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Publié par Michel Huyette


Par Michel Huyette


Les commentaires sur la durée des procédures judiciaires sont nombreux. Particuliers et avocats dénoncent, parfois à juste titre, l'incapacité des juridictions à juger certaines affaires dans un délai raisonnable.

Mais ce que l'on sait moins, c'est que l'objectif recherché n'est pas toujours d'obtenir un jugement aussi tôt que possible. Parfois, au contraire, tout est fait pour repousser le plus longtemps que possible le passage devant le tribunal.

Et pour certains tous les moyens sont bons, même les moins nobles.

Un récent arrêt (n°06-83083) de la cour de cassation en est une illustration intéressante.

Un homme est poursuivi pour escroquerie. Il est condamné par un tribunal correctionnel. Mécontent de cette sanction, cet homme fait appel. L'appel fait obstacle à l'exécution des condamnations prononcées par le tribunal puisque toute l'affaire sera rejugée en appel.

Le dossier est appelé à une première audience de la Cour d'appel.  Prévenu et avocat obtiennent un premier renvoi et l'affaire est rappelée 8 mois plus tard. A la deuxième audience, l'avocat du prévenu produit un fax de son client absent de France jusqu'à la veille de l'audience et qui n'aurait pas été en mesure de prendre l'avion pour être rentré à temps, à cause d'un problème d'hypertension. La cour renvoie une nouvelle fois le dossier et le rappelle 4 mois plus tard. Lors de la troisième audience, le prévenu ne se présente toujours pas. Son nouvel avocat (il en a changé entre temps) demande encore un renvoi, faisant valoir que son client est en voyage d'affaires, ajoutant qu'il lui a conseillé de ne pas venir devant la Cour puisque lui-même, avocat, demandera un nouveau renvoi. Mais cette fois-ci la Cour refuse de reporter l'examen du dossier à une autre date. L'avocat décide alors de quitter le palais de justice et de ne pas défendre son client.

A l'issue de l'audience la Cour condamne le prévenu à de l'emprisonnement avec sursis et à une amende. Un pourvoi en cassation contre cet arrêt a été formé aussitôt, évidemment...

Devant la Cour de cassation, le prévenu, représenté par un avocat, ne conteste ni la déclaration de culpabilité, ni les peines prononcées. Pour tenter d'obtenir l'annulation de sa condamnation et le renvoi de son affaire devant une autre Cour d'appel, c'est-à-dire concrètement pour que soit encore retardé le prononcé et l'exécution des sanctions, il met en avant que le refus de la Cour de renvoyer une troisième fois l'examen de l'affaire a violé les droits de la défense.

Ce à quoi la Cour de cassation répond avec un grand bon sens, et sous la forme  d'une critique non voilée que "les droits de la défense n'ont pas été exercés comme ils auraient pu l'être du seul fait du prévenu qui s'est volontairement abstenu de comparaître et de son avocat qui s'est retiré après avoir déposé ses conclusions de renvoi".

Cette affaire met en avant les façons d'agir de prévenus et d'avocats qui ne sont malheureusement pas isolées. Dans certains dossiers, tout est fait pour retarder le moment de la sanction, et, l'honnêteté étant laissée au fond du panier, tout est bon pour arriver au but recherché. Ici, un prévenu a organisé son absence hors de France, s'est arrangé pour ne pas revenir à temps en étant (bizarrement) malade juste la veille du procès, s'est ensuite (bizarrement) trouvé en voyage d'affaire juste le jour de l'audience suivante. Ensuite il a changé d'avocat pour pouvoir faire dire que le nouveau n'a pas eu le temps de prendre suffisamment connaissance du dossier (ce qui était inexact), et enfin l'avocat qui n'a pas obtenu de la Cour le renvoi sollicité a décidé, au mépris de ses devoirs, de quitter la salle d'audience, espérant contraindre ainsi les juges à revenir sur leur refus du renvoi.

Tout cela n'est pas très noble, relève de la stratégie d'obstruction pour laquelle certains croient que tous les mensonges et toutes les manipulations sont possibles.

En tous cas, les prévenus et les avocats qui agissent ainsi ont un avantage sur les magistrats : il n'y aura sans doute jamais de commission parlementaire d'enquête pour mettre en lumière ces pratiques douteuses, ni de rapport les montrant du doigt, et encore moins de sanctions.

Reste la morale.

