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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  La décision (*) prise par le Conseil supérieur de la magistrature à l'encontre de F. Burgaud mérite quelques commentaires. Je n'envisageais pas au départ de m'y attarder, d'autant plus que mon opinion n'est pas encore définitivement fixée tant le sujet est délicat, mais il me semble finalement utile d'essayer d'en souligner certains aspects qui ne sont pas suffisamment mis en lumière par les commentaires des media, même si cela pourra entraîner quelques répétitions avec l'article précédent.

  Rappelons d'abord, une fois encore, un principe de base indiscutable : Oui certains magistrats commettent des fautes et celles-ci doivent être repérées et sanctionnées plus souvent qu'elles ne le sont aujourd'hui. Oui la sanction doit être à la mesure de cette faute. Les responsabilités confiées aux magistrats leur imposent un haut niveau d'exigences et ne doivent laisser aucune place aux attitudes volontairement défaillantes.

  C'est bien pourquoi je n'affirmerais pas, dans une réaction plus épidermique que réfléchie ,que la sanction prononcée contre F. Burgaud est par définition inacceptable. Mais je n'affirmerai pas plus à l'inverse que la sanction est non seulement méritée mais qu'au regard de ce qu'ont vécu "les acquittés" elle paraît dérisoire et beaucoup trop indulgente.

  Car le corporatisme, l'émotion ou la volonté un peu désespérée d'effacer de grandes souffrances ne permettent pas d'aller bien loin dans l'analyse de ce qui se joue autour de ces poursuites et de cette sanction, qui est la première concernant la pratique professionnelle d'un magistrat.

  Voici donc quelques remarques à propos de cette décision :


1.   Ce qui préoccupe très fortement les magistrats après la décision du CSM, et qui peut inquiéter tous ceux qui exercent un métier avec des responsabilités, c'est que cette fois-ci le CSM n'a pas sanctionné un comportement personnel aberrant en marge de l'activité professionnelle (vol, agression, injure, alcoolisme etc..), mais s'est penché sur la qualité du travail. Or ce qui vient immédiatement à l'esprit c'est d'abord que personne ne produit un travail de qualité parfaite et que chacun d'entre nous a eu un jour ou l'autre des défaillances. Mais si à chaque fois qu'un travail n'a pas été accompli avec la qualité maximale, une sanction disciplinaire peut être prononcée, tous les français qui travaillent vont un jour ou l'autre être poursuivis. Et il est impossible de travailler chaque jour avec une crainte permanente de la punition à la moindre faiblesse.

  C'est bien pour cela que, ainsi que je l'ai déjà développé dans un précédent article, en droit du travail les juridictions prudhommales font très attention à distinguer deux situations : le manque de compétence non fautif d'un côté, et la faute délibérée de l'autre. Autrement dit, manque de compétence celui qui, bien que faisant du mieux qu'il peut ,ne fournit pas une prestation de qualité suffisante. Commet une faute celui qui, délibérément, alors qu'il pouvait aisément faire autrement, ne travaille pas comme cela est attendu de lui. Autrement dit encore, on punit celui qui a délibérément bâclé son travail, on ne punit pas celui qui n'a pas les compétences pour faire mieux.

  Cela ne signifie pas que celui qui n'a pas le niveau pour effectuer le travail que l'on attend de lui est intouchable. En droit du travail, il peut même être licencié pour son incapacité à effectuer le travail attendu. Il peut aussi être déplacé vers un poste de travail mieux adapté à ses compétences. Mais, en tous cas, il ne peut pas être sanctionné disciplinairement. Car ne peut être puni que celui que la punition va inciter à faire mieux la prochaine fois. Or celui qui manque de compétence ne peut pas faire mieux. Il faut bien avoir en tête cette distinction essentielle.

  Et cela vaut pour les magistrats comme pour toutes les autres personnes exerçant une activité professionnelle. Mais revenons à l'affaire d'Outreau.

