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Paroles de juges sur Facebook

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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  Facebook est utilisé quotidiennement par des millions de français. Si ce support permet avantageusement de rester en contact avec des personnes éloignées géographiquement, de faire partie de groupes de personnes ayant un intérêt commun, de partager ses connaissances et ses idées, il n'en reste pas moins que ce n'est pas une zone de non droit à l'intérieur de laquelle tout est permis.

  Un récent arrêt de la cour de cassation nous apporte d'intéressantes précisions.

  Le point de départ de l'affaire est simple :  Une salariée mécontente des responsables de son ancienne entreprise lance certains commentaires acerbes sur Facebook et sur MSN. Elle écrit sur Facebook : "extermination des directrices chieuses" et " éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourrissent la vie", et sur MSN "D... devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne" et "Z... motivée plus que jamais à ne pas me laisser faire. Y'en a marre des connes".

  L'intéressée est poursuivie par les personnes mises en cause pour injures publiques. Avant d'examiner la décision de la cour de cassation, il faut rappeler brièvement quelques repères juridiques.

  D'abord, l'injure n'est pas la même chose que la diffamation. Selon les termes de l'article 29 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (plusieurs fois miodifiée depuis, texte ici), "Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure".  A l'inverse, peut être diffamatoire le reproche dirigé contre une personne d'avoir commis un acte particulier pouvant lui être reproché alors que cela n'est pas exact. 

  Ensuite, il faut distinguer les injures publiques des injures non publiques, les premières étant un délit (art. 29, 33 et 34 de la loi de 1881) et les secondes une contravention (article R 621-2 du code pénal, texte ici).

  Schématiquement, il n'y a pas publicité dès lors que le propos inurieux est échangé de façon confidentielle (entre deux personnes qui se parlent, dans une lettre privée ou un message électronique adressés à une personne par une autre..), ou bien à l'intérieur d'un groupe de personnes formant une communauté d'intérêt selon l'expression juridique habituellement retenue (réunion syndicale non ouverte au public, bureau d'une association etc..).

  A l'inverse, il y a publicité quand le propos est largement diffusé.

  Même si à l'origine de la loi internet n'existait pas, aujourd'hui les supports du web peuvent tout autant que les autres être les vecteurs de diffusion d'injures. Il en va ainsi des réseaux sociaux dont font partie Facebook et l'ex-MSN. Il fallait donc adapter la jurisprudence classique à ces nouveaux supports.

 Dans sa décision du 10 avril 2013 (arrêt ici), la cour de cassation a jugé à propos de l'injure :

  "attendu qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme X... tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n'étaient en l'espèce accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, la cour d'appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d'intérêts ; qu'elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques."


  Cette décision apporte une précision importante, mais laisse subsister un doute.

  Sur Facebook, celui qui met en ligne un texte choisit à qui il le diffuse : ses "amis", ses "connaissances", sa "famille", ou tout le "public". Le juriste est donc tenté, dans un premier temps, de considérer que le message diffusé avec l'option "public" est... public au sens des textes précités, et qu'à l'inverse toutes les autres diffusions par hypothèses limitées à un groupe ne le sont pas puisque ces groupes pourraient constituer chacun une "communauté d'intérêt".

  Sauf que, sur Facebook, de nombreuses personnes veulent avoir un maximum "d'amis" ou de "connaissances" et, pour faire du chiffre, se mettent en lien avec des tiers qu'elles connaissent peu voire pas du tout. Le groupe n'est alors plus vraiment un ensemble de personnes réunies pour leur intérêt commun (amical, familial, professionnel..), mais un groupe sans véritable cohérence ni lien entre ses membres.
  
 Ce qui trouble c'est que la cour de cassation semble avoir retenu comme l'un des critères, pour écarter la publicité, le "nombre très restreint" de destinataires du message éventuellement injurieux. Faut-il en conclure que les messages, tout en étant envoyés uniquement à une liste de personnes "agrées par l'intéressée", auraient pu prendre un caractère "public" si cette liste de destinataires avait été importante ? Autrement dit, le critère du nombre de destinataires doit-il prendre le pas sur le critère des destinataires agrées par l'auteur du message, le choix "public" / autres que "public" n'étant plus essentiel dans le raisonnement juridique ?

  Mais si tel est le cas, à partir de combien de destinataires cette publicité devra-t-elle être retenue ? Sur Facebook, combien de personnes au moins doivent être inscrite dans un groupe de diffusion pour que leur nombre ne soit pas "restreint" ? Personne ne le sait à ce jour.


