A propos de la peine de mort... et de la garde à vue
Par Michel Huyette
Les medias nous apprennent que M. Damon Thibodeaux, condamné à mort en Louisianne en 1997 sous l'accusation de viol et meurtre, après avoir passé 16 années en prison dont 15 dans un "couloir de la mort", vient d'être libéré, à l'âge de 38 ans, après qu'il ait été démontré qu'il n'est pas coupable des faits poursuivis (lire ici, ici,).
A chaque fois qu'une telle histoire nous est rapportée, nous sommes pris du même effroi. En effet, on ne peut s'empêcher de penser que la sanction de mise à mort aurait pu être exécutée et que l'innocence aurait pu être démontrée après cette exécution. Un innocent aurait alors été tué sans possibilité de retour en arrière.
Ce qui est arrivé à cet homme est d'autant plus préoccupant que ce n'est pas la première fois qu'un tel scénario se produit. (lire ici, ici)
En tous cas, si besoin était, de tels faits ne peuvent que nous convaincre encore plus de la nécessité absolue de supprimer la peine de mort dans toutes les législations. Tant que persitera le risque qu'un seul innocent soit condamné à mort puis exécuté, et un tel risque ne disparaîtra jamais, il restera impossible de conserver une sanction contre laquelle rien ne peut être fait une fois qu'elle est mise en oeuvre.
Comme cela a déjà été indiqué ici, en France l'existence d'une procédure de révision des condamnations pénales prouve à elle seule qu'il existe un risque permanent d'erreur judiciaire. Répétons le une fois de plus, par définition la procédure de révision est incompatible avec la peine de mort puisque l'objectif de cette révision est, quand cela est justifié, d'annuler un verdict qui n'avait pas lieu d'être et de remettre en liberté la personne condamnée à tort (puis de l'indemniser, lire not. ici).
Verser de l'argent à une personne qui est restée injustement des années en prison ne répare sans doute pas tous les dommages subis. Mais au moins cette personne une fois remise en liberté peut profiter, autant que possible, du reste de son existence.
Par contre, se pencher sur la tombe d'une personne exécutée à tort en disant "désolé mais on s'est trompés" n'est pas forcément d'une grande utilité pour celui qui repose sous terre.
Cette affaire est intéressante par un autre de ses aspects. En effet, il est indiqué dans les medias que M. Thibodeaux, pendant sa garde à vue, a nié les faits qui lui étaient reprochés puis les a reconnus, et que la condamnation s'est appuyée principalement sur ces aveux.
Plusieurs spécialistes se sont récemment penchés sur les aveux obtenus de personnes qui, pourtant, sont innocentes. Pour essayer de mieux comprendre pourquoi des personnes s'accusent tout en sachant qu'elles n'ont rien fait.
Parmi celles-ci, quelques unes ont expliqué aux journalistes qu'après des heures de garde à vue la situation devient tellement pénible que la seule solution qui leur semble envisageable pour mettre fin à une souffrance excessive est de dire ce que l'enquêteur veut entendre. Et qu'à ce moment là elles ne sont pas en capacité de mesurer toutes les conséquences de ce qu'elles font et disent.
C'est l'une des raisons pour lesquelles il était temps de permettre une présence accrue de l'avocat au cours des gardes à vue françaises (cf. la rubrique dédiée sur ce blog). Cette présence est de nature à faire obstacle à ce genre de scénario, le gardé à vue n'étant plus enfermé dans un huis clos permanent avec les enquêteurs.
En tous cas, et pour revenir à notre point de départ, il est impossible, en même temps, d'un côté d'admettre une procédure de révision des condamnations pénales et d'applaudir quand un innocent auparavant condamné est reconnu non coupable, et de l'autre de vouloir réintroduire dans notre législation une peine de mort irréversible.
Sauf à préférer la barbarie à la justice.