Des nominations politiques dans la magistrature ?
Par Michel Huyette
Tous les medias commentent ces jours-ci les plus récentes nominations dans la magistrature (premier président de la Cour de cassation, président de la Cour d’appel de Paris, président du tribunal de grande instance de Paris notamment). Et il est souvent écrit qu’il s’agit de nominations politiques, les magistrats choisis étant présentés comme proches de l’actuelle majorité parlementaire et gouvernementale. Il est même mis en avant le fait que le nouveau premier président de la Cour de cassation a été à plusieurs reprises un proche collaborateur de ministres de la justice de droite (cf par exemple Le Monde, Libération, Le NouvelObs, le Figaro, l’Express).
Cela appelle quelques brefs commentaires.
D’abord, il est toujours amusant de constater que ce qui est reproché au parti au pouvoir a auparavant été pratiqué par le parti de l’autre bord, l’un et l’autre usant et abusant du même système. Les arguments critiques auraient certainement plus de valeur s’ils émanaient de personnes ayant toujours été irréprochables.
Ensuite, même s’il est exact que le pouvoir en place nomme aux plus hautes fonctions administratives des personnes qui lui sont politiquement proches, ce qui impose de conclure que l'aptitude comparée des candidats n'a pas été le seul critère de choix, il n’en reste pas moins que ce que l’on attend des nommés c’est d’abord qu’ils aient une compétence indiscutable à l’exercice des fonctions qui leur sont attribuées. Or dans les articles lus il est rarement fait état des aptitudes professionnelles des nouveaux promus, qui peuvent être réelles.
Par ailleurs, aucun magistrat n’est politiquement neutre. A l’intérieur de l’institution, se trouvent des hommes et des femmes qui lors des élections mettent dans l’urne des bulletins de toutes colorations politiques. Or, se sentir proche d’un courant politique n’empêche pas d’être professionnellement neutre et indépendant. Il s’agit là d’une éthique personnelle, faite d’exigence permanente, et rien ne permet d’affirmer que les individus nommés aux plus haut postes en sont dépourvus, même si un parcours fait à un moment donné d’engagement politique militant justifie que ces magistrats soient plus observés que les autres et qu’il leur soit demandé de rendre compte dès qu’une prise de position partisane apparaît, d'autant plus qu'ayant obtenu un poste important ils pourraient se sentir redevables envers ceux qui les ont nommés et ne plus disposer de la même liberté d'analyse et de critique. Mais à leur tour ils doivent être jugés sur leurs actes et non sur leur idéologie supposée.
Enfin, il faut insister sur un point important.
Dans les commentaires des medias, il est parfois mentionné une "reprise en main" de la magistrature, et des nominations de proches du pouvoir à des "postes-clé". Cela suppose que les nouveaux nommés aient la possibilité d'influencer considérablement le travail des autres juges.
Mais la réalité est bien plus nuancée.
Au quotidien, dans les centaines de milliers de procédures traitées chaque jour dans toute la France par les quelques milliers de juges du siège (ceux qui jugent, qui décident et rendent les décisions qui s'appliquent), la personnalité de premier président de la Cour de cassation est totalement indifférente. Il en va de même de celle d'un premier président de Cour d'appel. Les juges statuent en fonction du dossier qui leur est soumis et rien d'autre. Dans leur travail quotidien, les juges ne reçoivent ni instructions, ni consignes particulières. Ils statuent en fonction des règles juridiques applicables, et en plus si l'un d'entre eux à une opinion très/trop tranchée, la collégialité est de nature à en modérer l'impact.
Cela n'est pas fondamentalement différent en matière pénale. Dans ce domaine ce qui compte ce sont le dossier pour la plus grande part, et ensuite les débats à l'audience. Ici encore, les opinions de la hiérarchie judiciaire n'ont aucun effet réel. Et même dans les affaires médiatisées, les juges statuent en fonction de ce qu'ils croient juste, à tort ou à raison, et non pas en fonction de la personnalité et des convictions des chefs de juridiction.
Finalement, ce débat sur les nominations aux plus hauts postes du siège de la magistrature ne présente que peu d'intérêt pour le justiciable ordinaire. Car pour lui le seul juge important c'est celui qui traite son dossier, celui dont il aura vite oublié le nom et dont personne n'entendra jamais parler. Mais qui rend la véritable justice.