  Ce qu'il faut bien avoir en tête également, c'est que la procédure disciplinaire peut réduire excessivement la marge d'appréciation du comportement de l'intéressé.

  En effet, certaines fautes ou infractions sont régulièrement amnistiées,  c'est à dire qu'elles sont juridiquement effacées. Cela a pour conséquence que les faits antérieurs à une loi qui les amnistie ne peuvent plus être poursuivis disciplinairement ou pénalement après cette loi.

  S'agissant de F. Burgaud, le CSM a considéré que "les agissements et pratiques, qui pourraient être retenus à son encontre comme constitutifs d'une faute disciplinaire et qui seraient antérieurs au 17 mai 2002, sont amnistiés". L'article 11 la loi du 6 août 2002 prévoyait bien que : "Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires".

  Mais quand une personne, dans le cadre de son activité professionnelle, n'est pas suffisamment compétente et ne produit pas un travail de la qualité attendue, cela n'a pas de sens de dire que son incompétence est effacée par une loi d'amnistie. Il serait absurde de considérer que quelqu'un qui a manqué de compétence avant une loi d'amnistie ne peut plus rien se voir reprocher grâce à cette loi. Surtout, cela ferait obstacle à toute réflexion sur l'adéquation entre ses capacités et son affectation, sur le besoin d'un soutien, d'une formation complémentaire etc.

  C'est bien pour cela que privilégier l'approche disciplinaire en cas de défaillances, mêmes graves, d'un professionnel, ressemble à un piège. On veut à tout prix "punir", mais sans réfléchir aux conséquences du choix du terrain discipinaire. Pour comprendre jusqu'où cela peut conduire, il faut admettre que si F. Burgaud était intervenu dans l'affaire d'Outreau uniquement avant la loi d'amnistie de 2002, aucun de ses manquements n'aurait pu être retenu ! Tout aurait été effacé. Cela personne n'aurait pu l'accepter.

  D'où, répétons le, l'importance de distinguer faute et manque de compétence, et de ne pas se précipiter aveuglément vers une procédure disciplinaire pour obtenir à tout prix uns sanction.

2.   La gravité d'une faute ne peut pas s'apprécier exclusivement par rapport à ses conséquences.

  Prenons un exemple :

  Si un enfant qui croit le faire ne ferme pas complètement un robinet d'eau et qu'une inondation se produit et détériore gravement les lieux, on a une faute de très faible ampleur (l'enfant était persuadé avoir fermé le robinet et n'a seulement pas vérifié qu'il l'était vraiment), mais avec des conséquences très importantes.
  A l'inverse si un autre enfant tente de mettre le feu dans un local en approchant des allumettes d'un rideau, qu'il s'enfuit dès les premières flammes mais que finalement le début d'incendie s'éteint pour une quelconque raison, on a une faute très grave (vouloir créer un incendie) sans quasiment aucune conséquence (un morceau de tissu brûlé).

  Il en va de même pour les adultes. Le conducteur d'une voiture, qui cherche à chasser la  guêpe qui l'a déjà piqué une première fois et donne sans le faire exprès un coup de volant qui le projette contre la voiture qui vient en face et dans laquelle une personne est tuée dans l'accident ,commet une faute moins grave que celui qui conduit à 100 kms en ville et fait seulement chuter un piéton qui se recule brusquement à son passage.

  C'est pourquoi il n'est pas possible, d'un point de vue théorique, d'apprécier la sanction à infliger à F. Burgaud en mettant uniquement en avant les condamnations un temps prononcées contre les "acquittés" et la détention subie.

3.   Si l'on devait tenter de résumer la décision du CSM, on pourrait dire qu'il est reproché à F. Burgaud des erreurs, des approximations, des manques de précisions. Le CSM mentionne à titre  d'exemples une analyse insuffisamment critique des propos d'accusés ou de témoins, des contradictions non relevées et non exploitées, des aberrations non décelées dans les témoignages, des vérifications tardives ou non effectuées, des questions posées aux accusés formulées de façon maladroite et pouvant faire penser que la culpabilité était considérée comme certaine par le juge, ou la notification tardive de certaines expertises.

