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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  Au tout début du mois de juin 2009, une avocate a publié sur le site Rue89 un article critique, après le suicide en prison de l'un de ses clients atteint, selon elle, de maladie mentale.

  L'avocate dénonce l'indifférence du juge d'instruction à qui elle aurait exprimé à plusieurs reprises la nécessité d'apporter des soins hospitaliers au détenu et donc de le faire sortir de prison,  puis la décision tardive de la chambre de l'instruction qui à son tour n'a pas organisé une telle hospitalisation.

  Elle mentionne également une pratique qu'elle appelle le "délibéré de couloir", ce qui selon elle suppose que le représentant du Parquet ait délibéré avec les magistrats du siège ce qui, d'un point de vue juridique, est évidemment juridiquement interdit.

  Le même site nous apprend maintenant que des organisations syndicales de magistrats ont vivement réagi à ces propos et dénoncé une mise en cause inacceptable des juges. Et certaines ont saisi la ministre de la justice, tout en soulignant que celle-ci ne s'est pas spécialement intéressée pendant son séjour au ministère à la protection des attaques contre les magistrats. C'est peu dire....

  Quoi qu'il en soit, ce que la lecture de ces évènements inspire, c'est surtout le sentiment que l'on passe d'un côté comme de l'autre à côté de l'essentiel.

  D'abord, à la lecture de l'article de l'avocate, rien ne permet de savoir dans quelle mesure ce qu'elle soutient est exact.  Bien sûr, il est tout a fait envisageable que ce qu'elle affirme en quelques lignes soit en tout ou partie conforme à la réalité. Mais il est dommage que, une fois de plus, la mise en avant de l'émotion fasse obstacle à la description rigoureuse et à l'analyse sereine d'une situation délicate. Cette avocate n'apprécierait peut-être pas que l'on critique son travail ou la personnalité de l'un de ses clients avec la même légèreté.

  Mais supposons qu'il y ait une part de vrai dans ses allégations.

  D'abord, il faudrait avoir sous les yeux les courriers échangés entre elle et le juge d'instruction. Cela pourrait être de nature à faire apparaître des réponses trop tardives ou inappropriées de ce dernier, ou, à l'inverse, un intérêt réel quant à la situation de ce détenu décrit comme malade mental mais des difficultés pratiques ayant fait obstacle à la mise en oeuvre de la solution la plus appropriée.

  De la même façon, il serait intéressant de lire les conclusions déposées par l'avocate devant la chambre de l'instruction, et la motivation de la décision rendue. Dans un second temps seulement serait-il possible d'apprécier s'il y a eu une décision différente de ce que souhaitait l'avocate mais toutefois sérieusement argumentée, ou bien, comme cela se produit parfois, une erreur manifeste d'appréciation de la situation.

  Notons également que l'allusion au "délibéré de couloir", expression que personnellement j'entends pour la première fois, est assez troublante. Si ce que cette avocate affirme est exact, à savoir la présence d'un représentant du ministère public pendant le délibéré des magistrats formant la chambre de l'instruction, cela relèverait certainement de la future saisine du Conseil supérieur de la magistrature tant cela est une grossière violation de la législation. Et au-delà du droit, si le représentant du parquet a développé son point de vue à l'audience, il n'existe aucune nécessité qu'il débatte encore de l'affaire avec les magistrats du siège pendant leur délibéré.

  Côté magistrats, il y a fort à parier que la dénonciation de principe des propos critiques de cette avocate, non accompagnée d'une analyse indiscutable de la situation litigieuse, va être considérée une fois de plus comme une manifestation du corporatisme le plus primaire. Et cela y ressemble beaucoup...

  En tous cas, à la lecture de l'article de l'avocate et des réactions des organisations syndicales, une chose au moins est certaine : le véritable débat a été totalement escamoté des deux côtés.

  La transparence est-elle à ce point gênante ?







