A propos des appels dans le procès Clearstream
Par Michel Huyette
Il est inévitable que dans un procès tel le procès "Clearstream", impliquant notamment un ancien premier ministre et un actuel président de la République, les polémiques soient fortes quels que soient les méandres de la procédure.
Dernièrement, le ton est encore monté d'un cran après l'appel interjeté par le procureur de la République de Paris, appel qui met à néant la relaxe obtenue par Mr de Villepin dont le sort sera tranché dans quelques mois par la cour d'appel de Paris.
Dernièrement, le ton est encore monté d'un cran après l'appel interjeté par le procureur de la République de Paris, appel qui met à néant la relaxe obtenue par Mr de Villepin dont le sort sera tranché dans quelques mois par la cour d'appel de Paris.
Il est de bonne guerre que ce dernier s'insurge contre cet appel et prétende d'une part que le procureur de la République a agi sur ordre des plus hautes autorités publiques du pays, et d'autre part que la démarche consiste en un acharnement insupportable contre lui. Mais cela n'est que la surface des choses. Il faut regarder un peu plus précisément ce qu'il en est dans la pratique judiciaire quotidienne.
Ce qui vient de se produire appelle chez le juriste quelques remarques.
* Sauf erreur des medias, il semble que Mr Gergorin puis Mr Lahoud aient décidé d'interjeter appel contre la décision les condamnant, cela avant que le procureur de la République fasse également appel.
Pour ce qui concerne l'existence d'une consigne en ce sens donnée au procureur de Paris et venue du chef de l'Etat ou du gouvernement, il faut d'abord avoir en tête que même si c'est bien le cas, il n'y a là rien d'anormal. Quotidiennement, dans les affaires dites sensibles, entre autres celles qui impliquent des personnalités politiques d'importance, les procureurs de la République sollicitent systématiquement l'avis du Parquet Général qui lui même se tourne vers le ministère de la justice.
Le ministère public (les procureurs du haut en bas de l'échelle) sont en effet administrativement soumis à l'autorité hiérarchique du ministre de la justice, et il est parfaitement normal que ce dernier fasse connaître son avis dans les affaires les plus délicates.
Il ne peut donc pas être soutenu que, s'il a agi en ce sens ce qu'au demeurant il dément, le procureur de la République de Paris ait agi de façon aberrante.
Par contre, ce que l'on peut relever à l'inverse, c'est que le fait que le procureur de la République de Paris n'ait pas sollicité officiellement l'avis de la hiérarchie - en supposant que cela soit exact - est plus que surprenant dans une telle affaire. Car, a priori, s'il existe bien un dossier dans lequel, au regard des pratiques habituelles, il est difficilement envisageable qu'un procureur ose prendre une initiative personnelle sans s'informer auparavant de la position des échelons supérieurs et jusqu'au sommet de l'Etat, c'est bien celui-ci.
Il est vrai que parfois le positionnement en amont du procureur, déjà en accord avec la vision du dossier qui est celle du gouvernement, peut sembler rendre dans l'absolu non indispensable la recherche d'un avis qui sera inéluctablement conforme à la décision envisagée au Parquet.
Un procureur peut aussi vouloir devancer une consigne dont il connaît déjà le contenu, même si elle ne lui est pas officiellement notifiée. L'envie de plaire est parfois forte chez les membres du Parquet dont la carrière dépend exclusivement du bon vouloir du pouvoir politique.
Enfin, le fait de ne pas solliciter d'avis officiel peut résulter chez un procureur de la République de la volonté de protéger - politiquement - les plus hautes autorité de l'Etat pour que, justement, une quelconque consigne de leur part n'apparaisse jamais. Cela peut arranger tout le monde et être finalement assez malin...
* Il faut souligner un autre paramètre important et moins polémique.
Dans l'affaire Clearstream, plusieurs mis en examen ont été condamnés, et deux ont été relaxés, dont Mr de Villepin.
Dans une telle situation, en cas d'appel des seuls condamnés, c'est à dire si le procureur de la République n'interjette pas appel à son tour, les relaxés ne sont pas convoqués devant la cour d'appel, en tous cas ils ne peuvent l'être que comme témoins et ils ne se présentent que le temps de leur audition.
Or quand tous les mis en examen sont étroitement impliqués dans la même affaire, cela peut-être à l'origine d'une difficulté sérieuse. En effet, si les débats devant la cour d'appel font apparaître que la personne relaxée en première instance est finalement coupable et a bien commis l'infraction poursuivie, à cause de l'absence d'appel du procureur dirigé contre la décision la concernant il n'est plus possible de la condamner. Ce qui aboutit alors à une décision finale injuste et inacceptable.
C'est pourquoi, quand seules certaines des personnes jugées en première instance font appel, et que pourtant le sort de tous les intéressés est lié, il est utile si ce n'est indispensable que le procureur de la République fasse appel des décisions de relaxe, et plus largement de la totalité du jugement (1), afin que la cour d'appel soit en capacité d'apprécier l'affaire dans son ensemble et le rôle de chacun des protagonistes dans ses particularités.
La conclusion est donc que l'appel du procureur de la République de Paris est la démarche habituelle dans ce genre de situations, qu'il s'agit d'une façon d'agir banale qui ne se distingue en rien des pratiques quotidiennes de tous les procureurs de France, et qui est même indispensable pour une bonne administration de la justice.