  L'impression donnée par la décision du CSM est finalement que F. Burgaud n'a pas maîtrisé son dossier et qu'il a commis à plusieurs reprises des maladresses ou erreurs, tant dans son analyse de l'affaire que dans ses pratiques. On notera toutefois que comparativement aux milliers d'actes de ce dossier, le nombre des manquements relevés par le CSM n'est mathématiquement pas très important.

  Pour conclure à l'existence d'une faute et à l'application d'une sanction disciplinaire, le CSM écrit dans sa décision : "Si chacun de ces défauts de maîtrise, ces négligences ou ces maladresses, ne constitue pas, pris séparément, un manquement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, leur accumulation constitue, en l'espèce, un manque de rigueur caractérisé, de nature à nuire au bon déroulement de l'information et, en conséquence, un manquement, par M. Burgaud, aux devoirs de son état de juge d'instruction."
 
  Cela laisse un peu perplexe. En effet, on ne saisit pas très bien comment le fait qu'il existe plusieurs comportements non fautifs (cf. plus haut) permet au final de retenir... une faute. Mais je me suis déjà suffisamment arrêté sur ce point.

3.   Pour avancer et au regard de ce qui précède, oublions un instant la sanction du CSM et tentons notre propre analyse des faits.

Question 1 : F. Burgaud a-t-il été défaillant ?

  La réponse paraît a priori positive. Il semble avoir été défaillant en ce sens que, dans l'absolu, les maladresses et erreurs mentionnées dans la décision du CSM pouvaient être évitées. Il était possible de poser des questions autrement, il était possible de mettre témoins ou accusés face à leurs contradictions, il était possible de déceler certaines invraisemblances dans les témoignages etc.. Il semble donc impossible de contester l'existence de ces manquements,  réellement graves pour certains d'entre eux.

  Et si l'on pourrait éventuellement estimer utile d'aller vérifier comment les futurs juges sont formés aux techniques de l'interrogatoire et à la gestion d'une procédure très complexe, il faut bien admettre qu'il ne semble pas indispensable d'avoir bénéficié d'une formation particulière pour savoir qu'il faut vérifier s'il n'existe pas des contradictions entre les propos des uns et des autres.

  Devant le CSM, la présidente de la cour d'assises d'appel, qui a lu tout le dossier, a affirmé que le travail de F. Burgaud était "dans la moyenne" de ce que font les juges d'instruction. Il semble toutefois difficile d'excuser la prestation d'insuffisante qualité d'un magistrat par le fait que nombreux sont ceux qui ne font pas mieux.

  Et de toute façon, en matière de justice et à cause de l'enjeu des procédures, la référence ne peut pas être une qualité moyenne. Toute prestation doit être comparée avec ce qui pourrait se faire de mieux.

Question 2 : F. Burgaud a-t-il été le seul magistrat défaillant ?

  Puisque les manquements reprochés à F. Burgaud semblent particulièrement apparents à la lecture de la procédure, ils n'ont pas pu échapper aux autres professionnels qui ont examiné le dossier. Et l'on pense en premier lieu aux membres du Parquet Général et de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai.

  En ce sens, le CSM écrit clairement que : "Les insuffisances retenues dans le dossier à l'origine de l'acte de poursuite n'ont pas été relevées dans les nombreuses autres procédures dont M. Burgaud avait la charge ; que, pour ce dossier, le travail du juge d'instruction n'a suscité, à aucun moment, d'observations de la part des magistrats, parfois très expérimentés, du siège ou du parquet, qui étaient appelés à suivre ou à contrôler l'information ; qu'en outre, aucune demande d'annulation de la procédure n'a été présentée par la défense à la chambre de l'instruction."

  Pourtant, d'après les témoignages des magistrats de Douai devant le CSM, rien n'a été spécialement décelé par eux.