Mais y faire référence semble bien illusoire puisque l'on a bien compris que dans ce genre de scénario elle n'a pas sa place.


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A
Un exemple avec la Comparution immédiate sur reconnaissance de culpabilité (CRPC), ou "plaider-coupable" justement dans les situations où il fait peu de doute sur la culpabilité de l'auteur (le prévenu) : Faits délictueux commis le mois N. Audience CRPC prévue 2 mois après les faits: audience non tenue, le prévenu se présentant peu avant l'heure fixée pour demander un renvoi au motif de n'avoir pas d'avocat (représentation obligatoire). La 1e demande de renvoi étant systématiquement accordée, l'audience est donc reportée. 2e audience CRPC prévue 3 mois après (soit à N+5 mois): ni le prévenu ni son avocat ne s'y présentent, l'affaire est renvoyée. 3e audience CRPC prévue 2 mois après (soit à N+7 mois); là encore, le prévenu et son avocat sont aux abonnés absents. Etant donné les 7 mois déjà écoulés depuis les faits, et les 3 reports d'audience n'ayant pas permis de juger dans le délai normalement prévu pour les CRPC (censées permettre un jugement plus rapide, puisque certaines questions de fond ne se posent pas), le juge décide de renvoyer l'affaire en correctionnelle, pour une instruction "classique". Et là, le justiciable victime se rend compte des délais de jugement nettement plus longs : 3,5 ans en moyenne au tribunal correctionnel. <br /> Donc au final, une affaire de délit relativement banal est susceptible d'être jugée seulement plus de 4 ans après les faits. Et alors que l'affaire concerne un délit mineur qui n'entraîne a-priori aucune condamnation de prison avec sursis, mais une simple amende éventuellement assortie de travaux d'intérêt général. Et augmentée évidemment des dommages-intérêts réclamés en sus par les parties civiles.<br /> Entre-temps, la victime doit subir les frais financiers qui n'auront pas tous été pris en charge par l'assurance (et les fonds d'indemnisation sont aussi une démarche tortueuse, longue, pénible et peu efficiente : la victime doit saisir d'abord la CIVI, pour se voir notifier le refus de prise en charge, puis seulement une fois le refus reçu, saisir le SARVI, qui va statuer plusieurs mois plus tard et dont l'indemnité maximale est limitée à 1000€, potentiellement versé 3 fois au maximum soit 3000€ mais sur 3 mois. donc..), le stress d'une procédure (et la crainte que l'auteur des faits ne recommence éventuellement) et le sentiment de se faire flouer une seconde fois par l'agresseur. C'est effectivement dommage qu'aucun frein n'existe ni aucune indemnité ne soit prévue pour condamner, de manière "éducative", ces manœuvres dilatoires -- (presque) toujours le fait de celui qui se sait être responsable..
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J
Bonjour.Est-il totalement illusoire de penser qu'un jour il puisse y avoir contrôle et enquète pour déterminer la réalitié de "stratégie d'obstruction" ?Après tout, c'est du détournement indirect de l'argent public, du temps , de l'énergie perdue, du tort causé à ceux qui désespérément attendent que leur cas soit évoqué et jugé ?Puisqu'il est souvent soulevé le manque de moyens, ne faut-il déjà pas "économiser" ceux qui existent , de manière à ce que les juges ne soient pas "débordés" ? (ceci dans leur intérêt professionnel et dans l'intérêt du justiciable)
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M
Réponse de Michel Huyette Votre questionnement est aussi le nôtre ! Nous constatons (trop) souvent que des prévenus, aidés en ce sens par leurs avocats, mettent en place de réelles "stratégies d'obstruction" pour tenter de repousser le moment du procès et du prononcé de la sanction, et au-delà de parasiter l'ensemble du processus judiciaire (par exemple en générant artificiellement des incidents à l'audience). Et comme vous le soulignez à juste titre, nous perdons du temps et de l'énergie pour faire obstacle à ces dérives inadmissibles. La difficulté pour nous vient du fait que nous devons trouver le juste milieu entre deux impératifs : respecter les droits de la défense (un prévenu peut être réellement malade le jour de son procès et a le droit d'y participer en personne, d'où une demande de renvoi justifiée), et faire obstacle aux manipulations les plus grossières.Quoi qu'il en soit, ces comportements inacceptables ne sont pas sanctionnables en eux-mêmes.