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N
Bonjour,<br />  <br /> Je note que mon Confrère a pris soin de ne citer personne (magistrats ou client). De ce fait, seuls les magistrats en question ont pu se reconnaître. Je pense (sans rien connaitre cette affaire), que c'était le but de l'avocat en question : atteindre la conscience des magistrats.<br />  <br /> Il faut savoir que, pour un avocat, le suicide d'un client en détention est une épreuve très lourde. On se sent soi-même coupable. Coupable de ne pas être allé le voir assez souvent à la maison d'arrêt, coupable de n'avoir pas obtenu sa mise en liberté, coupable, enfin, d'appartenir à cette institution qu'est la justice.<br />  <br /> J'ai eu personnellement cette malheureuse expérience (les circonstances étaient bien pire, et les magistrat bien plus fautifs, il me semble), je pense qu'elle m'a marqué à vie. Le lendemain du décès de ma cliente (18 ans, mère d'un enfant de 2 ans de père inconu), j'en étais malade. Je suis allé voir le juge d'instruction car je pensais qu'elle partagerait cette épreuve. A voir sa désinvolture, j'ai compris qu'il n'en était rien. Je suis allé à la Chambre de l'instruction (car ma cliente devait passer pour une mise en liberté), et quand j'ai entendu "appel sans objet , le détenu est décédé, tant mieux, ça ira plus vite" (je ne me souviens plus exactement des paroles, mais c'était quasiment cela), j'ai compris que nous vivions sur deux planètes différentes.<br />  <br /> Bien entendu, il ne faut jamais parler d'une profession en termes généraux.  <br /> Je voulais simplement dire combien je comprends ce confrère, ce qu'elle a pu ressentir et le besoin qu'elle a eu de coucher par écrit ce triste épisode de sa vie d'avocat.<br />  
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P
<br /> Merci pour ce témoignage.<br /> Je comprends aussi parfaitement l'émotion de l'avocat dont un client se suicide, quelle que soit sa personnalité et quoi qu'il ait fait.<br /> Je suis aisément d'accord pour admettre que dans certaines situations les magistrats font preuve d'une désinvolture peu glorieuse, et que sont parfois commises des erreurs d'appréciation.<br /> Mais justement, si l'on veut pouvoir les repérer, pour les analyser et en tirer des conclusions utiles, et pas seulement en terme de "faute" mais en terme de qualité des pratiques, encore faut-il<br /> une analyse rigoureuse, précise, équitable, de chaque situation.<br /> Ce que l'émotion ne permet pas !<br /> MH<br /> <br /> <br />
L
La liberté de critiquer les juges peut être illimitée dans une société démocratique comme la notre si elle est fondée donc justifiée, et si elle se veut constructive et non pas seulement dénigrante. Je ne sais pas quelles sont les motivations de l'avocate en question, un désarroi, une rancune, une frustration, un excès d'humanisme, que sais-je encore? Toujours est-il que d'ici à ce que la garde des sceaux réagisse et bien comment dire...justement je ne dis rien... <br /> Je reste dubitative sur la nouveauté du jour  : "le délibéré de couloir", j'ai bien compris ce qui est dénoncé par cette dénomination, en tout cas dans le principe faute de savoir si cela s'est réalisé en pratique, mais je ne vois pas l'intérêt d'une telle attitude, qui choquerait n'importe quel magistrat, comme n'importe quel étudiant en droit d'ailleurs. Ca n'a aucun intérêt d'agir de la sorte, à moins d'avoir un parti pris et vouloir l'imposer en influençant dans un sens plutôt qu'un autre, une décision prise, normalement, sans le ministère public. Mais alors la paranoïa guette..! <br /> Enfin, les critiques sur les magistrats font partie de la liberté d'opinion et d'expression, à moins de tomber dans la diffamation.Je sais bien que ça ne fait plaisir à personne d'être critiqué, j'ai aussi conscience que je me cache derrière une liberté très vaste tant en droit interne qu'en droit européen, pour être en plein dans l'air du temps, mais la liberté d'expression est peu limitée quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense. Si on s'offusque de ce que révèle votre article, que dire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui condamne la France pour sa jurisprudence retenant le recel de violation du secret de l'instruction ou du secret fiscal ? (ex: Fressoz Roire c/France, 21 janvier 1999). La liberté d'expression et d'information du journaliste passe avant le secret de l'instruction, sur la base de l'article 10 de la CEDH alors quand on dit que des organisations syndicales saisissent la ministre de la justice pour des critiques faites par une avocate, j'ai nettement envie de dédramatiser. Il y a plus grave tout de même. Et le plus grave que je vise dans mon exemple précédent est pourtant permis par une juridiction européenne, un comble, alors vous pensez bien que les simples propos d'une avocate sont bien inoffensifs vu comme ça. L'avocate Vs les organisations syndicales ou le retour de David contre Goliath ? Ou alors tout simplement le reflet d'une grande idiotie des deux côtés quant on voit les propensions que ça prend, sans débat de fond sur quoi que ce soit, que des supputations, et une vexation qui monte en puissance pour bien peu.
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