  C'est sans doute cela qui rend la procédure disciplinaire incompréhensible. Certains de ceux qui avaient pour mission de contrôler le travail du juge et qui à leur tour ont failli ont été invités à témoigner devant le CSM sur.... le travail de F. Burgaud.

  Mais il faut bien admettre que pour eux aussi ce n'était pas vraiment simple. Soit ils prétendaient que le juge d'instruction avait effectué un travail de qualité suffisante et ainsi ils étaient eux-mêmes hors de cause. Soit ils admettaient les défaillances du juge d'instruction et ils devaient alors s'expliquer sur les raisons pour lesquelles ils ne les ont pas décelées. Cruel dilemme ! Mais ici encore on pourra rétorquer que les manquements des autres n'effacent pas les manquements des uns.

  Par ailleurs, il faut de nouveau insister sur un point trop souvent laissé de côté. Ce qui a principalement constitué une tragédie pour les "acquittés" ce ne sont pas tant les accusations portées contre eux que l'emprisonnement qu'ils ont subi. Or ce n'est plus le juge d'instruction qui place les mis en examen en détention mais le juge des libertés et de la détention. Rien n'interdisait à celui-ci, avant de prendre sa décision, de constater dans le dossier toutes les incohérences relevées par le CSM et, par prudence, de laisser en liberté des individus à la culpabilité incertaine.

  Mentionnons en passant que même si nous ne pouvons pas refaire l'histoire, il aurait été intéressant de regarder dans une telle hypothèse les réactions des élus et des media à l'égard d'un magistrat laissant en liberté des personnes présentées par toute la presse de France comme des monstres violeurs d'enfants....

  Quoi qu'il en soit le Ministère de la justice pouvait-il poursuivre tous les magistrats impliqués, quitte à ce que certains d'entre eux soient au final mis hors de cause ? Rien ne s'y opposait. Et cela aurait enlevé à cette procédure contre le seul F. Burgaud son vice essentiel, tant une instance disciplinaire contre un seul maillon d'une chaîne dont la responsabilité est collective apparait aberrant et injuste.

Question 3 : Dans quelles conditions travaillait F. Burgaud ?

  A chaque fois qu'une personne n'a pas produit la prestation que l'on est en droit d'attendre d'elle, la question n'est pas seulement "devait-elle faire mieux" ? Il faut systématiquement aborder en même temps l'autre versant de la problématique "pouvait-elle faire mieux ?".

  Quand un juge d'instruction se voit confier une affaire de l'ampleur de l'affaire d'Outreau, il doit être déchargé de la quasi-totalité de ses autres dossiers (F. Burgaud en traitait une centaine) , tant il faut des jours, des semaines et des mois pour enquêter, auditionner, décortiquer et analyser les milliers de pièces de la procédure, faire des fiches pour comparer les déclarations des uns et des autres etc... Instruire un dossier d'une aussi considérable ampleur demande probablement d'y travailler à plein temps si l'on veut que le juge d'instruction produise un travail de qualité.

  D'ailleurs, le CSM a également écrit dans sa décision : "l'affaire dite d'Outreau constituait, notamment du fait du grand nombre de personnes mises en cause, comme de celui des jeunes victimes, un dossier d'une difficulté tout à fait exceptionnelle ; que, par ailleurs, M. Burgaud dont l'investissement professionnel n'est pas contesté, n'a pas disposé de moyens humains et matériels lui permettant de traiter ce dossier dans les meilleures conditions".

  Sur ce dernier point, il faut lire aussi cet autre extrait de la décision, inclus dans un paragraphe relatif à la notification tardive de certaines expertises : "Ces délais aussi longs soient-ils pour certains trouvent leur origine dans des absences de personnel et l'insuffisance des moyens du greffe, ces difficultés matérielles et ce manque de moyens humains ayant été dénoncés par le juge d'instruction dès 2001, tant auprès du président du tribunal, du premier président de la cour d'appel qu'auprès du président de la chambre de l'instruction."

