Quand la justice dysfonctionne (3)
Par Michel Huyette
La journal Liberation vient de publier une série de témoignages de professionnels de la justice. Dans l'un de ces articles, intitulé "Urgentiste au parquet de Grenoble", le journaliste raconte le quotidien d'un substitut du procureur de la République chargé du « traitement en temps réel » de la délinquance. C'est lui qui réceptionne toutes les informations en provenance des services de police et de gendarmerie.
Ce que l'on retient de la lecture de cet article, c'est la description de la réalité de terrain, et les constats des magistrats : appels téléphoniques incessants, réponses à donner toujours rapidement, impossibilité d'appréhender les dossiers à fond... Les conséquences sont inéluctables. Les magistrats le disent une fois de plus.
« La difficulté c'est d'arriver en si peu de temps à repérer ce que les enquêteurs n'ont éventuellement pas vu », « le rythme ne permet pas vraiment la réflexion », « ce qui compte aujourd'hui ce sont les statistiques, la Chancellerie veut un taux élevé de réponses pénales c'est à dire traiter le maximum d'affaires possible, en classer le minimum, faire un maximum de comparutions immédiates et de peines planchers », « on se retrouve à gérer des histoires de filouteries de carburant au détriment de dossiers plus importants ».
Cela aboutit à quoi : à ce que j'ai délà signalé sur ce blog, (lire ici - et ici) c'est à dire de très nombreuses procédures bâclées, mal construites par les services de police (qui, il faut le dire à leur décharge subissent eux aussi quotidiennement la dictature du chiffre), et des dossiers qui arrivent devant les tribunaux sans avoir été sérieusement préparés.
Le critère de « qualité » semble certains jours ne plus avoir sa place dans l'institution judiciaire.
Quoi qu'il en soit cet article met bien en lumière une certaine forme de justice quotidienne, avec son traitement expéditif et approximatif des dossiers. Une justice au rabais, au vu et au su de tous.
Ce que l'on doit relever quand même c'est que rien n'interdit à un procureur de donner comme consigne à ses substituts de prendre plus de temps avec chaque dossier pour privilégier la qualité sur la quantité. Mais encore faudrait-il un peu de courage.
Car les magistrats interrogés par le journaliste ont également dit, à propos de la très forte pression du ministère de la justice pour privilégier la quantité sur la qualité, et après avoir rappelé que certains procureurs généraux ont été convoqués à la Chancellerie il y a quelques mois pour s'expliquer sur le faible taux des peines planchers dans leur ressort : « On a l'impression de travailler avec un pistolet sur la tempe ». Bref, si on ne respecte pas scrupuleusement les consignes de faire du chiffre et non de la qualité, la sanction peut tomber à tout moment.
Il est vrai qu'il n'est pas forcément facile de dire non à celui qui a mis son doigt sur la gachette.
Il n'empêche qu'il est toujours étonnant, quand on connaît la réalité de l'intérieur, d'entendre les procureurs de la République, lors des audiences solennelles de rentrée (en janvier de chaque année), mettre en avant des statistiques qui, selon eux, leur permettent de conclure que leur service a particulièrement bien travaillé. Oui il a beaucoup travaillé. Mais en produisant d'innombrables procédures de bien médiocre qualité.
Allez écouter une fois (vous n'y retournerez sans doute pas et je vous comprends car il ne s'y dit pas grand chose de passionnant) les discours de ces audiences, et essayez de compter combien de fois le mot "qualité" est prononcé et une démonstration faite pour le justifier.
Les doigts d'une seule de vos mains suffiront amplement.
La journal Liberation vient de publier une série de témoignages de professionnels de la justice. Dans l'un de ces articles, intitulé "Urgentiste au parquet de Grenoble", le journaliste raconte le quotidien d'un substitut du procureur de la République chargé du « traitement en temps réel » de la délinquance. C'est lui qui réceptionne toutes les informations en provenance des services de police et de gendarmerie.
Ce que l'on retient de la lecture de cet article, c'est la description de la réalité de terrain, et les constats des magistrats : appels téléphoniques incessants, réponses à donner toujours rapidement, impossibilité d'appréhender les dossiers à fond... Les conséquences sont inéluctables. Les magistrats le disent une fois de plus.
« La difficulté c'est d'arriver en si peu de temps à repérer ce que les enquêteurs n'ont éventuellement pas vu », « le rythme ne permet pas vraiment la réflexion », « ce qui compte aujourd'hui ce sont les statistiques, la Chancellerie veut un taux élevé de réponses pénales c'est à dire traiter le maximum d'affaires possible, en classer le minimum, faire un maximum de comparutions immédiates et de peines planchers », « on se retrouve à gérer des histoires de filouteries de carburant au détriment de dossiers plus importants ».
Cela aboutit à quoi : à ce que j'ai délà signalé sur ce blog, (lire ici - et ici) c'est à dire de très nombreuses procédures bâclées, mal construites par les services de police (qui, il faut le dire à leur décharge subissent eux aussi quotidiennement la dictature du chiffre), et des dossiers qui arrivent devant les tribunaux sans avoir été sérieusement préparés.
Le critère de « qualité » semble certains jours ne plus avoir sa place dans l'institution judiciaire.
Quoi qu'il en soit cet article met bien en lumière une certaine forme de justice quotidienne, avec son traitement expéditif et approximatif des dossiers. Une justice au rabais, au vu et au su de tous.
Ce que l'on doit relever quand même c'est que rien n'interdit à un procureur de donner comme consigne à ses substituts de prendre plus de temps avec chaque dossier pour privilégier la qualité sur la quantité. Mais encore faudrait-il un peu de courage.
Car les magistrats interrogés par le journaliste ont également dit, à propos de la très forte pression du ministère de la justice pour privilégier la quantité sur la qualité, et après avoir rappelé que certains procureurs généraux ont été convoqués à la Chancellerie il y a quelques mois pour s'expliquer sur le faible taux des peines planchers dans leur ressort : « On a l'impression de travailler avec un pistolet sur la tempe ». Bref, si on ne respecte pas scrupuleusement les consignes de faire du chiffre et non de la qualité, la sanction peut tomber à tout moment.
Il est vrai qu'il n'est pas forcément facile de dire non à celui qui a mis son doigt sur la gachette.
Il n'empêche qu'il est toujours étonnant, quand on connaît la réalité de l'intérieur, d'entendre les procureurs de la République, lors des audiences solennelles de rentrée (en janvier de chaque année), mettre en avant des statistiques qui, selon eux, leur permettent de conclure que leur service a particulièrement bien travaillé. Oui il a beaucoup travaillé. Mais en produisant d'innombrables procédures de bien médiocre qualité.
Allez écouter une fois (vous n'y retournerez sans doute pas et je vous comprends car il ne s'y dit pas grand chose de passionnant) les discours de ces audiences, et essayez de compter combien de fois le mot "qualité" est prononcé et une démonstration faite pour le justifier.
Les doigts d'une seule de vos mains suffiront amplement.