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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


  Non non ne souriez pas, ce titre n'a rien d'humoristique. Il ne s'agit ni d'une blague, ni d'une affirmation farfelue. Et j'en ai la preuve : c'est écrit dans la loi. Enfin, presque....

  Les modalités de recrutement des auditeurs de justice (les futurs magistrats qui vont intégrer l'école nationale de la magistrature ENM) ont été modifiées par un décret du 31 décembre 2008 qui introduit dans un article 18 la disposition suivante : « Chaque candidat fait l'objet d'un avis écrit d'un psychologue, établi à partir de tests de personnalité et d'aptitude d'une durée maximum de trois heures passés avant les épreuves d'admission et d'un entretien d'une durée maximum de trente minutes organisé en présence d'un magistrat. L'avis du psychologue est remis en mains propres au candidat ou lui est notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il est transmis au président du jury. Le candidat ou le président du jury peuvent demander, dans un délai de huit jours à compter de la réception de l'avis, un entretien avec un autre psychologue, organisé et notifié dans les mêmes conditions. »

  Les choses sont donc claires. Puisque le psychologue va examiner chaque candidat, il va   éliminer tous ceux qui présentent le moindre défaut, et donc ne laisser passer à travers les mailles de son impitoyable filet que les candidats dont les qualités peuvent remplir un catalogue plus épais que celui de la Redoute.

  Grâce à cet intelligent mécanisme de sélection mis en place par le ministère de la justice, demain tous les magistrats seront exceptionnels, et plus aucune critique n'apparaîtra fondée. Bien fait pour tous les détracteurs en herbe d'une justice devenue un lieu d'excellence. Et c'est vraiment histoire de trouver quelques petites choses à dire que l'on soulignera éventuellement quelques questions qui restent en suspens.

  D'abord il n'est pas précisé quelles compétences devront avoir les psychologues appelés à collaborer avec les jurys de l'ENM, ni même s'ils devront avoir une toute petite connaissance de la justice et du travail des magistrats. L'ENM recrutera-t-elle de ces psychologues qui se sont fait une spécialité, lucrative, de participer à la sélection des cadres dans certaines entreprise privées ? Ou des psychologues spécialisés dans les troubles des personnes âgées, ou ceux des jeunes enfants, ou les problèmes de couple ? L'avenir le dira.

  Ensuite et surtout, il n'est indiqué nulle part quels sont les aspects de la personnalité des candidats qui doivent êtres particulièrement fouillés.

  On comprend à peu près ce qu'il en est des tests de "personnalité". Il sera sans doute important d'interroger les futurs auditeurs sur la façon dont cela se passait avec papa et maman.

  Toutefois le décret mentionne aussi un test "d'aptitude". Mais d'aptitude à quoi ?

  Le psychologue devra-t-il mettre un « excellent » à celui dont le profil montrera qu'il saura rester dans le rang, garder pour lui les éventuelles critiques sur le fonctionnement de l'institution judiciaire et, quoi qu'il ait à dire, n'entrera que l'échine courbée dans le bureau de son chef de juridiction ? Devra-t-il mettre un « très bon » à celui qui saura montrer à quel point il est prêt à se conformer à l'idéologie dominante du moment et à taire toute vélléité d'approche polémique ? Devra-t-il mettre un « parfait » à celui qui saura exprimer combien il est disponible et prêt à exécuter les consignes voire les souhaits des responsables politiques ? Mentionnera-t-il « prometteur » à propos de celui dont la personnalité montrera que le souci de faire carrière le conduira naturellement vers une soumission permanente et étouffera toute vélléité de se différencier du lot ?

  Notera-t-il « précoccupant » en constatant que le candidat a osé lui demander la méthodologie utilisée pour apprécier ses futures défaillances ? Ecrira-t-il « personnalité trouble » à propos du candidat qui développera sa vision de la justice sans se référer aux conceptions standard de l'époque ? Soulignera-t-il d'un trait épais « à écarter à tout prix » à propos du candidat qui expliquera en quoi la justice ne peut pas se satisfaire des demandes de l'opinion publique ni des injonctions d'un pouvoir politique avide de la satisfaire pour conserver sa popularité ?

  Ce qu'il faut retenir de ce qui précède, c'est que reste posée une question à laquelle le décret ne répond pas : quelles sont les compétences (au sens le plus large)  qui font un magistrat de qualité ?

  Mais tout cela n'est pas bien grave. Après Outreau il fallait changer les magistrats nous a-t-on dit. Alors le ministère de la justice a décidé d'inviter un psychologue à participer au recrutement des futurs auditeurs. Certes il n'a pas été discuté des compétences ou de la méthodologie de ce psychologue, ni des critères à retenir, ni de la façon d'éviter les erreurs d'appréciation (le psychologue de l'ENM sera-t-il rémunéré au tarif d'une  femme de ménage...? *). Mais peu importe. Il y a bien longtemps que l'on ne crée plus des textes parce qu'un vaste et complet débat préalable a conclu de façon indiscutable à l'utilité de mettre en place une nouvelle réglementation.