  Cela signifie que du président de son tribunal jusqu'au Ministère de la justice, en passant par le premier président de la cour d'appel, tout le monde savait que F. Burgaud ne disposait pas du temps nécessaire pour faire un travail de qualité, qu'en plus chacun avait conscience qu'il était inexpérimenté, et donc, que pour le même travail, il lui fallait encore plus de temps, et que rien n'a été fait pour qu'il puisse travailler dans des conditions raisonnables.

  Ce qui est dommage, c'est que le CSM ne précise pas quelles réponses ont (n'ont pas) été apportées aux appels à l'aide de F. Burgaud.  Par ailleurs, avez-vous entendu une seule fois depuis le début de cette affaire le Ministère de la justice aborder la question des moyens donnés à F. Burgaud ? Avez-vous entendu la moindre autocritique de la hiérarchie sur ce point ? Jamais.

  Nous avons assisté de la part de la hiérarchie judiciaire et du Ministère de la justice à une fuite totale des responsabilités qui, quel que soit le comportement de F. Burgaud, est profondément choquante.

   Dès lors, peut-on reprocher à un magistrat, qui n'a jamais disposé du temps suffisant pour le faire, de ne pas s'être penché pendant des heures, des jours et des mois sur le détail de chaque phrase de chaque audition dans un dossier qui en comporte des milliers ?

Question 4 : Fallait-il sanctionner F. Burgaud ?

  Finalement l'interrogation est la suivante :

  Un magistrat débutant qui traite correctement ses autres dossiers, qui se voit confier un dossier extraordinairement complexe alors qu'il n'a pas encore de véritable expérience professionnelle, dont la charge de travail n'est pas allégée alors qu'aucun magistrat même plus ancien ne serait capable de gérer autant de dossiers en même temps, qui ne peut pas y consacrer tout le temps nécessaire, dont le travail est avalisé par la totalité de sa hiérarchie et notamment par ceux dont la mission est d'exercer un regard critique sur le contenu de son dossier, peut-il être considéré comme ayant délibérément effectué des prestations de mauvaise qualité, conditions pour caractériser une faute disciplinaire (cf. à nouveau) ?

  La réponse me semble bien négative. Et pourtant peu m'importe le sort de F. Burgaud, que je ne connais pas personnellement, et que rien ne m'incite à protéger pour une quelconque raison.

  Et le CSM est tombé dans le piège.

  Relaxer F. Burgaud aurait sans doute profondément heurté l'opinion de ceux qui, et on peut les comprendre en partie, ont seulement en tête les souffrances et les larmes des "acquittés" et ne sont pas enclins à analyser en détail et avec suffisamment de recul tous les méandres de cette affaire.

  Le condamner sévèrement aurait été une injustice, étant donné les conditions matérielles qui lui ont été imposées et son manque d'expérience, rien de cela ne pouvant lui être reproché. Et cela aurait profondément heurté l'ensemble de la magistrature, sans que cela soit seulement un réflexe corporatiste.

  Mais même avec le prononcé d'une sanction faible, la notion de bouc-émissaire souvent utilisée devient compréhensible, en ce sens que la poursuite contre le seul juge d'instruction, supposée satisfaire et faire taire une opinion publique en colère, avait bien pour objectif essentiel de masquer les défaillances majeures de toute une institution.

  Mais à vouloir satisfaire tout le monde, on ne satisfait souvent personne.

  Faut-il alors retourner lire le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau pour y chercher les solutions ? On y trouve certaines propositions intéressantes. Mais ce que l'on sait aussi c'est qu'elle était composée essentiellement de ces députés qui, année après année, refusent de donner à la justice les moyens humains dont elle a besoin pour espérer que, un jour, chaque magistrat de France puisse consacrer à chacun de ses  dossiers tout le temps nécessaire. Il n'y a donc pas grand chose de véritablement utile à attendre de ce côté là.

