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Publié par Parolesdejuges

Par Bernard Brunet



La commission sur la répartition des contentieux présidée par M. Guinchard a remis au garde des sceaux le 30 juin 2008 un rapport intitulé « l’ambition raisonnée d’une justice apaisée » contenant un certain nombre de mesures de procédure de nature à redonner cohérence et efficacité à des règles procédurales qui ont évolué en fonction des aléas de l’histoire et au gré des événements. Dans le domaine du droit social qui nous intéresse aujourd’hui le rapport de la commission Guinchard connaît des prolongements qui se concrétisent par un projet de “décret réformant la procédure orale et la conciliation judiciaire en matière civile, commerciale et sociale”.

Ce rapport a également  pour ambition de faire le point sur l’état des lieux, de répartir les contentieux, de reconstruire l’activité des juridictions et de la justice à travers des critères de spécialisation, de technicité, de lisibilité, d’efficacité, de proximité. Ainsi, outre les projets procéduraux qui ressortent de la technique et des outils pratiques, la commission Guinchard a proposé la désignation de juges départiteurs des affaires prud’homales par ressort de tribunal de grande instance ainsi que la création d’un guichet universel de greffe délivrant non seulement des informations, mais également constituant un point d’entrée de proximité dans le système judiciaire par la saisine des juridictions. Le rapport de la commission Guinchard débouche sur 65 propositions dont 23 en matière d’organisation judiciaire, huit en matière d’accès à la justice et de procédure, 34 en matière de déjudiciarisation et d’allégement procédural..


Par ailleurs, en marge du dépôt du rapport « célérité et qualité de la justice devant la cour d’appel » remise le 24 mai 2008 au garde des sceaux et concernant la procédure avec représentation obligatoire, M. Le premier président Magendie a fait une autre proposition : celle de la création d’une procédure écrite sans représentation obligatoire devant les chambres sociales des cours d’appel. Il n’est pas exclu aujourd’hui que ce projet porté par un groupe de travail évolue et qu’il passe par une phase d’expérimentation dans certaines cours.   

Il s’agit, donc, un ensemble important de mesures en projet relatives:
- au déroulement de la procédure en première instance (premier point abordé),
- au déroulement de la procédure d’appel (deuxième point abordé),
-  à la réorganisation de l’institution judiciaire pour plus de technicité et d’accessibilité (troisième point abordé).


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Premier point : les mesures communes relatives à la procédure orale et applicables, devant les conseils de prud’hommes :

– la première mesure est celle qui consacre la place des conciliateurs de justice dans le procés civil .

S’il est un contentieux qui paraît adapté aux modes alternatifs de règlement amiable des litiges, c’est bien celui des conflits sociaux : durée des relations contractuelles, intérêts réciproques  de maîtriser et évaluer les risques encourus, professionnalisation des parties et des acteurs du procès. Pourtant, ne nous le cachons pas, les pratiques de véritables recherches de conciliation ou de médiation sont rares. Le projet de décret consacre  le développement de la conciliation généralisée à toutes les juridictions, avec comme nouveauté la possibilité de voir le juge (donc le conseil de prud’hommes) déléguer la conciliation à un conciliateur de justice. L’accord même partiel est signé par les parties et par le conciliateur s’il intervient devant lui, ou par le juge.

Cette généralisation à toutes les juridictions de la délégation de la conciliation au conciliateur de justice explique la place formelle de ce projet de réforme dans le code de procédure civile et devrait déboucher sur la désignation par le premier président de la cour d’appel d’un magistrat coordonnateur. Cette consécration doit nous rappeler que la fonction première du droit et de garantir la paix sociale ; le contentieux, le conflit sont autant d’occasions manquées par un salarié et un employeur de résoudre autrement le règlement de leur litige.

Faisons ici un bref parallèle avec la rupture conventionnelle qui, d’une certaine manière, obéit à des logiques de même nature. La rupture conventionnelle inquiète à certains égards: les garanties de contrôle par l’administration sont formelles et aléatoires, la cause véritable de l’accord est ignorée, les manipulations sont possibles de part et d’autre. Pourtant la rupture conventionnelle répond à un besoin. Le fait pour les juridictions du travail d’abandonner, le temps nécessaire, la logique contentieuse pour rechercher l’accord, l’émergence d’une reconnaissance réciproque peut-être le signe pour elles d’une véritable maturité. Cette observation, au demeurant, s’adresse aussi à la chambre sociale de la cour d’appel.