  Il n'en reste pas moins, comme l'indique la cour de cassation, que l'absence d'injure "publique" rend nécessaire de rechercher s'il y a eu injure non publique, la diffusion à une liste de destinataires permettant très probablement de retenir cette qualification juridique puisqu'il n'y a plus alors la stricte confidentialité faisant obstacle à toute poursuite pénale.


  Quoi qu'il en soit les utilisateurs de Facebook, qui seraient aux alentours de 25 millions en France (lire ici ou ici), conservent un moyen très simple d'échapper à toute poursuite.

  Il suffit de ne pas oublier que si dans sa tête on a le droit de penser les pires horreurs, il n'est pas forcément indispensable de les diffuser sur internet....

  

   

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D
<br /> M Huyette,<br /> <br /> <br /> Respecter les droits des travailleurs et d'ailleurs aussi leur libertés syndicales et la  liberté d'expression et notamment celle de la satire politique -et pas seulement sur face book- oui<br /> mais sans ignorer que les dangers et plaisirs de fzcebook et twitter sont justement la satisfaction de pouvoir réagir vite;<br /> <br /> <br /> M Bartho,<br /> <br /> <br /> A l'impossible nul n'est tenu certes mais Dieu n'a pas voulu rendre gentils et innofensifs tous les imbéciles  et le harcèlement moral par des imbéciles se croyant protégé par<br /> l'anonymat  sur internet existe- notamment celui des jeunes homosexuels que cela conduit au suicide et celui des jeunes filles qui acceptent par naiveté de se dévétir devant une webscan<br /> (caméra reliée à leur ordinateur).<br />
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J
<br /> Bonjour Michel, quoique reclus dans le tréfonds du Languedoc entre Corbières et Minervois, il arrive encore que le retraité que je suis suive tes élucubrations toujours aussi intéressantes (je te<br /> suis, donc je suis comme ils disent dans les réseaux dits sociaux); en l'espèce la cour de cass doit être approuvée car on ne saurait trop freiner l'ardeur des juges lorsqu'ils se mêlent de<br /> réprimer la connerie humaine, vaste programe constatait le Général, et trop dispendieux par les temps qui courrent vu le nombre de coupables en puissance... Amitiés, JP<br />
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P
<br /> <br /> Bonjour JP... et bonne retraite !<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Facebook est une des facettes des surprises et des inconnus de notre civilisation naissante, ou agonisante, selon qu'on est optimiste ou non.<br /> <br /> <br /> La notion de publicité sur le Net doit, normalement se résoudre à la publication intentionnelle, destinée erga omnes. Dès que le milieu choisi est du domaine de l'imperium du titulaire,<br /> c'est une sphère privée. Fixer une limite numérique n'aurait pas de sens, la nature du rapport avec les "amis" (quel galvaudage) ne dépendant que de la sensibilité de chacun, c'est une donnée<br /> subjective au sein de laquelle il faudrait discerner la fraude, corruptrice de tout, pour la requalifier en injure publique.<br /> <br /> <br /> Sur le fond, cela n'a pas plus d'intérêt que le changement de sexe ou le mariage pour chacun, le mécontentement et la rage ne seront jamais jugulés, heureusement, car la violence, je le crois,<br /> est indispensable à toute société, au moins en paroles. Le discours policé n'arrange rien, facilement biaisé par les professionnels de l'ilusion, et cela, Platon le disait déjà, il<br /> laisse un goût amer, un sentiment de frustration.<br /> <br /> <br /> C'est un apport indéniable de la société virtuelle que de pouvoir se défouler et il faut reconnaître que des situations de subordination, des engagements politiques, peuvent justifier que<br /> l'on s'emporte. En revanche, la pudibonderie verbale est un vecteur de la dictature. J'entendais l'autre jour une femme s'indigner qu'on la dise gouine en répliquant sèchement que ce n'était pas<br /> un mot actuel. Dramatique, l'étymologie de gouine est bien connue, qui est d'ailleurs un mot masculin à l'origine et sans doute issu du grec "guné", la femme quand il a été frappé du féminin,<br /> l'intéressée se réfugiait derrière une convention, une norme qu'elle érigeait en ordre de se taire, mais par inculture, sans doute. Si on étouffe la virulence verbale, on châtre le vocabulaire et<br /> on ajoute de la poudre dans les cartouches.<br /> <br /> <br /> Cela dit, je préfère de loin dans le combar, le vocabulaire glacial, l'ironie assassine, l'acidité d'un jugement passé au crible du vocabulaire spécialisé, destiné à faire mal, à détruire alors<br /> que l'injure est du domaine du jeu de rôles. A chacun de choisir sachant que ce qui est difficile c'est d'être drôle sans être méchant, mais ça, c'est une autre histoire.<br />
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