  Le débat devrait être ouvert sur le recrutement des juges, leur formation, le suivi de leur travail, les mécanismes d'aides dont ils doivent bénéficier dans les situations difficiles, la façon et  les moyens d'exercer en permanence un véritable contrôle de qualité dans tous les services judiciaire. Mais rien n'est en route.

  Alors pour masquer l'indigence des projets on préfère détourner le débat et sanctionner un jeune juge, seul, qui  a été dépassé par les évènements et qui, emporté par un dossier hors norme qu'il n'a pas eu les moyens intellectuels et matériels d'appréhender, n'a pas été à la hauteur.

   Il n'en reste pas moins que F. Burgaud a commis une erreur majeure, non mentionnée dans le rapport du CSM : refuser de reconnaître ses lacunes, ses maladresses, ses erreurs. Non seulement il serait apparu plus humain, mais, chacun connaissant les circonstances de son travail, il aurait certainement bénéficié d'une relative compréhension de la part de ses concitoyens.

  Il en va de même de la plupart des magistrats qui ont été auditionnés par le CSM, qui ont voulu montrer en toutes circonstances l'image d'une justice en état de marche, contrairement à  ce qu'il en est véritablement, et qui pour ce faire ont délibérément occulté une grande partie de la réalité dans un élan largement corporatiste.

  C'est sans doute cela qui est le plus inadmissible.

  Mais pour aller au-delà des apparences et admettre cette réalité, il aurait fallu trouver ce qui manque le plus dans la magistrature d'aujourd'hui : du courage.


  Non, décidément, il n'existe aucune raison d'être optimiste.



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Pour télécharger la décision du CSM (format .doc), cliquer ici




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P
Je suis entièrement d'accord avec toute votre réflexion. Les supérieurs hiérarchiques qui ont été alertés par M. Burgaud du manque de moyens pour cette affaire n'auraient il pas dû, ou pu, lui prêter davantage attention, et faire le nécessaire pour y pallier? La faute , s'il y a faute, ne serait elle pas plutot sur eux qu'elle devrait être portée? ce qui aurait permis de mettre véritablement en lumière le fonctionnement du service judiciaire, et d'en voir toutes les faiblesses en hommes et en matériels? Par ailleurs, je voulais savoir, car je n'ai pas suivi l'évolution du débat sur le juge d'instruction, si le statut de juge d'instruction a été ou va être modifié. M. SARKOZY a annoncé publiquement la suppression du juge d'instruction, ce que je n'approuve pas, du moins, tel qu'il semble annoncé (ce serait un juge rattaché au Parquet?), car si tel est ce changement, c'est tout le régime de production de la preuve qui devrait être remanié. Car l'Etat ne peut être juge et partie, et instruire, et trancher, sans être en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs, que ne manqueront pas de soulever les plaideurs devant la CJCE. Si l'instruction est désormais conduite par le Parquet, je trouve qu'il serait alors plus sain, et plus équilibré de donner aux parties le droit de pouvoir mener des enquêtes et de participer directement à la produtcion de la preuve. En cela, les citoyens pourraient peut être mieux se défendre, via peut être des associations de victimes, (comme les class action aux Etats Unis)... Si l'on va donc vers ce genre d'organisation, on va ressemble d'ici peu aux procédures américaines... est ce vraiment une bonne chose? tout ceci à cause d'une affaire médiatisée dont on a un peu tronqué l'analyse pour lui faire avoir les effets que l'on voulait? Personnellement, je pense que notre institution du juge d'instruction actuelle est bonne, et permet vraiment d'oser mettre en cause des personnes hautement placées, et d 'éviter ainsi qu'il y ait une classe "d'intouchables". Le fait d'être soumis au Parquet va nécessairement poser la question du respect des instructions hiérarchiques, et donc de l'indépendance du juge dans son travail... Ce n'est pas une bonne solution, à mon sens, à moins de conférer aux parties un droit d'enquête également.Bien cordialement.
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