ministères "sanctuarisés" depuis plusieurs années par Bercy dans le cadre de l'élaboration des<br /> lois de finances, les magistrats ne peuvent plus se payer le luxe de considérer que les contraintes budgétaires n'existent que pour les autres administrations que celle dans laquelle ils<br /> travaillent... La justice de demain, rompant avec des habitudes aussi vieilles que mauvaises prises au nom d'une conception sourcilleuse de l'indépendance, devra se soucier beaucoup plus de<br /> l'usage des deniers publics. Je crois que les parquets se montrent déjà plus sensibles que les magistrats du siège à la problématique du coût des frais de justice. Les auditeurs de justice sont<br /> également sensibilisés, je crois, à l'aspect dépenses budgétaires de leur future activité juridictionnelle. Il ne reste plus qu'à convaincre la grande masse des magistrats que la maîtrise des<br /> dépenses publiques, c'est l'affaire de tous, et pas seulement celle des chefs de juridiction, des services administratifs régionaux de cour d'appel et de la Chancellerie. <br />
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