– la deuxième mesure est l’entreprise de définir une nouvelle procédure  orale sûre, efficace et adaptée à chaque cas, même si la question de savoir s’il s’agit d’une procédure “orale” se pose.
– procédure, en effet, qui sera purement orale si les parties le souhaitent,    mixte si les parties se réfèrent expressément à leurs écrits, purement écrite si les parties sont autorisées à s’en tenir à leurs écrits et à ne pas se présenter.... Ainsi, la procédure « orale » peut être exclusivement écrite. Constatation qui inciterait, d’ailleurs, à mon sens à parler davantage de procédure simplifiée que de procédure orale.
– si lors du premier appel l’affaire est renvoyée, le juge peut organiser les échanges entre les parties, peut fixer les délais et les conditions de communication. Faute pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, le juge peut écarter des débats les pièces communiquées tardivement ou radier l’affaire. Le juge est, donc, de manière explicite doté d’une possibilité de sanction qui intervient au terme d’un processus « rappelant » d’une certaine manière, notez les précautions prises, l’ordonnance de clôture.
– le projet de M. Magendie comporte également l’abandon de la règle de l’unicité d’instance. Cet abandon s’éclaire, je pense, par l’évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui dans deux arrêts en assemblée plénière de 2006 et 2007 a décidé :
– que le demandeur est tenu de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens de nature à fonder sa demande et qu’il ne peut ensuite fonder une nouvelle demande ayant la même cause en invoquant un fondement différent,
– que l’omission pour une partie de soulever un moyen de droit pertinent n’entraîne pas obligation pour le juge de relever l’omission.

L’abandon de la règle de l’unicité d’instance et l’évolution constatée d’un appel voie d’achèvement caractérisent le transfert en direction des parties et de leur conseil d’une responsabilité supplémentaire dans la conduite de leur instance.


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Relevons que le projet en question ajoute un alinéa au code de procédure civile alinéa intitulé « la procédure orale » ; il tend ainsi à définir les caractéristiques et les garanties des procédures orales en question, à leur donner  un cadre et un statut en tant que telles. Ces dispositions générales tendent à mettre en place un environnement  processuel moins formaliste que la procédure de droit commun, mais permettant d’imposer aux parties l’accomplissement de diligences et le respect du principe du caractère contradictoire de la procédure. Cette évolution paraît être un gage d’efficacité et de sécurité. Ainsi, les procédures orales n’existeront plus en négatif des procédures de droit commun et ne se caractériseront plus par l’absence de formalisme. L’abandon du principe d’unicité d’instance liée sans doute à la progression de la conception de l’appel voie d’achèvement parachève la consécration du principe d’un environnement juridique commun à l’institution judiciaire dans son ensemble.


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Deuxième point: la réforme de la procédure des chambres sociales des cour d’appel.

Le projet de M. Le premier président Magendie se distingue du projet  issu de la commission Guinchard en ce qu’il passe exclusivement par une réforme de la partie réglementaire du code du travail, en ce qu’il accentue le particularisme de ce contentieux devant les chambres sociales des cour d’appel, en ce qu’il transforme en procédure écrite une procédure qui était orale.

Le caractère écrit de la procédure en appel s’accompagne de  l’obligation pour l’appelant, sous peine de déchéance, d’adresser au greffe dans un délai de trois mois ses conclusions écrites et ses pièces, d’adresser sous la même sanction les mêmes documents dans le mois suivant à l’intimé; par ailleurs, l’intimé se voit imposer de conclure, de déposer et communiquer ses pièces dans les deux mois.

À l’issue de ces cinq mois, l’affaire est fixée et les parties peuvent être autorisées à déposer de nouvelles conclusions ou de nouvelles pièces à une nouvelle audience. L’audience permet aux parties d’expliciter leurs écritures et de répondre aux questions de la chambre sociale. Les renvois doivent y être exceptionnels.

Ainsi, le système proposé comporte une première période de cinq mois, période active pour les parties. Le système garantit pleinement le caractère contradictoire de la procédure. S’il en modifie « le tempo », le système proposé est assez proche des motivations ayant présidé à la mise en place, dans les limites des textes actuels, d’un système d’instruction des affaires à la chambre sociale de la cour d’appel de Toulouse.

Le projet issu des propositions de M. Le premier président Magendie prévoit que les décisions des conseils de prud’hommes qui statuent sur une exception d’incompétence d’attribution sont toujours susceptibles d’appel. Il s’agit d’une disposition qui apporte une réponse à la question de savoir si un jugement disant que n’existe pas un contrat de travail et que le conseil de prud’hommes n’est pas compétent, renvoyant l’instance devant le tribunal de commerce ou le tribunal de grande instance était susceptible d’appel ou de contredit.


