A propos, encore, du statut du ministère public
Par Michel Huyette
Le statut des membres du ministère public, qui sont actuellement des magistrats au même titre que les juges du siège (ceux qui décident après avoir entendu à l'audience les réquisitions du ministère public et les plaidoires des parties civiles et de la défense, et qui rédigent les décisions qui seront exécutées), est en débat depuis longtemps.
La question a déjà été abordée ici et nous renvoyons les visiteurs aux précédents articles et notamment celui intitulé "Requiem pour le Parquet ?" (lire ici).
Dans Le Monde du 11 avril 2012, Alexandre Plantevin, magistrat du ministère public exerçant actuellement comme avocat général, a publié une intéressante tribune intitulée "Plaidoyer pour le Parquet" (lire ici). Il y est fait allusion aux opinions de ceux qui pensent possible que le ministère public ne soit plus partie de l'institution judiciaire et que les procureurs de la République deviennent des préfets judiciaires. Il se trouve que cette expression a été utilisée sur ce blog dans l'article précité.
Il n'est pas utile aujourd'hui de reprendre ce qui a été déjà écrit dans le précédent article, vers lequel le lecteur est renvoyé. Seules quelques remarques découlant de la lecture de la tribune d'Alexandre Plantevin seront mises en avant.
A. Plantevin a raison sur plusieurs points. D'abord quand il affirme que les magistrats du ministère public ont (pour la plupart d'entre eux) une éthique aussi forte que celle (d'un grand nombre) des magistrats du siège. Ensuite quand il rappelle que l'indépendance c'est aussi et peut être avant tout un état d'esprit, et que la servilité n'apparaît pas toujours là où on l'attend le plus. Comme il l'écrit avec raison, parfois la soif de faire carrière est chez certains magistrats y compris du siège un puissant levier qui les incite à courber l'échine plutôt qu'à affronter en face les vraies difficultés. Mais il n'y a aucune raison pour croire que les magistrats pourraient sur ce point être différents de tous les autres hommes et femmes....
La critique qui, semble-t-il, peut par contre lui être opposée, comme au demeurant à la plupart de ceux qui soutiennent le maintien des membres du ministère public au sein de la magistrature et qui se déclarent en faveur d'un alignement presque total de leur statut sur le statut protecteur des magistrats du siège, c'est que l'un des aspects essentiels de la problématique est presque systématiquement laissé de côté : le ministère public est une partie au procès.
D'où en termes généraux cette question qui n'est pas des moindres : est-il acceptable que l'une des parties au procès soit, à certaines étapes de la procédure, chargée de contrôler les droits d'une autre partie au procès ?
Par ailleurs, il est indiqué dans la tribune du Monde que les magistrats du Parquet sont gardiens des libertés individuelles. Mais puisque depuis des années le juge du siège est de plus en plus en charge de la protection des libertés individuelles esentielles (encore dernièrement pour les soins psychiatriques sous contrainte), en quoi y a-t-il besoin dans une même procédure de deux gardiens des libertés individuelles ?
Enfin, l'analyse porte rarement en profondeur sur les fonctions réelles confiées aux membres du ministère public. Il se pourrait pourtant que cette analyse soit la clé qui conduise vers le système à mettre en place. En effet si le juge du siège est le gardien naturel et dorénavant habituel des libertés individuelles, et si les prérogatives qui subsistent au ministère public sont des prérogatives d'Etat (enquêter, poursuivre, requérir au nom de la société), il devient plus que difficile de trouver des raisons en faveur d'un ministère public autonome. Les fonctions exercées au nom de l'Etat dans un lien de subordination avec le ministère de la justice n'imposent pas inéluctablement un statut d'autonomie des agents de l'Etat chargés de la mise en oeuvre d'une politique pénale définie par le gouvernement.
Sur un sujet aussi complexe, toutes les réflexions sont utiles. Il n'existe aucune évidence et le débat doit se poursuivre.
Mais encore faut-il que tous les paramètres soient pris en compte, décortiqués et analysés.
C'est à cette condition, rarement remplie, que l'organisation finalement choisie, de quelque nature qu'elle soit, sera acceptable par tous.