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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


 

   "L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice."

 

  Voilà ce que nous apprend la lecture de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire (COJ).

 

  Depuis quelques années, les justiciables sont de plus en plus nombreux, une fois le traitement judiciaire de leur affaire terminé, à revenir devant les tribunaux pour obtenir la condamnation de l'Etat à cause du mauvais fonctionnement de l'institution judiciaire.

 

  En voici un exemple récent.

 

  En avril 1990 un homme est victime d'un accident du travail qui entraîne une impotence du bras gauche, donc une incapacité partielle justifiant l'allocation d'une rente. Il saisit la caisse d'assurance maladie (CPAM) qui retient un taux d'invalidité de 15 %. Il exerce un premier recours, et la commission régionale d'invalidité maintient ce taux. Il forme un nouveau recours devant la cour nationale de l'incapacité qui, en février 1996, confirme les décisions antérieures.

 

  Il forme un pourvoi devant la cour de cassation qui annule la décision de la cour nationale qui, de nouveau saisie après la cassation, lui attribue en juin 2000 un taux d'incapacité de 25 %. Manque de chance, sur pourvoi de cet homme, la cour de cassation annule une nouvelle fois la décision de la cour nationale, et la juridiction de renvoi lui alloue en février 2007 un taux d'incapacité de 25 % (la cassation ne portant pas sur l'appréciation du taux).

 

  Le premier recours de cet homme intervient en 1993, et la décision finale en 2007, soit 14 années plus tard.

 

  Insatisfait de la façon dont son dossier a été traité par la justice, et estimant avoir atendu beaucoup trop longtemps pour être définitivement fixé sur son sort, cet homme saisit le tribunal civil d'une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L 141-1 du COJ.

 

  Après une première décision d'un tribunal, la cour d'appel rejette sa demande, en estimant principalement que la durée totale de traitement de l'affaire est la conséquence des recours successifs de ce Monsieur.


  Mais sur pourvoi (encore un..!) de l'intéressé, la cour de cassation, dans un arrêt du 25 février 2009, affirme que "en statuant ainsi, alors qu'il ne pouvait être reproché à M. X... d'avoir exercé les voies de recours dont il disposait et qu'un délai de 14 ans pour obtenir une décision définitive dans un litige relatif à l'évaluation d'un taux d'incapacité dénué de complexité caractérisait une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article susvisé".

  On ne peut qu'être d'accord avec cette appréciation.

  En effet, même quand un justiciable forme des recours, si la juridiction supérieure, et notamment la cour de cassation, annule les décisions antérieures, c'est qu'il y a eu une mauvaise appréciation du dossier, en fait ou en droit. La durée de traitement n'est donc pas la conséquence des recours, mais des décisions réformées qui par définition étaient inappropriées.

  Le résultat est qu'en 2009, la cour de cassation renvoie l'examen de la demande d'indemnisation à une nouvelle cour d'appel, qui examinera la demande de cet homme en 2009 ou 2010.


  Au delà du principe retenu par la cour de cassation, on remarque deux petits détails.

   Le premier, c'est qu'entre la décision de la cour nationale de juin 2000 et la décision sur renvoi après cassation en février 2007, il s'est écoulé presque 7 années.

  Le second,
c'est que la cour de cassation a statué en février 2009 sur un pourvoi formé en avril 2007.

  Cela signifie que tout en retenant un fonctionnement anormal de la justice uniquement à cause de la durée des procédures, elle participe elle-même amplement à l'allongement anormal des délais.


  Etonnant, non ?







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L
Rien de surprenant, c'est un cerle vicieux. Manque de moyens financiers voire parfois aussi matériels, pour la magistrature comme pour le greffe d'ailleurs, manque de personnels en prime (quand est-ce que les politiciens feront passer la nécessité d'une bonne justice avant les restrictions budgétaires ciblées qui les arrangent, eux ) (et quand est-ce qu'ils consentiront à ouvrir des postes aux jeunes aussi, car quand on voit le nombre de postes proposés chaque année au concours de l'ENM ça donne envie de pleurer, bien amèrement).La lenteur de la justice est un problème important et latent dont les premières victimes sont les justiciables, pourtant il s'agit d'un problème bien davantage politique que juridique, étonnant non ?
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