Et cela quelles que soient les éventuelles arrière-pensées politiques.
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1. En plus, l'appel contre la totalité du jugement redonne à la cour d'appel une plus grande liberté dans le choix des sanctions, alors que quand un prévenu condamné en première instance est seul à faire appel, la cour d'appel ne peut pas prononcer de sanction supérieure à la sanction de première instance, même si le maximum n'a pas été infligé. (cf. art 515 du code de procédure pénale)
Ce qui vient de se produire appelle chez le juriste quelques remarques.
* Sauf erreur des medias, il semble que Mr Gergorin puis Mr Lahoud aient décidé d'interjeter appel contre la décision les condamnant, cela avant que le procureur de la République fasse également appel.
Pour ce qui concerne l'existence d'une consigne en ce sens donnée au procureur de Paris et venue du chef de l'Etat ou du gouvernement, il faut d'abord avoir en tête que même si c'est bien le cas, il n'y a là rien d'anormal. Quotidiennement, dans les affaires dites sensibles, entre autres celles qui impliquent des personnalités politiques d'importance, les procureurs de la République sollicitent systématiquement l'avis du Parquet Général qui lui même se tourne vers le ministère de la justice.
Le ministère public (les procureurs du haut en bas de l'échelle) sont en effet administrativement soumis à l'autorité hiérarchique du ministre de la justice, et il est parfaitement normal que ce dernier fasse connaître son avis dans les affaires les plus délicates.
Il ne peut donc pas être soutenu que, s'il a agi en ce sens ce qu'au demeurant il dément, le procureur de la République de Paris ait agi de façon aberrante.
Par contre, ce que l'on peut relever à l'inverse, c'est que le fait que le procureur de la République de Paris n'ait pas sollicité officiellement l'avis de la hiérarchie - en supposant que cela soit exact - est plus que surprenant dans une telle affaire. Car, a priori, s'il existe bien un dossier dans lequel, au regard des pratiques habituelles, il est difficilement envisageable qu'un procureur ose prendre une initiative personnelle sans s'informer auparavant de la position des échelons supérieurs et jusqu'au sommet de l'Etat, c'est bien celui-ci.
Il est vrai que parfois le positionnement en amont du procureur, déjà en accord avec la vision du dossier qui est celle du gouvernement, peut sembler rendre dans l'absolu non indispensable la recherche d'un avis qui sera inéluctablement conforme à la décision envisagée au Parquet.
Un procureur peut aussi vouloir devancer une consigne dont il connaît déjà le contenu, même si elle ne lui est pas officiellement notifiée. L'envie de plaire est parfois forte chez les membres du Parquet dont la carrière dépend exclusivement du bon vouloir du pouvoir politique.
Enfin, le fait de ne pas solliciter d'avis officiel peut résulter chez un procureur de la République de la volonté de protéger - politiquement - les plus hautes autorité de l'Etat pour que, justement, une quelconque consigne de leur part n'apparaisse jamais. Cela peut arranger tout le monde et être finalement assez malin...
* Il faut souligner un autre paramètre important et moins polémique.
Dans l'affaire Clearstream, plusieurs mis en examen ont été condamnés, et deux ont été relaxés, dont Mr de Villepin.
Dans une telle situation, en cas d'appel des seuls condamnés, c'est à dire si le procureur de la République n'interjette pas appel à son tour, les relaxés ne sont pas convoqués devant la cour d'appel, en tous cas ils ne peuvent l'être que comme témoins et ils ne se présentent que le temps de leur audition.
Or quand tous les mis en examen sont étroitement impliqués dans la même affaire, cela peut-être à l'origine d'une difficulté sérieuse. En effet, si les débats devant la cour d'appel font apparaître que la personne relaxée en première instance est finalement coupable et a bien commis l'infraction poursuivie, à cause de l'absence d'appel du procureur dirigé contre la décision la concernant il n'est plus possible de la condamner. Ce qui aboutit alors à une décision finale injuste et inacceptable.
C'est pourquoi, quand seules certaines des personnes jugées en première instance font appel, et que pourtant le sort de tous les intéressés est lié, il est utile si ce n'est indispensable que le procureur de la République fasse appel des décisions de relaxe, et plus largement de la totalité du jugement (1), afin que la cour d'appel soit en capacité d'apprécier l'affaire dans son ensemble et le rôle de chacun des protagonistes dans ses particularités.
La conclusion est donc que l'appel du procureur de la République de Paris est la démarche habituelle dans ce genre de situations, qu'il s'agit d'une façon d'agir banale qui ne se distingue en rien des pratiques quotidiennes de tous les procureurs de France, et qui est même indispensable pour une bonne administration de la justice.
Et cela quelles que soient les éventuelles arrière-pensées politiques.
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1. En plus, l'appel contre la totalité du jugement redonne à la cour d'appel une plus grande liberté dans le choix des sanctions, alors que quand un prévenu condamné en première instance est seul à faire appel, la cour d'appel ne peut pas prononcer de sanction supérieure à la sanction de première instance, même si le maximum n'a pas été infligé. (cf. art 515 du code de procédure pénale)