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Le troisième point : les projets de réforme de l’institution judiciaire.

La commission Guinchard a proposé la création d’un guichet universel de greffe et de pôles locaux englobant le contentieux des élections professionnelles et la départition prud’homale.

– la refonte de la carte judiciaire et le développement des nouvelles technologies ont conduit la commission Guinchard à proposer de prolonger l’expérimentation    des guichets unique de greffe (préconisés par le rapport CASORLA) par la généralisation des guichets universels de greffe. Les guichets universels de greffe doivent permettre aux justiciables et aux auxiliaires de justice d’introduire une instance judiciaire ou d’obtenir des informations concernant une procédure. Ils doivent permettre, après réforme du code de l’organisation judiciaire, une mutualisation de l’ensemble des greffes du ressort. Compte tenu de la nécessité de tenir compte de la diversité des applications informatiques qu’implique un tel système,  la mise en service des guichets universels est envisagée en 2011.

– la technicité de la matière sociale justifie la constitution de pôles locaux englobant le contentieux des élections professionnelles et la départition prud’homale.
– l’urgence avec laquelle le contentieux des élections professionnelles doit être traité combinée à la complexité de la matière sociale et des règles procédurales en vigueur dans ce domaine, aux enjeux considérables expliquent la proposition de voir désigner un tribunal d’instance par ressort de tribunal de grande instance pour connaître des actions en matière d’élections professionnelles et d’ouvrir la voie de l’appel contre les décisions rendues en cette matière.
– les mêmes considérations de technicité expliquent la recommandation de la commission de voir les premiers présidents spécialiser  un ou des juges départiteurs dans le ressort de chaque tribunal de grande instance.



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Prenons acte de ces projets de réforme qui tendent à assurer l’efficacité et la sécurité du contentieux prud’homal. Il appartient aux professionnels et tout particulièrement aux magistrats d’analyser et appréhender les conséquences  organisationnelles, techniques et juridiques en découlant.

En conclusion de mon intervention, je voudrais seulement formuler un avis né de la constatation de l’hétérogénéité actuelle des procédures et du souci légitime de la commission Guinchard de créer des règles communes à toutes les procédures orales.

Ainsi, aujourd’hui certaines procédures sont écrites en première instance et orales en cause d’appel (contentieux de la contestation des honoraires d’avocats, procédures de taxe, contentieux de la rémunération des experts), d’autres sont orales en première instance et en appel (baux ruraux, affaires de sécurité sociale, contentieux des Conseils de Prud’hommes ), d’autres sont orales en première instance et écrites avec représentation obligatoire en appel (référés du président du tribunal de grande instance, jugements du tribunal d’instance, jugement du juge de l’exécution , jugements du tribunal de commerce), d’autres sont atypiques (recours devant la cour d’appel des victimes de l’amiante) ; maintenant le contentieux social serait traité par les  Conseil de Prud’hommes dans le cadre d’une procédure orale et en cause d’appel dans le cadre d’une procédure écrite sans représentation obligatoire.

Les particularités de chaque procédure concernent notamment les règles de représentation, les règles d’exercice des voies de recours avec les incertitudes qui en découlent.

Ainsi, dès lors que l’objectif de cohérence  et de lisibilité posé par la commission Guinchard apparaît pleinement fondé, ne serait-il pas judicieux, alors, d’unifier les règles procédurales des différents  contentieux d’appel non soumis à représentation obligatoire par le bais d’une réforme du Code de procédure Civile comportant des dispositions communes à tous les contentieux en question et de ne pas poursuivre une logique de diversification par une modification du seul droit du travail ?


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N
<br /> La diversité des procédures ne gêne que les personnes qui doivent les apprendre. Il y a de bonnes idées, notamment la fin de la terrible unicité d'instance. Mais il ne faut surtout pas perdre<br /> l'accessibilité de la procédure prud'homale en en supprimant l'oralité en appel. Déjà qu'une modif scélérate de 2005 a imposé l'avocat en cassation.<br /> <br /> <br />
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C
La conclusionse suffit à elle-même : pourquoi continuer encore à compliquer les règles de procédure à l'heure où l'on vote des lois de simplification du droit? Unifier les règles avec 2 grandes séries de dispositions pour les procédures avec ou sans représentation obligatoire me semble effectivement relever du plus élémentaire des bon sens... Malheureusement, ce bon sens semble singulièrement faire défaut depuis quelques années...
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