Brèves d'audience
Audience civile, un mercredi.
On ne pouvait que le remarquer.
Seul, dans la salle des pas perdus, à l’écart de la foule bourdonnante, observant attentivement le panneau d’affichage vantant le recrutement des juges de proximité.
La tête nue, auréolée de ses cheveux gris, debout, bien droit, casquette à la main, un papier dans l’autre, vêtu d’une veste chaude, brune et de bonne coupe mais très usée.
Pourquoi était-il là ?
On rentre dans la salle.
Dernier dossier de l’appel des causes : un propriétaire demande l’expulsion de ses locataires pour impayés de loyers.
L’avocate du propriétaire s’avance, le locataire, sans sa femme et mon monsieur.
L’avocate : Monsieur et Madame ne payent plus, 2000 euros d’arriérés, je demande l’expulsion.
D’une voix douce mais tremblante, audible dans toute la salle d’audience, soudain silencieuse, “il n’y a plus de problèmes, j’ai payé. Tout”
Et il me tend fièrement son papier : c’est la photocopie d’un chèque fait au propriétaire pour le montant des loyers dus.
- Vous avez payé le loyer ?
- Ben oui, c’est ma fille. Je suis caution.
L’avocate au locataire : Vous avez de la chance d’avoir un beau-père comme cela.
Le juge que je suis n’a pas su dire au Père Goriot combien il est admirable.
Dire le droit, mon métier.
Audience Tribunal de Police, un mardi.
Elle et lui vivaient ensemble.
Elle est partie.
Lui a voulu la retenir, prenant ses mains.
Elle a porté plainte.
Avec un certificat médical relevant des dermabrasions sur le dos de la main droite et 2 jours d’ITT.
Lui, seul, à l’audience, quatre mois après : J’ai mal au coeur, ça ne passe pas.
Dire le droit.