  On réfléchira au sens de tout cela plus tard.



* A l'occasion du procès d'Outreau un psychologue qui avait déclaré « crédible » les propos d'enfants qui s'étaient ensuite avérés fantaisistes avait affirmé, en substance, qu'il ne fallait pas attendre trop de psychologues payés au prix d'une femme de ménage...
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L
Bonjour Madame Fournerie,<br /> A vrai dire que j'y connais rien en psychologie, quelle qu'elle soit, même s'il m'arrive de regretter de ne pas avoir suivi des études dans ce domaine.<br /> Je suis bien sûr d'accord sur le fait qu'il convient d'écarter des personnalités jugées déviantes ou suspectes car intellectuellement bornées sur des idées contestables mais je reste sceptique sur la méthode employée.<br /> Déjà que l'enquête de moralité, à laquelle tout candidat désirant passer le concours de l'ENM doit se soumettre, me semble parfois vraiment choquante (Pour quel parti politique votez-vous ? D'accord, c'est sûrement pour déceler ceux qui votent aux extrêmes, mais quand même...Comment ça se passe avec votre conjoint ? Non mais de quoi je me mêle... Questions sur l'état de santé... Enfin voilà différents échos que j'ai eus..).<br /> Dire que l'injustice faite aux hommes n'est pas une fatalité, j'en doute. Le juge ne choisit pas d'être injuste ! C'est précisément parce que la justice est rendue par des hommes qu'elle n'est pas infaillible, et qu'elle ne le sera jamais car elle sera toujours rendue par des hommes !<br /> Un magistrat qui commet une erreur humaine, pour reprendre vos mots, ne le fait pas exprès, et ce n'est pas des tests qui vont faire que cela va disparaître car précisément on ne peut pas assimiler un juge qui se trompe à un juge mauvais, mal recruté ou devant être mis à la marge.<br /> Quand un juge se trompe, cela ne signifie pas forcément que c'est quelqu'un qui ne se remet pas en cause ou qui est dangereux. L'erreur est regrettable, intolérable pour celui qui en est victime, pour la société aussi bien sûr, mais l'erreur peut arriver. C'est une réalité qu'on ne peut pas occulter, car trop réelle, pas quant à sa fréquence mais quant à la possibilité d'arriver.<br /> Vous dites qu'il revient au juge de savoir écouter, je suis bien d'accord avec vous, mais est-ce suffisant ?! Juger revient à trancher, trancher parmi de nombreux éléments de fait, de droit, face à des témoignages, des expertises, en prenant en compte une personnalité, un contexte, autant de choses qui font que rien n'est sûr et que l'on ne peut que parler, dans le meilleur des cas,( cas qui je suppose sont très très nombreux), de vérité judiciaire, et non pas de vérité (tout court). On tranche parmi ce que l'on a au débat, en faisant la balance entre ce qui semble vrai, moins vrai ou faux. Et à un moment on doit se décider, en rendant la meilleure décision possible (vérité judiciaire), sans pouvoir dire qu'on a rendu la meilleure décision qui soit (Vérité parfaite).<br /> L'erreur du juge pénal (même si tous les magistrats peuvent se tromper, l'erreur du juge pénal reste sûrement la plus grave au regard des libertés individuelles en jeu) est un thème qui me tient à coeur, j'ai un mémoire à rédiger là-dessus cet été. Je n'arrive toutefois pas à comprendre quelle serait, selon vous, la solution idoine pour que l'erreur du juge n'arrive plus. Pour moi une telle situation relève du l'utopie.<br /> Savoir écouter ne suffit pas, et quand vous écrivez que le juge doit écouter, « Ce qu’il ne fait pas quand l’issue du procès est décidée à l’avance » , alors là il s'agit d'un manque d'impartialité, donc de partialité, et effectivement c'est grave. Quant au fait de devoir se remettre en cause, là je pense qu'effectivement il est indispensable de le faire. Un magistrat qui n'a que des certitudes est dangereux mais, sans dire que cela n'existe pas, je ne suis pas persuadée que ça soit très courant. Le droit, les jugements, les dossiers, tout cela est tellement fluctuant qu'il est difficile d'avoir des idées arrêtées !<br /> Et puis il n'y a pas que les professionnels qui devraient se remettre en question. Ca commence bien avant car malheureusement de nombreux jeunes, dans le droit et à qui je n'arrive intellectuellement pas à la cheville mais qui humainement sont une coquille vide, n'arrivent pas à le faire. Et bien je me dis que ce sont peut-être ces mêmes jeunes, conditionnés par leurs études et ne sachant rien voir, apprendre ou découvrir d'autre, qui seront juges. Et rien que là j'ai peur.
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N
