14 ans de procès, c'est trop long
"L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice."
Voilà ce que nous apprend la lecture de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire (COJ).
Depuis quelques années, les justiciables sont de plus en plus nombreux, une fois le traitement judiciaire de leur affaire terminé, à revenir devant les tribunaux pour obtenir la condamnation de l'Etat à cause du mauvais fonctionnement de l'institution judiciaire.
En voici un exemple récent.
En avril 1990 un homme est victime d'un accident du travail qui entraîne une impotence du bras gauche, donc une incapacité partielle justifiant l'allocation d'une rente. Il saisit la caisse d'assurance maladie (CPAM) qui retient un taux d'invalidité de 15 %. Il exerce un premier recours, et la commission régionale d'invalidité maintient ce taux. Il forme un nouveau recours devant la cour nationale de l'incapacité qui, en février 1996, confirme les décisions antérieures.
Il forme un pourvoi devant la cour de cassation qui annule la décision de la cour nationale qui, de nouveau saisie après la cassation, lui attribue en juin 2000 un taux d'incapacité de 25 %. Manque de chance, sur pourvoi de cet homme, la cour de cassation annule une nouvelle fois la décision de la cour nationale, et la juridiction de renvoi lui alloue en février 2007 un taux d'incapacité de 25 % (la cassation ne portant pas sur l'appréciation du taux).
Le premier recours de cet homme intervient en 1993, et la décision finale en 2007, soit 14 années plus tard.
Insatisfait de la façon dont son dossier a été traité par la justice, et estimant avoir atendu beaucoup trop longtemps pour être définitivement fixé sur son sort, cet homme saisit le tribunal civil d'une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L 141-1 du COJ.
Après une première décision d'un tribunal, la cour d'appel rejette sa demande, en estimant principalement que la durée totale de traitement de l'affaire est la conséquence des recours successifs de ce Monsieur.
On ne peut qu'être d'accord avec cette appréciation.
En effet, même quand un justiciable forme des recours, si la juridiction supérieure, et notamment la cour de cassation, annule les décisions antérieures, c'est qu'il y a eu une mauvaise appréciation du dossier, en fait ou en droit. La durée de traitement n'est donc pas la conséquence des recours, mais des décisions réformées qui par définition étaient inappropriées.
Le résultat est qu'en 2009, la cour de cassation renvoie l'examen de la demande d'indemnisation à une nouvelle cour d'appel, qui examinera la demande de cet homme en 2009 ou 2010.
Au delà du principe retenu par la cour de cassation, on remarque deux petits détails.
Le premier, c'est qu'entre la décision de la cour nationale de juin 2000 et la décision sur renvoi après cassation en février 2007, il s'est écoulé presque 7 années.
Le second, c'est que la cour de cassation a statué en février 2009 sur un pourvoi formé en avril 2007.
Cela signifie que tout en retenant un fonctionnement anormal de la justice uniquement à cause de la durée des procédures, elle participe elle-même amplement à l'allongement anormal des délais.
Etonnant, non ?