<br /> La remarque de Laura montre qu'elle connaît la pratique des psy comportementalistes ou des psycho-sociologues. Pas des cliniciens.<br /> Je ne voudrais pas trop me répéter mais j'insiste sur le fait que c'est précisément parce qu'elle est faite par les hommes que la justice peut être parfaitement cruelle et inique ...<br /> Et qu’il convient donc d’écarter certaines structures de personnalité dans le recrutement des juges qui le sont à vie !<br /> Vouloir rendre parfaits les juges (ou quiconque d’ailleurs) serait délirant et paradoxalement pas souhaitable, mais il est indispensable que les juges soient capables de  se remettre en question. Dans la réalité, on est loin du compte ! Ce qui ne peut pas être un hasard.<br /> Or l'injustice commise par les hommes n’est jamais une fatalité contrairement à d’autres injustices qui éprouvent peu ou prou chacun d'entre nous (handicap, maladie, accident, catastrophe naturelle, lieu de naissance, appartenance sociale, culturelle, économique etc...)<br /> L'injustice faite par les hommes est donc insupportable pour tout individu sain de corps et d’esprit. Et prétendre que puisqu'elle est humaine la justice ne peut être qu’imparfaite, m'apparaît comme une inversion grave de la réflexion qui au nom du peuple autorise tous les abus individuels. Et toutes les perversions de la loi.<br /> C'est précisément parce qu'elle est faite par les hommes que l'injustice devrait être bien plus rarissime que les injustices dites naturelles. D’autant que l’erreur humaine peut toujours être reconnue pour être corrigée ou ses conséquences réparées autant que possible et dans les plus brefs délais.<br /> Erreur qui ne devrait pas engendrer la honte de celui qui l’a commise, mais devrait lui permettre au contraire de progresser pour ne jamais la reproduire car l’erreur répétitive devient une faute. Et il est des fautes qu’on ne devrait jamais tolérer !<br /> A ce propos que pensez-vous de la publication de la liste des sectes ou assimilées pour informer les citoyens ?<br /> Quand les protagonistes sont toujours vivants,  l’injustice commise par l’institution judiciaire n’est JAMAIS une fatalité. Qu’il soit coupable, innocent ou victime, le justiciable sait ce qu’il a fait ou pas. Au juge de savoir l’écouter pour établir et comprendre la vérité. <br /> De devoir le faire aussi. Ce qu’il ne fait pas quand l’issue du procès est décidée à l’avance. La vérité judiciaire étant alors une véritable imposture… <br /> La vérité judiciaire différente de la réalité des faits est la négation même d'une justice au service de tous les citoyens d'une république démocratique et laïque.  <br />  <br />
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L
Juste pour dire qu'un bon magistrat est quelqu'un d'humain et qu'une personne pourra paraître bien sous tous rapports au travers cet examen psychologique mais il n'en demeure pas moins que la valeur de l'Homme, sa nature profonde, ne ressort pas d'un entretien de quelques minutes ou de quelques heures.<br /> Arrêtons de croire à la recette magique pour déceler LE magistrat parfait ! (selon des critères qui d'ailleurs sont bien flous !), c'est aussi choquant à mes yeux que de parler de normalité pour des êtres humains (). Un Homme normal ça ne veut absolument rien dire, un magistrat parfait non plus.<br /> Par contre on peut parler de magistrats/auditeurs/futurs auditeurs consciencieux, ouverts et encore une fois, humains. Là je comprends mieux. On n'est pas Homme de bien (Homme avec un H majuscule, hein !) parce qu'on coche les bonnes cases ou qu'on répond bien à Monsieur le psy....Enfin en attendant, il semblerait que si... 
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R
Bien sûr, toutes garanties seront apportées pour que l'évaluation du psychologue reste secrète et ne puisse jamais être utilisée pour déstabiliser l'ancien auditeur devenu magistrat.
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P
<br /> Le dernier alinéa du décret prévoit à propos du résultat des tests : "Celui-ci est détruit à l'expiration d'un délai deux mois à compter de la publication des résultats du concours".<br /> Cela semble vouloir dire qu'une fois le candidat admis il ne restera plus de trace de son évaluation psychologique initiale.<br /> MH<br /> <br /> <br />
P
Pour aller un peu plus loin avec le commentaire de Mami, il est rassurant de voir que les futurs magistrats seront parfaits, mais cela ne résoudra pas nos problèmes actuels, avec des magistrats imparfaits. Nul doute qu'une fois qu'il l'aura remarqué, notre Président de la République demandera à madame la Garde des sceaux de préparer une loi à ce sujet...
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M
On s'excite un peu trop sur les magistrats , formation, responsabilité, corporatisme ...Je trouve que l'on devrait plutôt s'exciter à chercher des solutions pour faire fonctionner parfaitement la justice même avec des acteurs qui pourraient se révéler défaillants ou médiocres.
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